Ne nous racontez plus d’histoires ! : critique du film (2021)

Documentaire, Historique | 1h29min
Note de la rédaction :
8/10
8
Ne nous racontez pas d'histoires, l'affiche

  • Réalisateur : Ferhat Mouhali Carole Filiu-Mouhali
  • Acteurs : Carole Filiu-Mouhali, Ferhat Mouhali
  • Date de sortie: 15 Avr 2021
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Ne nous racontez plus d'histoires !
  • Titres alternatifs : -
  • Année de production : 2020
  • Scénaristes : Carole Filiu-Mouhali, Ferhat Mouhali
  • Directeur de la photographie : Ferhat Mouhali
  • Producteurs : Carole Filiu-Mouhali, Ferhat Mouhali
  • Société(s) de production : VraiVrai Films, avec le soutien de la Procirep-Angoa, de la Région PACA en partenariat avec le CNC, de l'Institut Français d'Algérie
  • Distributeur : VraiVrai Films. Séances ponctuelles avec débats organisés à la demande. La date de sortie ci-dessus est celle de la sortie vidéo.
  • Éditeur(s) vidéo : VraiVrai Films
  • Date de sortie vidéo : 15 avril 2021 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : -
  • Formats : Couleurs (DCP) / Son : Stéréo
  • Festivals : Festival PriMed, Marseille - 2020 / Luxor African Film Festival, Égypte - 2021 / Festival Vues d’Afrique, Montréal - 2021 / Beyond Borders, Castellorizo, Grèce – 2021 / Festival Interférences, Lyon - 2021 / Festival du film arabe de Fameck, Fameck – 2021 / Festival du film sur les droits humains de Genève – 2022
  • Récompenses : Prix Bouamari Vautier du documentaire algérien – 2022 / Mention spéciale Grand Reportage FIFDH-Genève – 2022
  • Crédits : VraiVrai Films
Note des spectateurs :

Ne nous racontez plus d’histoires ! effectue un retour sur les mémoires de la guerre d’Algérie en confrontant les points de vue de manière pertinente et en n’évitant pas les sujets qui fâchent. In fine, il s’agit d’un appel à la réconciliation qui ne peut que toucher.

Synopsis : Elle est Française, il est Algérien. Toute leur enfance a été bercée par la guerre d’Algérie. Souvenirs traumatisants d’un départ forcé pour la journaliste, fille d’un pied noir ; récit mythifié d’une indépendance glorieuse pour le réalisateur, militant des droits humains. Chacun a eu droit à sa version de l’histoire. Loin de l’historiographie officielle, ils rencontrent des témoins aux discours volontairement oubliés et qui se battent contre la guerre des mémoires pour faire entendre une vérité plus apaisée.

Ne nous racontez plus d’histoires ! cherche à s’affranchir d’une vision simpliste de la guerre d’Algérie

Critique : Lorsque Carole Filiu-Mouhali rencontre son futur mari, l’Algérien Ferhat Mouhali, les deux jeunes gens confrontent assez rapidement leurs visions très différentes de la guerre d’Algérie. La jeune fille a ainsi été élevée dans une famille pied-noir qui a cultivé une mémoire centrée sur le paradis perdu et la nostalgie de la terre maternelle d’Algérie que les circonstances historiques les ont forcés à abandonner. Le jeune Algérien, lui, a grandi dans la glorification par le régime en place des héros de la révolution nationale menée par le FLN. Une fois ce constat effectué, les deux époux ont cherché à creuser davantage le sujet en interrogeant des témoins de cette période et en s’affranchissant petit à petit des images véhiculées depuis leur tendre enfance.

Dans Ne nous racontez plus d’histoires ! (2020), le spectateur est donc invité à suivre le parcours mental de ce couple de documentaristes qui va peu à peu se libérer d’une histoire officielle pour aller vers la vérité de l’événement, en ne cherchant surtout pas à accuser qui que ce soit, mais en voulant rapprocher les deux rives de la Méditerranée. Tourné essentiellement entre 2015 et 2016, le documentaire à la première personne du singulier nous touche d’autant plus qu’il envisage la recherche historique comme une enquête (c’était déjà le cas chez Hérodote, père de tous les historiens) confrontant différents témoignages afin de rendre patent la complexité des événements.

Un documentaire entre deux rives

Si le tournage a été plutôt facile en France, les autorités algériennes n’ont pas souhaité délivrer d’autorisation pour filmer des séquences dans les écoles locales, et encore moins dans la ville d’Alger. La réalisatrice a donc eu recours à un stratagème en filmant sans autorisation à l’aide d’un téléphone portable. Ainsi, la séquence d’inauguration d’une école fait plutôt froid dans le dos tant elle démontre le lavage de cerveaux patriotique qui cible la jeunesse algérienne. Cela permet de prendre conscience des ravages occasionnés par ce que l’on appelle le « roman national ». Alors que certains polémistes français regrettent l’abandon de cette affabulation dans les classes françaises, on notera que l’Algérie contribue fortement à un mythe national chantant la valeur du FLN face aux méchants français.

La guerre d’Algérie au cinéma

De son côté, la France ne met pas encore suffisamment à l’honneur dans les programmes scolaires cette guerre de décolonisation qui est à peine évoquée en classe de Troisième au collège, puis un peu plus en Terminale. Il faut toutefois vraiment intégrer la spécialité HGGSP (Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques) pour véritablement évoquer en profondeur la différence entre mémoire et histoire, par le biais de la guerre d’Algérie. Alors que la parole se libère donc petit à petit en France en s’appuyant sur de solides travaux d’historiens, celle-ci est toujours fortement orientée par le pouvoir en Algérie.

Une histoire trouble des deux côtés de la Méditerranée

Cependant, le documentaire démontre que les habitants de l’Algérie ne sont pas tous dupes de cette doxa nationale et que les jeunes générations comprennent de plus en plus à quel point on leur a menti. Effectivement, la mythique unité du peuple algérien ne peut que voler en éclats face à la puissance des régionalismes (sans même parler des différents peuples présents comme les Kabyles et les Arabes) et surtout face à la mainmise du FLN sur la révolution, au détriment du MNA (Mouvement National Algérien) de Messali Hadj.

Le documentaire rappelle ainsi les massacres entre Algériens occasionnés par cette lutte pour le pouvoir. Mais du côté de l’Hexagone, il évoque aussi le cas de ces Français qui ont lutté avec les Algériens pour libérer leur pays de la colonisation. Enfin, Ne nous racontez plus d’histoires ! revient faire un tour du côté du camp de Rivesaltes qui a accueilli les harkis dans des conditions inhumaines, alors que ces Algériens de souche ont lutté au côté de la France durant la guerre.

Consolider la connaissance du passé permet de regarder vers l’avenir

Certes, les différentes mémoires ne sont pas toujours suffisamment approfondies car nous sommes ici dans le cadre d’un documentaire d’une heure et demie, mais ce parcours historique a le mérite de défricher toutes les grandes problématiques d’un conflit ô combien important pour mieux saisir les enjeux politiques actuels.

Alors que les deux cinéastes apprennent à mieux appréhender leur passé, ils terminent par des séquences émouvantes avec leurs enfants. Après avoir initié un rapprochement salvateur entre les deux rives de la Méditerranée, les deux auteurs tournent leur regard vers l’avenir et tentent donc de construire un pont entre deux peuples qui se sont blessés mutuellement. La plaie encore ouverte ne demande qu’à cicatriser, mais il faudra que le travail historique fasse son œuvre. Ce documentaire y contribue de manière brillante.

Critique de Virgile Dumez

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