Malgré quelques maladresses, Nadia, Butterfly, centré sur une nageuse qui arrête et se retrouve face à un vide existentiel, est souvent touchant et touche juste.
Synopsis : À 23 ans, Nadia prend la décision controversée de se retirer de la natation professionnelle et de s’affranchir d’une vie de sacrifices. Après une dernière course, les excès cachés du Village olympique offriront à Nadia un premier souffle de liberté. Mais à mesure qu’elle plonge dans l’inconnu, les doutes surgissent : qui est-elle réellement ?
Critique : Nadia, Butterfly est un film centré sur le vide : l’héroïne éponyme a décidé d’arrêter sa carrière de nageuse, et prend conscience que sa vie était tout entière dédiée au sport ; que lui restera-t-il ensuite ? Les premières minutes sont consacrées à l’entraînement puis à la compétition (on est censé être aux Jeux olympiques de 2020, qui n’ont pas eu lieu, ce qui ajoute à l’étrangeté du métrage) et l’obtention d’une médaille de bronze pour les Canadiens. Mais ce n’est pas ce qui intéresse Pascal Plante : dès le début, alors qu’il filme en longs travellings la traversée de la piscine, il isole Nadia et ne la quittera quasiment plus. C’est elle, le sujet de son film et bien que le sport soit omniprésent, il sert surtout de décor à une manière de quête identitaire. Difficile pourtant de montrer ce malaise sans le répéter à satiété : pari en partie réussi. Le cinéaste utilise des effets efficaces : bruits remplacés par de la musique, ralentis, isolement dans le cadre, gros plans sur son visage, images fantasmatiques… Tout est fait pour montrer que Nadia est ailleurs, mais sans qu’on sache où elle est vraiment. On ne saura pas grand-chose non plus de sa vie passée, de sa famille : tout au plus apprend-on par son coach qu’elle a commencé vers dix ans, et elle en a vingt-trois. Et depuis, elle a « plus nagé que marché ».
Nadia, Butterfly titille nos angoisses face aux grands tournants de nos vie
Nadia, Butterfly (le titre évoque aussi bien la nage que la tentative de métamorphose) est filmé au présent, en suivant pas à pas les déambulations de l’héroïne : en dehors des passages obligés, comme l’interview ou le débrief, Nadia expérimente tout ce dont elle a été privée, le sexe, l’alcool et la drogue. Mais les lendemains sont tristes, comme la chair, et conduisent à la nausée plutôt qu’à l’euphorie. Reste la marche dans une ville inconnue, l’épuisement du corps dans la danse et la complicité avec son amie. Ce parti pris, qui refuse les péripéties pour se centrer sur un banal opaque, frise parfois l’ennui et il faut se laisser immerger dans le rythme indolent pour apprécier ce portrait subtil. Mais le film l’emporte surtout par l’interprétation impeccable de Katerine Savard, vraie nageuse dont c’est le premier rôle : visage fermé, rire factice, malaise, elle sait transmettre en finesse des états d’âme qui passent rarement par les dialogues. Elle fait oublier que, si Pascal Plante, lui-même ancien nageur, sait filmer des corps dans l’eau, il n’évite pas certains clichés ni des moments faibles un peu trop nombreux. Reste que le scénario, même en mineur, renvoie chaque spectateur à des questions angoissantes sur les choix de vie qui ne peuvent que le toucher. De fait, la petite musique de Nadia Butterfly, sans y insister, devient entêtante et demeure longtemps après la projection.