Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar est un biopic fantaisiste, drôle et enlevé, sur une duo qui marqua la pop mondiale le temps d’un album et d’un scandale accablant. Dans la cour des petits biopics musicaux, la nostalgie carbure et compense une écriture trop calibrée pour impressionner.
Synopsis : L’histoire de Rob Pilatus et Fab Morvan, qui ont conquis les hit-parades mondiaux sous le nom de « Milli Vanilli » à la fin des années 80. Leur célébrité a tourné au scandale lorsque l’on a découvert qu’ils faisaient semblant de chanter sur la voix d’autres artistes.
Critique : 2023. Le duo éphémère Milli Vanilli célèbre ses 35 ans. Le projet météorite qui ne connut le succès que le temps d’un seul album se voit une dernière fois célébré via trois événements simultanés : la diffusion d’un documentaire éponyme exclusif à Paramount+ qui remporte un grand succès, la sortie d’un best-of anniversaire et le lancement d’un biopic européen, issu du pays d’origine du producteur des Milli Vanilli, l’Allemagne.
© 2023, Leonine Studios, Widemann & Berg Film GMBH, Seven Pictures Film GMBH, Leonine Licensing GMBH. Tous droits réservés / All rights reserved
Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar reprend logiquement, en version originale, le titre du plus gros tube de la formation, Girl You Know It’s True. Une façon de jouer sur la notion de vérité et de mensonge qui provoquera l’ascension et la chute des deux acolytes. Sans la force de frappe d’une major américaine, le biopic sort en Allemagne en décembre 2023 et va connaître une sortie progressive en Europe et en Amérique durant l’année 2024. Le succès en salle n’est pas des plus percutants. Aussi, en France, les deux imposteurs de l’industrie musicale ne débarquent finalement qu’en mai 2025. La distribution est tardive et sûrement redondante pour ceux qui ont vu le documentaire, qui était passionnant, mais loin d’être inintéressante. Ceux qui souhaitent ausculter la face peu glorieuse d’une industrie musicale mythique qui générait des monstres, à force de marketing et de travestissement, trouveront matière à adhérer au film. Cette machine engendrait des légendes et suscitait convoitises, rêves, aspirations et désespoir. Aujourd’hui, elle engendre un vent de nostalgie puissant. Son aura est éternelle.
Fab (Elan Ben Ali), Rob (Tijan Njie) – © 2023, Leonine Studios, Widemann & Berg Film GMBH, Seven Pictures Film GMBH, Leonine Licensing GMBH. Tous droits réservés / All rights reserved
Pour aborder la chute d’un phénomène qui mena à la déchéance l’un de ses deux protagonistes (Rob Pilatus finira par se suicider à l’âge de 33 ans, en 1998), le ton de Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar aurait pu être dramatique en accentuant la tragédie d’un duo aux épaulettes pas assez solides pour porter le poids d’un mensonge ahurissant à une telle échelle. Pour évacuer la tension inhérente à ce type de récit paranoïaque et les relents dépressifs d’une usurpation insupportable, les producteurs ont préféré jouer sur une narration audacieuse et fantaisiste qui permet aux spectateurs d’apprécier une célébration pop et donc inoffensive d’un moment de nostalgie prégnant. Ainsi, entre apartés avec le public et caractérisation à la première personne, Rob et Fab se détachent parfois du récit pour commenter leur propre histoire avec toute l’ironie dramatique que le procédé narratif implique.
Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar n’a pas pour objectif de plomber le moral des fans, mais plutôt de raviver la flamme autour de ses fantômes que beaucoup ont oubliés. Et pour cela, la musique est bonne. Au gré d’une poignée de singles (Girl you know it’s true, Baby, don’t forget my number, Blame it on the rain, et Girl, I’m Gonna miss you), la bande-son caracole au sommet des hits parades des souvenirs, avec cette efficacité qui caractérise les pages tournées d’un monde jadis flamboyant qui n’est plus.
© 2023, Leonine Studios, Widemann & Berg Film GMBH, Seven Pictures Film GMBH, Leonine Licensing GMBH. Tous droits réservés / All rights reserved
Pétillante, sans prétention, la narration n’apporte aucun éclairage nouveau à cette pure histoire de cinéma qui a traversé l’industrie musicale comme une tornade dévastatrice à la fin des années 80, si ce n’est la double imposture du duo qui non seulement ne chantait pas, mais en plus avait été révélé à l’occasion d’un succès volé à des anonymes.
Nonobstant, le film de Simon Verhoeven parvient à trouver ses marques en ressuscitant l’Allemand Robert Pilatus et le Français Fabrice Morvan dans leur jeunesse naïve. La chair et le charisme des acteurs contemporains font illusion : au royaume des ersatz, à notre époque de deep-fake et d’imposture globalisée, les deux acteurs incarnent avec conviction un duo qui savait bouger avec une singularité qui était la leur.
Le film n’idéalise pas le néant artistique, mais démontre la fougue incroyable d’une jeunesse qui cherchait à s’extirper de son chaos en se précipitant dans une jungle d’artifices et de faux-semblants, puissamment destructrice. Le récit indémodable est aussi celui de médias assoiffés de buzz et d’exploitants cyniques, producteurs et nababs de maison de disques qui ont copieusement profité de l’enveloppes corporelles d’ingénus avant de les sacrifier sur l’autel d’un capitalisme aveugle.
Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar est donc une fable morale attachante qui se déguste avec un plaisir constant, pour peu qu’on est connu ce tandem aussi oubliable qu’oublié.
© 2023 Widemann & Berg Film GMBH, Seven Pictures Film GMBH, Leonine Licensing GMBH. Tous droits réservés / All rights reserved