Manta Ray : la critique du film et le test DVD (2019)

Drame | 1h45min
Note de la rédaction :
9/10
9
Manta Ray, l'affiche

  • Réalisateur : Phuttiphong Aroonpheng
  • Acteurs : Aphisit Hama, Rasmee Wayrana, Wanlop Rungkumjad
  • Date de sortie: 24 Juil 2019
  • Nationalité : Thaïlandais, Français, Chinois
  • Titre original : Kraben rahu
  • Année de production : 2018
  • Musique : Snowdrops
  • Distributeur : Jour2fête
  • Editeur vidéo (DVD) : Jour2fête
  • Sortie vidéo : Le 3 décembre 2019
  • Box-office France 3 138 entrées
  • Budget : 1 M$
  • Festival : Grand Prix Orizzonti, Festival de Venise 2018 - Grand Prix du jury, Festival International du Premier Film d'Annonay 2018 - Mention spéciale du Jury Jeunesse, Festival du Film de Cabourg 2019 Sélection Officielle Toronto 2018
Note des spectateurs :

Œuvre puissamment poétique et sensuelle, Manta Ray est une évocation éthérée des massacres commis contre les rohingyas, et plus généralement de l’intolérance envers l’étranger. A réserver toutefois à un public friand de films abstraits et cryptiques.

Synopsis : Près d’une côte où des réfugiés Rohingyas ont été retrouvés noyés, un jeune pêcheur thaïlandais trouve en pleine forêt un homme blessé et inconscient. Il lui porte secours et le soigne. L’étranger se révèle être muet. Il le nomme Thongchai et lui offre son amitié. Un jour, le pêcheur disparaît mystérieusement. Thongchai va peu à peu prendre sa place…

Une dénonciation de l’intolérance au propos volontairement universel

Critique : Après plusieurs courts-métrages remarqués, le thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng, plus connu comme directeur de la photographie, passe enfin au long-métrage en tant que réalisateur avec ce Manta Ray. Il prolonge ainsi l’expérience de son court intitulé Ferris Wheel (2015) qui évoquait déjà par le biais de la métaphore la situation du peuple rohingya, contraint de fuir le Myanmar (ancienne Birmanie) où ils sont pourchassés et exécutés.

Manta Ray, photo d'exploitation 1

© 2018 Diversion – Les Films de l’étranger / © 2019 Jour2fête. Tous droits réservés.

Toutefois, loin de vouloir tourner un brûlot politique implacable, Aroonpheng privilégie encore une fois une approche artistique à la lisière de l’abstraction. Ainsi, le personnage de l’étranger n’est jamais désigné en tant que rohingya et peut donc s’apparenter à n’importe quel autre migrant qui chercherait à fuir son pays. Le fait d’en avoir fait un personnage muet renforce un peu plus l’universalité du propos, tout en indiquant de manière assez subtile que ces gens sont encore aujourd’hui oubliés et sans voix.

Un trip sensoriel totalement immersif

La particularité du film est de laisser une grande part d’interprétation au spectateur puisque les séquences sont majoritairement muettes et dénuées d’explication. Le cinéaste compense cette absence de clarté de l’intrigue par une ambiance savamment travaillée. Tout d’abord, il soigne la photographie et livre une œuvre splendide et d’une belle sensualité. Cela est renforcé par un magnifique travail sur le son et une bande originale splendide du groupe français Snowdrops dont les sons épousent à merveille les images du film. Tout cela permet de faire du long-métrage une œuvre esthétiquement au-dessus de la moyenne. On assiste clairement ici à la naissance d’un grand cinéaste.

Manta Ray, photo d'exploitation 2

© 2018 Diversion – Les Films de l’étranger / © 2019 Jour2fête. Tous droits réservés.

La puissance du film tient également dans la finesse de son écriture et la force d’évocation de ses métaphores poétiques. Malgré un sujet difficile, le cinéaste parvient à livrer une œuvre empreinte de beauté. Le moindre plan sublime les paysage de ce lac Moei qui lui sert de cadre. La forêt devient également un espace de vie et de mystères qui saisit le spectateur. Dans ces moments comme suspendus, le long-métrage pourrait presque s’apparenter à un film fantastique, tant les éléments semblent doués d’une vie propre. Il rejoint en ce sens le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul par sa capacité à occuper l’écran d’une sorte de présence invisible. On songe également aux ambiances étranges déployées en son temps par le Taïwanais Tsai Ming-Liang (La rivière, 1997).

Une complexité narrative qui débouche sur des métaphores poétiques de toute beauté

Sur le plan thématique, le film se déroule en trois mouvements bien distincts, à savoir le sauvetage, la substitution et enfin la résolution par une nouvelle disparition. Si le scénario semble initialement indiquer la possible intégration de l’étranger grâce à l’attention du pêcheur qui le recueille, cette option est ensuite remise en cause par la disparition soudaine du pêcheur. Dès lors, l’étranger semble le remplacer dans tous les actes de la vie de tous les jours, au point de se substituer à lui, y compris physiquement. Mais cette substitution symbolique échoue et l’étranger se trouve à nouveau rejeté sur le rivage. Le spectateur pourra d’ailleurs se demander si tout ceci n’était pas de l’ordre du rêve, puisque la magnifique séquence finale s’inscrit cette fois clairement dans une veine fantastico-poétique.

Derrière l’apparente indolence du rythme se dissimule donc une véritable détresse et une conscience prégnante de tous les massacres passés, présents et malheureusement à venir. Il s’agit donc d’un petit chef-d’œuvre, à réserver toutefois à un public désireux de s’aventurer sur des sentiers cinématographiques peu explorés.

Le test DVD :

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Manta Ray, jaquette du DVD

© 2018 Diversion – Les Films de l’étranger / © 2019 Jour2fête. Tous droits réservés.

Compléments : 3/5

Des efforts ont été consentis pour fournir des suppléments originaux. On est ainsi très heureux de pouvoir visionner le court-métrage initial Ferris Wheel (23min) qui part également d’un constat réaliste pour s’évader ensuite dans le domaine du rêve et de la métaphore. L’occasion de constater que le brio de Manta Ray était déjà présent précédemment et que le cinéaste est donc une nouvelle valeur sûre du cinéma international.

On adore la présence de la bande originale des Snowdrops sur la galette. La musique est effectivement un des points forts du film. Enfin, le boîtier contient un petit livret qui est en réalité le dossier de presse fourni aux journalistes. L’entretien avec le réalisateur est intéressant, et les informations données sont précieuses pour mieux comprendre le long-métrage.

L’image : 4/5

En l’absence de blu-ray, l’éditeur nous propose une copie SD absolument resplendissante qui vaut vraiment le coup d’œil. Certes, le degré de précision est légèrement moindre que sur une galette au rayon bleu, mais cette copie fait largement illusion grâce à un piqué impeccable, et surtout à une colorimétrie superbe. Les contrastes sont également très bien gérés, ce qui n’était pas évident vu les nombreux plans sombres en forêt.

Le son : 4/5

Si l’éditeur propose une version originale en simple stéréo, il faut vraiment privilégier la version en 5.1 tant le travail sur le son fait partie intégrante du trip. En tant que lent voyage sensoriel, il est indispensable de se retrouver plongé au cœur de l’ambiance planante du film, au risque de passer un très mauvais moment ou de s’assoupir. Pas de version française, mais qui s’en plaindra, sachant que Manta Ray est quasiment muet.

Critique et test DVD : Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 24 juillet 2019

Manta Ray, l'affiche

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