Comédie virevoltante, Linda veut du poulet ! évoque des thèmes graves de manière légère, tout en proposant une charte graphique originale qui séduit par ses audaces et ses moments de pure abstraction.
Synopsis : Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste !… Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ?… De poulailler en camion de pastèques, de flicaille zélée en routier allergique, de mémé en inondation, Paulette et sa fille partiront en quête du poulet, entraînant toute la » bande à Linda » et finalement tout le quartier.
Linda veut du poulet !, un projet franco-italien ambitieux
Critique : Lorsqu’ils abordent la création de Linda veut du poulet!, les coréalisateurs Sébastien Laudenbach et Chiara Malta ne sont pas des inconnus. Le travail d’animation du premier a déjà été salué lors de la sortie de son premier long animé La Jeune fille sans mains (2016) et la seconde a également plusieurs films live et documentaires à son actif (dont Simple Women en 2016). Pour Chiara Malta, il s’agit de ses premiers pas dans le domaine de l’animation, mais son expérience a permis de donner une dynamique réelle à la mise en scène. De plus, son expertise en matière de direction d’acteurs a servi lors de la réalisation sonore du métrage.
Effectivement, après avoir travaillé pendant longtemps sur le scénario et le choix des comédiens qui allaient donner de la voix, Chiara Malta s’est chargée du tournage sonore de l’ensemble du film. Il s’agissait d’enregistrer les voix des acteurs en situation, afin de conférer au film une atmosphère d’une richesse incomparable par rapport à une reconstitution en studio. Cette base sonore a servi de référence pour l’animation. On notera que ce tournage était dépourvu de caméras et que les animateurs ne possédaient donc pas de référent visuel autre que leur imagination.
Une expérience visuelle originale
Il faut dire que Linda veut du poulet ! se démarque des autres films d’animation par sa volonté de proposer une charte graphique totalement originale. Fondé sur des couleurs vives, le dessin-animé se pare de décors à peine ébauchés et de couches de peintures parfois épaisses, compensées par un trait de dessin assez fin. L’ensemble se caractérise aussi par un usage régulier de l’abstraction, proposant des expériences visuelles originales au jeune public, généralement bien plus tolérant envers l’innovation que leurs aînés.
Esthétiquement novateur et audacieux, Linda veut du poulet ! est également une comédie endiablée qui fonctionne sur le principe de l’enchaînement de catastrophes à partir d’un point de départ apparemment futile. Ainsi, l’injustice dont la petite Linda a été victime pousse sa mère à réaliser le vœu le plus cher de sa fille, à savoir préparer un poulet aux épices comme les mitonnait autrefois son père disparu. Bien entendu, les thèmes du deuil et de la mort répondent à des interrogations légitimes des enfants, mais les auteurs se refusent à tomber dans le mélodrame ou la mélancolie.
Une œuvre qui chante la vie et la liberté
Certes, les passages évoquant la mort soudaine du père sont plus douloureux, mais ils n’enlèvent rien à la puissance comique dégagée par le film. Ainsi, lorsque la mère se rend compte qu’elle ne pourra pas trouver un poulet dans le commerce car une terrible grève paralyse le pays, elle fera tout pour concrétiser sa promesse, au risque de déclencher une série de catastrophes. Avec sa durée resserrée, Linda veut du poulet ! devient une comédie endiablée, avec des courses poursuites entre la mère et la police.
Petit à petit se dessine également un propos contestataire qui tend à valoriser la solidarité dans les cités (là où habitent les héroïnes), ainsi que le sens du collectif face à une autorité trop souvent aveugle. La police est ici particulièrement visée et ridiculisée, même si cela reste toujours bon enfant. Souhaitant montrer la force du collectif face à l’individualisme, Linda veut du poulet! est donc également un objet politique sous ses dehors inoffensifs.
Soutenu par une musique entraînante et deux ou trois chansons qui occasionnent des pauses bienvenues dans la narration afin d’approfondir la psyché des différents personnages, le métrage est donc une bonne pioche pour des parents qui souhaitent ouvrir leurs enfants à une esthétique différente des franchises ultramédiatisées. Présenté au Festival d’animation d’Annecy en 2023, Linda veut du poulet ! a obtenu le Cristal du long-métrage, avant de recevoir le César du meilleur film d’animation en février 2024.
Linda veut du poulet ! fait de la résistance en salles
Dans les salles, le métrage a débuté sa carrière avec 212 copies et un résultat assez mitigé de 27 224 entrées. Toutefois, soutenu par un bon bouche à oreille et un distributeur qui a su monter en puissance, le dessin-animé a vu ses entrées progresser en deuxième semaine (34 309 retardataires durant les vacances de la Toussaint). La suite est encore valeureuse au début du mois de novembre avec 19 519 têtes blondes dans les salles. Dès ce moment, le métrage est parvenu à doubler son nombre d’entrées de la première semaine.
Tenu à l’affiche par de nombreux exploitants – souvent pour des séances en matinée – Linda veut du poulet ! parvient à franchir la barre symbolique des 100 000 bambins à la mi-décembre 2023. Profitant encore des fêtes de Noël et de l’annonce de sa nomination au César du meilleur film d’animation, la comédie foldingue en est actuellement à 115 399 tickets vendus en cette fin février 2024. Toutefois, sa carrière n’est pas encore terminée et l’annonce de sa victoire aux César lui permet d’être encore à l’affiche actuellement, alors que s’annonce sa sortie en vidéo et que le film est déjà disponible en VOD.
Critique de Virgile Dumez
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Chiara Malta, Sébastien Laudenbach
Mots clés
César 2024, Films sur le deuil, Les relations mère-fille au cinéma, La banlieue au cinéma