Libre revient sur l’odyssée judiciaire de Cédric Herrou, militant qui recueille et aide des migrants illégaux à survivre, avec une bonne dose d’admiration et d’humanisme. Et peut-être aussi un certain manque de recul…
Synopsis : La Roya, vallée du sud de la France frontalière avec l’Italie. Cédric Herrou, agriculteur, y cultive ses oliviers. Le jour où il croise la route des réfugiés, il décide, avec d’autres habitants de la vallée, de les accueillir. De leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d’asile. Mais, il est considéré hors la loi… Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, l’a suivi durant trois ans. Témoin concerné et sensibilisé, caméra en main, il a participé et filmé au jour le jour cette résistance citoyenne. Ce film est l’histoire du combat de Cédric et de tant d’autres.
Critique : Documentaire militant, Libre (2018) s’empare du délicat problème migratoire qui se pose à l’Europe entière, en essayant d’adopter un point de vue humain et non purement statistique comme le font trop souvent les “experts” des chaînes d’information en continu. Michel Toesca ne cache pas son admiration pour l’action de Cédric Herrou, agriculteur qui recueille depuis des années des migrants clandestins chez lui, et ceci contre la loi qui interdit cette solidarité. Anarchiste déclaré et assumé, Cédric Herrou est donc au centre de ce documentaire qui le suit dans sa lutte au quotidien pour venir en aide à des migrants chassés de partout.
Ce point de vue unique permet de faire contrepoids aux immuables discours entendus à longueur de journée dans les médias traditionnels, mais peut également se retourner contre leurs auteurs car aucune contradiction n’est évoquée ici. Libre apparaît donc comme une œuvre militante de gauche qui ne s’adresse finalement qu’à un public déjà acquis à la cause de Cédric Herrou. On peut également reprocher au documentaire de ne pas suffisamment laisser de place aux migrants eux-mêmes qui ne sont ici que des figures périphériques gravitant autour de la star Herrou. Ne soyons pas trop durs non plus : l’homme est respectable sur de nombreux points et son engagement est un modèle d’abnégation qui force l’admiration. Son charisme naturel peut également expliquer l’attachement qu’il suscite auprès des gens qu’il a secourus, ainsi que son importance médiatique.
On aurait donc aimé avoir plus de renseignements sur le phénomène migratoire, ainsi que sur les démarches administratives effectuées pour saisir pleinement l’absurdité de la situation. Au moins, le long-métrage a le mérite d’évoquer cette situation sans avoir recours à la moindre stigmatisation. Alors que certains représentants de la force publique semblent à même de discuter avec les associations, d’autres paraissent vouloir en découdre systématiquement. Mais le réalisateur n’en pointe aucun du doigt de manière accusatrice.
Finalement, le seul à en prendre pour son grade est Manuel Valls, Premier ministre d’alors, qui manie la langue de bois de manière flamboyante. Il est d’ailleurs intéressant de signaler que ces atteintes aux droits fondamentaux de l’Homme ont eu lieu durant une législature censément de gauche. Ce scandale qui a institué pendant plusieurs années un « délit de solidarité » a ainsi été repris par tous les gouvernements en place, tous bords politiques confondus. Au moins, le mérite de l’action de Cédric Herrou est d’avoir fait évoluer la législation et d’avoir institué un droit de fraternité.
Certes, Libre ne présente guère d’intérêt sur le plan purement cinématographique, si ce n’est un joli plan initial tourné à l’aide d’un drone. Le reste est de l’ordre du témoignage brut, parfois même en caméra cachée. Le résultat final passe sans doute mieux chez soi qu’en salle.
L’éditeur propose quatre modules sur cette galette, répartis ainsi :
Ces différents suppléments permettent d’approfondir le film avec des chutes qui donnent enfin la parole aux migrants et décrivent également le périple judiciaire avec davantage de détails. Cela permet de prolonger durant près d’une heure le métrage initial.
Si l’on excepte le plan initial tourné par un drone dans une excellente définition, le reste du film ne bénéficie pas d’une esthétique très soignée, avec un éclairage naturel parfois mal géré. La transposition en DVD est fidèle à cet aspect brut de l’image. Bref, on ne visionnera pas Libre pour sa beauté esthétique.
Deux pistes sonores en français sont disponibles (en 2.0 ou 5.1). La seconde est plus ouverte aux bruits d’ambiance, mais l’essentiel des informations passe par le canal avant. La musique africaine profite par contre des autres canaux pour retentir de temps à autre.
Critique et test DVD : Virgile Dumez