Le manga de Daisuke Igarashi brillamment adapté pour le grand écran, dans un long métrage contemplatif qui distille bien des beautés.
Synopsis : Ruka, jeune lycéenne, vit avec sa mère. Elle se consacre à sa passion, le handball. Hélas, elle se fait injustement exclure de son équipe le premier jour des vacances. Furieuse, elle décide de rendre visite à son père à l’aquarium où il travaille. Elle y rencontre Umi, qui semble avoir le don de communiquer avec les animaux marins. Ruka est fascinée. Un soir, des événements surnaturels se produisent.
Les maîtres du manga régalent en France
Critique : Il est heureux de pouvoir profiter, à intervalles réguliers en France, des dernières œuvres d’un nombre toujours croissant de maîtres japonais de l’animation.
Parmi les références incontestées, qu’ils soient Miyazaki et feu Takahata des studios Ghibli, Mamoru Oshii (Avalon, Ghost in the shell) ou bien Katsuhiro Otomo (Akira, Steamboy) et, plus récemment, Mamoru Hosoda (Les enfants loups, Miraï), Sunao Katabuchi (Dans un recoin de ce monde) ou Makoto Shinkai (Your Name) dont les derniers films jouissent d’une belle réputation, nous parvient aujourd’hui Les Enfants de la Mer, long-métrage d’Ayumu Watanabe, ancien storyboarder devenu réalisateur sur la franchise Doraemon, connu pour la série animée After The Rain, diffusée dans le monde par Amazon.
Derrière le cinéaste, l’on retrouve STUDIO4°C, l’un des plus importants studios d’animation japonais, qui a développé des œuvres comme Memories de Katsuhiro Otomo, The Animatrix en coproduction avec Warner Bros, Mind Game de Masaaki Yuasa et dernièrement Mutafukaz, le film de Shōjirō Nishimi et Guillaume Renard (Run).
Les Enfants de la Mer, c’est avant tout un manga de Daisuke Igarashi en 5 tomes, récompensé aux Japan Cartoonist Awards et au Japan Media Arts Festival en 2009, vendu en France chez Sarbacane mais malheureusement épuisé aujourd’hui.
Le film s’attache aux pas de Ruka, adolescente plutôt isolée, qui s’épanouit dans le handball mais qui se retrouve exclue de l’équipe à la suite d’une altercation avec une adversaire. Par cette journée d’été qui est le coup d’envoi des vacances tant attendues, elle se retrouve errante dans des rues écrasées de chaleur. Ses pas la mènent à l’aquarium où son père travaille ; elle se promène côté coulisses lorsqu’elle fait la rencontre extraordinaire d’Umi, un jeune garçon qui évolue dans l’eau avec une facilité déconcertante.
La mer nourricière des mystères de notre monde
Cette rencontre est le point de départ d’un enchaînement de mystères, où il s’agira de comprendre l’univers et l’océan, comment l’un se reflète dans l’autre et comment le bassin nourricier engendre tous les mondes connus et inconnus.
Ainsi, il y a là une large part métaphysique qui en déroutera plus d’un. Une odyssée finale au-delà des abysses et des étoiles qui aboutit à l’enfant-univers. On devine là la référence, mais ce n’est pas un caprice de cinéphile. C’est l’unité même de ce film étonnant, ce vers quoi il tend, où le chant des baleines appelle à une célébration sous-marine et où des enfants élevés par des dugongs (sorte de lamantin, mammifère marin de la famille des siréniens), sont le lien entre les différents milieux et la preuve que l’univers est un tout.
Dans cette histoire que l’on imagine plus développée dans sa version papier, les différentes relations de Ruka, notamment avec ses parents, dont une mère avec laquelle elle ne s’entend pas, ses camarades de handball ou son professeur semblent survolées. Le drame intime reste hors champs, même s’il est une toile de fond, pour que le film puisse se concentrer sur le mystère de ces enfants et, en fait, sur le mystère de la vie elle-même.
L’animation traditionnelle au firmament
Il faut saluer le travail exceptionnel sur l’animation – décidément les japonais sont à la pointe de l’animation traditionnelle mariée aux dernières techniques 3D – que les plans soient fixes ou qu’ils déroulent une séquence de fuite dans les ruelles de la ville côtière. C’est l’œuvre de Kenichi Konishi, directeur de l’animation et chara designer, formé au Studio Ghibli et directeur de l’animation sur Mes Voisins les Yamada et Le Conte de la Princesse Kaguya, deux films à l’identité visuelle très forte dans lesquels s’animent les coups de pinceaux.
Mais bien sûr ce sont les compositions des plans qui nous émerveillent, avec ce sens obstiné du détail et un découpage très précis. De même, les couleurs sont somptueuses.
Une oeuvre riche que l’on ne se lasse pas de contempler
Les Enfants de la Mer est donc une œuvre riche de détails visuels et forte d’un sujet qui appelle à la projection vers l’inconnu, qui réfléchit sur nos origines et notre rapport à un environnement naturel qui est toujours une source de mystères. C’est aussi, évidemment, un appel à sa préservation, même s’il n’y a là aucun discours écologique à proprement parler ; il s’agit de contempler, d’admirer et de se laisser imprégner.
Bande-annonce ici
Aussi, il est bon de rappeler que le film nécessite un effort de la part du spectateur, non pas pour comprendre pleinement ce qu’il se passe à l’écran mais pour pouvoir se laisser porter par les voyages incroyables qu’il propose.
Les Enfants de la Mer est à retrouver en sélection officielle au Festival international du film d’animation d’Annecy, nul doute qu’il saura s’y faire remarquer.
Critique de Franck Lalieux
Sorties du 10 juillet 2019