Le plongeur est une plongée originale dans les méandres de l’addiction sous toutes ses formes, parée de personnages attachants.
Synopsis : Stéphane, 19 ans, rêve de devenir illustrateur. Accro aux jeux d’argent, il s’engouffre dans une spirale infernale. Endetté, sans appartement, fuyant ses amis à qui il doit de l’oseille, il trouve un job de plongeur au restaurant La Trattoria pour s’en sortir.
Critique : Après un bond en arrière de presque un siècle avec Pieds nus dans l’aube et L’arracheuse de temps, le réalisateur canadien Francis Leclerc renoue avec notre société moderne. En adaptant le roman éponyme de Stéphane Larue, il nous embarque dans un monde dominé par l’effervescence des cuisines d’un restaurant, l’enfer des machines à sous, le bruit de la musique métal et plus globalement par la folie des nuits de Montréal, au cœur de l’hiver 2002.
Les nuits tempétueuses de Montréal et les fantômes de la nuit
Très vite, le rythme trépidant sur fond de musique saccadée et les personnages hauts en couleur promettent une virée endiablée dans ce monde de la nuit qui, s’il brille de mille feux illusoires, n’en oublie pas pour autant la solidarité. Francis Leclerc expose sans jugement toute la complexité d’une jeunesse dont le comportement certes contestable pourrait susciter un sentiment de rejet. Pourtant, en enveloppant ces jeunes paumés dans un cocon de tendresse et de fragilité, sans jamais tomber dans le piège de la complaisance, il en fait des êtres mystérieux et envoûtants dont on suit, entre crainte et émotion, les moult péripéties.
Un plongeur sachant sécher
Passionné de dessin, Stéphane rêve de devenir illustrateur de bande dessinée. Mais depuis quelques mois le voilà emberlificoté dans une situation financière difficile, en raison d’une addiction aux jeux d’argent. Il emprunte à ses amis ou à sa famille, leur ment, s’endette encore, et se noie dans une spirale infernale à tel point que l’hiver venu, il se retrouve sans ressources. Menacé de tout perdre, il choisit d’abandonner ses études pour prendre ce poste de plongeur qui, en plus de lui rapporter quelque argent, devrait l’éloigner de ses démons. Finalement, c’est une famille de substitution, bigarrée et chaotique, elle-même en proie à quelques dérives compulsives, qu’il découvre.
Autour de Bébert (Charles-Aubey Houde), ce grand gaillard de cuistot déjà bien abîmé par l’alcool, Bonnie (Joan Hart), mordue de musique, Greg (Maxime de Cotret) perdu dans quelques trafics qui le submergent et quelques autres, se nouent des amours et des amitiés sur fond de luttes de pouvoirs et d’initiatives hasardeuses.
Le plongeur, à la fois chronique sociale et polar, est efficace
Un scénario efficace et toujours précis ajuste là où il faut un capital sympathie qui ne cesse de grandir pour ce clan d’éclopés de la vie pleins de bonne volonté, dont l’authenticité touche droit au cœur. Quant à la mise en scène, aussi soignée qu’énergique, elle déverse ses lumières crues et sa frénésie tant au cœur des cuisines du restaurant que des salles de jeux, tandis que, ne laissant jamais place à la monotonie, les sons d’Iron Maiden, Neil Young, Radiohead, Ben Harper, Metallica et bien d’autres nous emmènent dans un train d’enfer. Mais le maillon fort de cette œuvre altruiste qui nous catapulte entre comédie et drame reste sans conteste le jeune Henri Picard. De toutes les scènes, il illumine l’écran, passant sans encombre du tourment à l’enthousiasme. Son minois d’adolescent et son sourire enjôleur se mêlent à sa force de caractère pour créer un personnage fascinant. Il est, d’autre part, avantageusement entouré d’une brochette de comédiens au talent certain.
Tout à la fois récit d’apprentissage, chronique sociale et polar, Le plongeur confirme, après Testament de Denys Arcand ou Simple comme Sylvain de Monia Chokri, la vigueur du cinéma québécois.