Définitivement culte, Lady Snowblood fait partie du haut du panier de la production commerciale nippone des années 70. Outrancier et excessif à souhait, le résultat est tout bonnement jubilatoire.
Synopsis : Elevée dès sa naissance pour assassiner ceux qui ont violé sa mère et l’ont laissée croupir dans une prison où elle est morte en couche, Yuki est formée aux arts martiaux et au maniement du sabre. Devenue la redoutable “Lady Snowblood”, elle erre à travers le Japon tel un démon dont la vengeance ne sera assouvie que par le sang de ceux qui l’ont privée de son enfance.
Critique : Alors que les studios traditionnels japonais subissent de plein fouet une grave crise au début des années 70, la plupart sont obligés de modifier leur politique et de s’orienter vers un cinéma plus populaire et putassier. Alors que la Nikkatsu se lance dans l’érotisme avec ses « romans-porno » tournés à peu de frais, la firme Toho s’empare des œuvres de Kazuo Koike pour livrer des adaptations live de mangas. Grâce au triomphe rencontré par la saga Baby Cart (Misumi), le film de sabre ne peut plus être le même désormais. Effectivement, les auteurs ont dépassé les limites en livrant des combats très gore, le tout emballé dans des films pop largement inspirés du western italien.
Au vu du succès remporté par ces films, la Toho revient à la charge avec une nouvelle adaptation de l’œuvre dessinée de Kazuo Koike mettant en scène une jeune femme dont le destin tragique tient en une ligne : assurer la vengeance que sa mère n’a pu accomplir contre les assassins de son époux et ses violeurs. Sur ce postulat de départ intéressant, mais surréaliste, les scénaristes ont donc construit une histoire assez simple, découpée en chapitres. A chacun d’entre eux correspond un personnage qui fut autrefois un tortionnaire. Afin d’éviter la monotonie d’un tel procédé, les auteurs se sont débrouillés pour créer quelques surprises et twists bien venus.
Toutefois, la puissance de Lady Snowblood ne vient pas tant de son scénario, somme toute assez basique, mais de la parfaite alchimie entre la réalisation audacieuse de Toshiya Fujita et le jeu intériorisé de la charismatique Meiko Kaji. Alternant des plans de toute beauté (les assassinats ultra-sanglants sur la neige), avec des moments qui nous renvoient davantage à la nouvelle vague japonaise (caméra à l’épaule, montage hystérique qui défie les lois de la logique narrative), Fujita ose même filmer le manga d’origine durant quelques plans – ce qui a été largement imité par Quentin Tarantino dans son Kill Bill, remake à peine déguisé du film.
Cette furie qui s’empare par moments du cinéaste traduit à merveille les effusions de violence qui viennent zébrer l’écran à grands coups de geysers de sang. Certes, ces excès furent diversement appréciés à l’époque, puisqu’il s’agissait bien d’une surenchère visant à attirer le grand public. Toutefois, ce sont ces délires visuels qui font désormais tout le sel de ce cinéma déviant totalement jouissif. Là où l’on nous impose partout la bienséance, Lady Snowblood vient nous rappeler les bienfaits de l’outrance et son aspect cathartique.
Finalement, le long-métrage se double d’une critique assez acerbe contre un Japon incapable de sortir du Moyen Age. D’ailleurs, le choix de déverser des litres de sang rouge sur des étendues maculées de neige blanche fait directement écho aux couleurs du drapeau japonais, ce qui est rappelé dans la magnifique scène finale. Boosté par des scènes d’action efficaces et surtout très gore, Lady Snowblood est donc assurément une référence dans ce cinéma nippon totalement excessif des années 70. Ce qui n’exclut d’ailleurs pas une bonne dose de poésie lors de quelques scènes à la fois cruelles et fort belles.
On ne peut que remercier Quentin Tarantino d’avoir attiré l’attention des cinéphiles sur ce petit bijou qui a ensuite donné lieu à une unique suite, réalisée par la même équipe l’année suivante, mais avec moins de succès.
Acheter le film en combo DVD / Blu-ray
Critique du film : Virgile Dumez