Lady Libertine est une production Playboy destinée au câble, aux USA, mais qui a gentiment trouvé le chemin des salles en France. La chroniqueuse de Christophe Dechavanne, Sophie Favier en fut stressée quelques soirées, même si le travail du corps qu’elle proposait n’était qu’interdit aux moins de 13 ans…
Synopsis : A la fin du dix-neuvième siècle, Charles de Beaumont, un riche aristocrate anglais, rencontre un jeune orphelin qui dit s’appeler Frank. Beaumont recueille le garçon et entreprend de lui apprendre les bonnes manières. Un jour qu’il administre une fessée à Frank pour le punir, Beaumont découvre que son pupille est en réalité une jeune femme, Frances, qui s’est déguisée pour fuir le bordel où elle travaillait. Beaumont tombe amoureux de Frances et l’envoie à Londres pour qu’elle se perfectionne dans l’art du plaisir sexuel.
Lady Libertine n’est pas une catin !
Critique : Avec 40 000 entrées sur Paris, Lady Libertine est sorti dans les salles françaises quand le X pullulait en VHS, effaçant toute chance que pareil spectacle démodé, car trop soft – il s’agit d’une production assez pudique interdite aux moins de 13 ans -, puisse taper dans l’œil de quiconque. En 1984, les deux seules productions d’envergure dans le genre furent Emmanuelle 4 et Histoire d’O n°2, et Lady Libertine manquait de numéro à son titre pour accomplir des miracles. D’ailleurs, le même été, les spectateurs parisiens n’avaient-ils pas le choix entre cette Lady Libertine et Lady Chatte-en-l’air en salle? C’est tout dire.
Sophie Favier sort les armes (entre autre)
La raison pour laquelle cette adaptation d’un roman victorien anonyme est restée toutefois modiquement célèbre en France, traversant les époques et générant fantasmes de soirées nostalgie, c’est par la présence décadente d’une future vedette de la télévision, Sophie Favier, celle qui allait être chroniqueuse chez Dechavanne dans Ciel mon mardi et Coucou c’est nous, avait d’ailleurs tout fait pour interdire l’exploitation vidéo de Lady Libertine en France, quand elle commença à voir son effeuillage à la disposition de toute la province curieuse de ses rondeurs, alors qu’elle se rêvait star de télévision immaculée.
Le premier soft du spécialiste du hard Gérard Kikoïne
Mise en boîte par l’expert Gérard Kikoïne, ancien monteur de Jesus Franco, richissime grâce au porno qui le fit tourner les plus grandes stars du X de la la pellicule, cette tranche d’érotisme est triste. Dans la splendeur de décors et d’une photo que le patron de Playboy voulait somptueuse pour la vente internationale, l’histoire effleure la perversité du roman, son rapport tranchant à la domination de l’homme sur l’enfant, la femme… Troublé par sa rencontre avec un adolescent errant – une jeune fille travestie en garçon (sic et re-sic), un aristocrate décide de la prendre sous son aile… Mais l’éducation à l’anglaise, à base de fessées sadiques, révèle le genre de l’usurpatrice, qui se la jouait Mylène avant l’heure, et qui, orpheline, fuyait la nocivité d’une maquerelle qui comptait la vendre à ces messieurs dans une maison de débauche.
Propret, lisse… télévisuel, malgré des moyens cinématographiques
Cette thématique pour vieux cochon n’augure jamais les implications décadentes dont le roman pouvait témoigner au XIXe siècle, se contentant de lisser les propos, ne remettant jamais en question l’identité sexuelle du dit-aristo. La lutte des classes n’aura pas lieu puisque tout finit par un mariage ahurissant de mièvrerie, quand le roman renvoie le protagoniste masculin au libertinage auquel il avait condamné sa race des seigneurs.
Pour l’anecdote
Ces messieurs apprécieront les charmes réels de Sophie Favier, Miss Cocoboy et playmate beauf des années 80, quand les cinéphiles se diront que nonobstant tous ses défauts, le film est parfaitement regardable de par la maîtrise technique et un budget qui vaut même au film une composition musicale somptueuse.
Sortie sur 20 écrans à Paris et dans sa périphérie (principalement dans le circuit Paramount), le film entra 9e du box-office local, avec 23 000 voyeurs prêt à découvrir la chair fraîche de la future star de la Maxitête de Canal qui n’avait pas encore ouvert son antenne en juin 1984 (ce n’était qu’une question de mois). En VHS, en revanche, le carton fut total.
Voir le film en SVOD (master non restauré) / Disponible en DVD chez l’éditeur américain Severin, depuis 2018 (copie restaurée) et en France, en 2024, en blu-ray et DVD chez LCJ.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du 27 juin 1984
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