Beaucoup plus dramatique et sombre que l’original, La revanche des Crevettes Pailletées milite contre toute forme d’homophobie, parfois avec un certain sens du drame, mais aussi avec une certaine lourdeur démonstrative. On aurait préféré plus de légèreté.

Synopsis : Alors qu’elles sont en route pour les Gay Games de Tokyo, les Crevettes Pailletées ratent leur correspondance et se retrouvent coincées au fin fond de la Russie, dans une région particulièrement homophobe…

La revanche des Crevettes Pailletées, une suite à la gestation compliquée

Critique : En mai 2019, les Français peuvent découvrir sur leurs écrans une comédie aux couleurs de l’arc-en-ciel sans vedettes, mais qui va trouver son public par un très bon bouche-à-oreille. Ainsi, Les Crevettes Pailletées (2019) cumule sur l’ensemble de sa carrière 577 413 entrées pour un budget plutôt raisonnable de 4,5 millions d’euros. Il s’agit donc d’un très beau résultat pour le duo de cinéastes Maxime Govare et Cédric Le Gallo.

Après un tel succès, les duettistes envisagent de remettre le couvert avec la suite des aventures de ce groupe de pieds nickelés. Toutefois, le temps d’écrire ce nouveau script, le projet n’est lancé qu’en septembre 2020, alors que la pandémie de Covid-19 sévit dans le monde entier. Pour La revanche des Crevettes Pailletées, il faut en outre se rendre à l’étranger et notamment en Ukraine pour mettre en boite toutes les séquences censées se dérouler en Russie. Effectivement, réaliser ce long-métrage en Russie était inenvisageable au vu du portrait peu flatteur du pays dépeint. Notons enfin que les prises de vues ont été effectuées bien avant l’invasion de l’Ukraine par son voisin autocrate.

Une comédie dramatique plus militante que drôle

Bien que La revanche des Crevettes Pailletées soit bel et bien une suite, les auteurs ont tenu à ne surtout pas se répéter et donc, ici, aucune compétition de water-polo n’est filmée. En réalité, le ton général se veut bien plus sombre que celui du film précédent qui était un pur feel good movie. Sans doute conscients qu’ils ne pourraient pas renouveler l’exploit du précédent volet, la fine équipe a donc choisi une autre orientation : celle du drame militant afin d’alerter les consciences sur l’homophobie toujours galopante dans le monde.

Certes, la France peut apparaître comme un havre de paix – tout relatif car des agressions homophobes continuent d’avoir lieu régulièrement – mais le film dénonce de manière forte l’homophobie prégnante des pays d’Europe de l’Est, et notamment de la Russie. Nous sommes donc invités à suivre le périple des Crevettes Pailletées au cœur de la nation de Dostoïevski après avoir loupé une correspondance pour le Japon. Dès lors, les membres de l’équipe vont devoir faire face à des situations rocambolesques qui passent notamment par un emprisonnement arbitraire dans un asile psychiatrique où ils doivent subir une thérapie de conversion.

Des sujets graves pas toujours bien abordés

A travers cette histoire qui n’est qu’un prétexte parfaitement assumé, les auteurs en profitent pour aborder plusieurs sujets délicats, non sans une certaine lourdeur parfois. Ainsi, ils insistent sur la difficulté d’avouer et de vivre son homosexualité lorsque l’on vient de la banlieue. Ils ciblent bien évidemment toutes les formes de l’homophobie ordinaire et règlent leur compte aux fameuses thérapies de conversion qui fleurissent en Russie, mais aussi dans de nombreux pays démocratiques comme les Etats-Unis. Enfin, ils taclent gentiment la tendance actuelle au communautarisme en se moquant de la multiplicité des appellations revendiquées LGBTQ+++++.

Copyrights : Les Improductibles et Kaly Productions. Universal Studios. Tous droits réservés.

Le tout est alternativement drôle, parfois émouvant, mais aussi régulièrement lourd et bardé de clichés. Sans doute un poil trop long, La revanche des Crevettes Pailletées souffre donc d’un rythme inégal et échoue à retrouver l’ambiance primesautière du premier épisode. Heureusement, le casting sauve les meubles et la plupart des membres du premier sont de retour pour le meilleur. On peut regretter la simple participation amicale d’Alban Lenoir, mais les autres comédiens forment un groupe dont on aime à suivre les tribulations. On donnera notamment un bon point à Bilal El Atreby dont le rôle du banlieusard qui ne peut assumer son homosexualité. Il est sans aucun doute le personnage le plus intéressant et le plus profond dans ce qu’il révèle du malaise sociétal en cours.

Une sortie peu favorable en pleine invasion de l’Ukraine par la Russie

Sortie assez tardivement au mois d’avril 2022, cette suite sympathique, mais inégale, a souffert d’un contexte politique peu avantageux. Effectivement, depuis le mois de février 2022, la Russie a envahi une partie du territoire ukrainien et cette omniprésence dans l’actualité n’a pas poussé le grand public à venir se divertir avec un film situé justement en terre moscovite. La revanche des Crevettes Pailletées s’est donc mal comportée dès le mercredi de sa sortie parisienne avec seulement 609 spectateurs dans 18 salles alors même qu’ils étaient plus de 2 500 à venir découvrir le premier volet en mai 2019 sur la même séance. Pour son premier jour sur toute la France, ils n’ont été que 19 585 gay friendly à s’intéresser au film.

Après ce démarrage peu enthousiasmant, les séances suivantes ont confirmé ce désintérêt du grand public avec une chute de 47 % des entrées à Paris en deuxième semaine, malgré une exposition toujours aussi importante. Cette chute fut telle que le long-métrage a quasiment été retiré de l’affiche en moins d’un mois pour finir sa carrière piteusement avec 33 245 Franciliens.

La revanche des Crevettes Pailletées, un échec impitoyable

Sur le reste de la France, La revanche des Crevettes Pailletées n’a tenu à l’affiche que six petites semaines, s’effondrant déjà à 17 107 entrées / France en troisième semaine. Durant ses trois dernières semaines d’exploitation, le métrage ne grapille plus que des miettes et finit donc sa tournée provinciale avec seulement 144 053 clients. Le désastre est total quand on sait que le film a coûté plus cher que l’original. Il s’agira assurément du dernier voyage des Crevettes Pailletées sur grand écran.

Critique de Virgile Dumez

Sorties de la semaine du 13 avril 2022

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Copyrights : Les Improductibles et Kaly Productions. Universal Studios. / Affiche : Rysk (agence) – Cyril Masson (photographe). Tous droits réservés.

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