La reine des neiges, véritable phénomène de société et triomphe à l’échelle mondial, est un blockbuster taillé dans la glace, parfois beau à regarder, mais terriblement évanescent par rapport à bien des classiques du studio Disney. A titre de comparaison, dans l’animation contemporaine, entre Frozen et Raiponce, ce sont bien des kilomètres de banquise qui s’étendent entre les deux productions, pas forcément en faveur du plus gros succès des deux.
Synopsis : Anna, une jeune fille aussi audacieuse qu’optimiste, se lance dans un incroyable voyage en compagnie de Kristoff, un montagnard expérimenté, et de son fidèle renne, Sven à la recherche de sa sœur, Elsa, la Reine des Neiges qui a plongé le royaume d’Arendelle dans un hiver éternel… En chemin, ils vont rencontrer de mystérieux trolls et un drôle de bonhomme de neige nommé Olaf, braver les conditions extrêmes des sommets escarpés et glacés, et affronter la magie qui les guette à chaque pas.
Critique : En 2013, Disney ne savait plus trop à quel saint se vouer dans le domaine de l’animation. On pensait le studio devenu geek avec Les mondes de Ralph, mais la protagoniste gamine avait eu vite fait de transformer le fantasme de gamers en pure niaiserie incommodante. Les derniers Pixar étaient décevants et du côté du département DTV, c’est finalement le premier Planes, un spin-off distribué en salle, qui a surpris les spectateurs par ses petites prouesses aériennes, mais sans jamais chercher à atteindre les cimes de l’originalité.
Recherche désespérément princesse pour royaume vacant
L’empire Disney, qui multiplie parallèlement les Marvel, est dévoré par la culpabilité depuis l’abandon, au début des années 90, des princesses si chères au fondateur Walt Disney. Le département animation cherche à raviver la flamme du merveilleux, celui des contes ancestraux qui émerveillaient générations après générations les enfants occidentaux. Après tout, le logo de la société et de ses parcs à thèmes n’est-il pas un palais de conte de fées ?
Un studio dépassé par la concurrence en matière d’animation
La reine des neiges se présente donc, en 2013, comme la réponse inespérée du studio au besoin de retrouver la grandeur de ses origines. L’animation maison était dépassée par Dreamworks (Shrek), Universal (Moi, moche et méchant) et la Fox (L’âge de glace). L’adaptation du conte d’Andersen succède dans le même genre à La princesse et la grenouille, effort en animation traditionnelle exaltant, mais qui n’avait pas enchanté les foules ; et surtout à la chevelure furieuse de Raiponce, dont l’humour et les sautes d’humeur nous avaient largement conquis ! Raiponce avait réconcilié le public avec la magie Disney après les bides d’Atlantide, l’empire perdu, La planète au trésor, Frère des ours, La ferme se rebelle, Chicken Little, The Wild… Il fallait dès lors confirmer après ce retour encourageant du public vers une production plus canonique.
La reine des neiges, un phénomène qui nous laisse froid
La reine des neiges avec ses 1 300 000$ de recettes dans le monde a été l’œuvre du bouleversement dans l’animation mondiale, durant la décennie 2010. Cette production maison a démontré que Disney, hors Pixar, pouvait encore compter dans ce secteur qui frôlait l’overdose. Le monde entier a adoré et pour Disney, plus rien ne serait pareil. Pour notre part, on en reste encore désemparé. Question de subjectivité, certainement. Mais, avec sincérité, on ne l’a guère apprécié.
Remake d’une certaine fée Clochette ?
Dans La reine des neiges, l’argument magique est bien présent, central même au récit de deux sœurs princesses orphelines au destin tragique, alors que l’une d’entre elles est victime d’un sort machiavélique qui transforme tout ce qu’elle touche en glace. Et par accident, c’est tout le royaume d’Arendelle qui se retrouve recouvert d’un froid mordant et d’une épaisse couche de neige éternelle… Elle s’exile pour échapper à la colère de ses sujets, apeurée, mais poursuivie par sa jeune sœur, Elsa, qui va essayer de restaurer le printemps et retrouver la bonté de son aînée avec laquelle elle s’amusait tant enfant…
Évidé de toute psychologie, le récit est non seulement fade, mais il recopie également plus ou moins les grandes lignes de Clochette et le secret des fées distribué un an auparavant. Dans ce dernier, l’héroïne ailée aussi, avait plus ou moins provoqué la tombée d’un hiver réfrigérant dans la vallée des fées, au péril de sa vie. Il était alors question de sa sœur cachée, du royaume du froid qu’elle découvrait tardivement et qu’elle devait sauver également de ses imprudences.
L’humour glaçon peine à faire rire
La reine des neiges a beau bénéficier d’un budget conséquent visible à l’écran, l’incroyable platitude du scénario déjà servi, dénote un manque flagrant d’écriture. Même l’humour est peu aimable, à l’exception peut-être des facéties d’un bonhomme de neige magique (Dany Boon en VF), seul personnage amusant, quand même une armée de trolls ronds comme des pierres, semblent figés dans le marbre d’un design laid.
Des méchants indignes de la maison Disney
Dans un conte où la féerie reste encore à prouver, on peut considérer les personnages maléfiques totalement transparents. Et l’on peine à les qualifier de vilains, tellement ils sont gentillets. Sans grand méchant historique, La reine des neiges butte sur des congères et n’arrive pas à se relever pour se hisser dans la cour royale des grandes productions maison (ce qu’il est devenu aux yeux de millions de spectateurs dans le monde, ndlr).
La comédie musicale à la mode des téléfilms Disney Channel
Pourtant, avec ce film, le studio restaurait la comédie musicale, genre devenu désuet chez Disney à la fin des années 90 et abandonné avec Atlantis en 2001. Là aussi, on reste dubitatif. Les numéros musicaux aux envolées vocales dignes d’un spectacle de télé-réalité, peuvent consterner par leur récurrence et leurs octaves casse-oreilles ; ils cassent le rythme d’une œuvre incapable de trouver le tempo et n’ajoutent que lourdeur de pachyderme dans un décor de cristal. Pis, ils empêchent les personnages d’exister, ni plus ni moins.
Le public y trouve toutefois matière à karaoké. Au début des années 2010, la mode est aux télé-crochets et aux spectacles musicaux adolescents. La génération High School Musical, Hannah Montana ou Camp Rock, qui a mangé la soupe sur le Disney Channel, n’est forcément pas réfractaire, et trouve finalement dans la glace “allo” le produit kitsch ad hoc pour passer les fêtes de Noël avec l’iPhone dans la poche en mode repeat. La bande originale du film est un carton incroyable dans le monde entier.
Un conte transparent au succès monumental
Bref, faute d’avoir le caractère d’une œuvre mauvaise comme La Ferme se rebelle ou Bienvenue chez les Robinson, La reine des neiges, réalisé par Chris Buck (Tarzan, Les rois de la glisse) et Jennifer Lee (scénariste des Mondes de Ralph) souffre juste de transparence et appartient aux œuvres dispensables de l’impressionnant catalogue de Walt Disney Pictures, au même titre que Basil détective privé ou Chicken Little.
Les petites filles ont apprécié. Les petits frères tout autant. Pour notre part, on avait passé l’âge. On admettra notre réalité minoritaire face à l’enthousiasme mondial – quatorzième succès de la décennie dans le monde – qui a conduit le studio Disney à proposer une suite pour les salles en 2019. Ce sequel fut d’ailleurs l’ultime production animée Disney, d’avant la crise de la Covid-19, à avoir pu bénéficier d’une sortie traditionnelle. Le triomphe se répéta (1 450 000 000$, huitième mondial de la décennie). On s’incline, grognons, face au verdict des masses et des liasses.
Sorties de la semaine du 4 décembre 2013
Film présenté en exclusivité au Grand Rex à partir du 20 novembre 2013,
et proposé en Disney Digital 3D™ dans les salles équipées.