La maison des égarées est un drame fantastique sur la résilience qui touche par instants, mais qui manque de rythme et de cohérence pour pleinement convaincre. Joli, mais qui n’évite pas toujours la mièvrerie.
Synopsis : Se retrouver et renouer le contact avec le monde et ceux qui l’habitent. Deux jeunes filles se retrouvent séparées de leur famille à la suite d’un cataclysme. Elles qui ne se connaissaient pas, se retrouvent perdues et sans toit. Elles rencontrent une vieille dame qui offre de les recueillir dans sa maison à l’écart du village. Cette opportunité de repartir à zéro est d’un grand soulagement, jusqu’au jour où d’étranges phénomènes commencent à apparaître…
Un animé en hommage aux victimes du tsunami de 2011
Critique : En 2011, un terrible tsunami frappe les côtes du Japon, entrainant avec lui un accident nucléaire de grande ampleur à Fukushima. Le bilan officiel fait état de plus de 15 000 morts et de nombreux disparus. Pour commémorer cet événement traumatique, les Japonais ont mis en place le Continuing Support Project 2011+10 qui prévoyait de créer trois œuvres d’animation afin de rendre hommage aux victimes de la catastrophe. Des trois projets, La maison des égarées (2021) est le seul qui soit parvenu en France.
Le scénario s’inspire notamment d’un roman de Sachiko Kashiwaba, très célèbre dans son pays pour avoir écrit des contes pour enfants faisant appel aux créatures traditionnelles du shintoïsme. Elle a notamment été l’une des principales inspiratrices du Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001), même si le film propose un scénario original. On retrouve donc ici de nombreuses caractéristiques de l’œuvre de Miyazaki, notamment dans la deuxième partie du récit, plus proprement fantastique.
Des jeunes filles marquées
Effectivement, le début du film laisse d’abord planer le doute sur la dimension fantastique du récit en étant ancrée dans la triste réalité de l’après séisme. Le spectateur est invité à suivre la survie de deux gamines au cœur du désastre. Sans aucun lien du sang, les deux jeunes filles se soutiennent et tentent de faire face à leur traumatisme. L’une est muette, marquée à jamais par la disparition de ses parents, tandis que la plus âgée lutte intérieurement contre l’emprise de son père qui semble l’avoir violentée.
Durant cette errance assez courte, les deux gamines font la connaissance d’une vieille femme qui va en quelque sorte les adopter. Elles se mettent en route et se réfugient dans une maison qui possède un étrange pouvoir, celui de réaliser les souhaits de ses occupantes. Il s’agit en fait d’une Mayoiga qui est une maison ayant des pouvoirs de protection des voyageurs dans la culture nippone.
La maison des égarées, un concentré de culture traditionnelle japonaise
Dès lors, le long métrage va évoquer le combat de ces trois femmes contre leurs démons intérieurs. Pour leur venir en aide, elles peuvent compter sur plusieurs créatures étranges qui sont nommées des Yôkai, tandis que leur trauma prend la forme d’un serpent de mer monstrueux menaçant de les engloutir. Très métaphorique, La maison des égarées prend son temps pour présenter les trois personnages, avant d’aborder des éléments fantastiques qui risquent bien de déstabiliser le public occidental, peu versé dans les traditions japonaises. Ainsi, la multiplication de ces figures un peu grotesques ne facilite pas forcément l’implication du spectateur.
En fait, La maison des égarées manque sans doute de cohérence, aussi bien dans son ton que dans son style visuel. Parfois très dramatique et faisant appel à des silences qui en disent long sur le mal-être des personnages, le film pâtit pourtant d’une musique guillerette qui contraste fortement avec le ton général. Comme si les auteurs se souvenaient d’un coup qu’il s’agissait d’une œuvre pour enfants et qu’il fallait donc injecter un peu de fantaisie dans une histoire finalement trop sombre.
Une réalisation bien trop banale qui empêche le film de décoller
De même, le style très classique du dessin et de la réalisation change totalement durant les courts épisodes consacrés aux contes traditionnels. Leur inventivité sur le plan graphique vient rappeler à quel point la réalisation de Shinya Kawatsura manque de mordant et d’imagination. Le réalisateur, habitué à œuvrer depuis une vingtaine d’années à la télévision, semble avoir du mal à proposer des plans novateurs et un découpage intéressant. Dès lors, il n’est pas interdit de trouver parfois le temps long face à cette jolie histoire de résilience qui aurait vraiment mérité un autre maître d’œuvre.
Jamais désagréable, mais rarement passionnant, La maison des égarées est donc un animé très classique, sans doute trop plein de bons sentiments, mais sauvé par son ambiance quelque peu hors du monde. Présenté au Festival d’animation d’Annecy en 2022, La maison des égarées a mis du temps avant d’être proposé au cinéma en France par le distributeur Les Films du Préau à partir du mercredi 28 juin 2023.
Pour sa première semaine d’exploitation, l’animé réunit 4 640 petites filles. Le métrage se maintient plutôt bien en semaine 2 avec 3 111 retardataires. Après cinq semaines à l’affiche, l’animé comptabilise 11 529 entrées, doublant donc largement ses résultats initiaux. Depuis, le drame fantastique sur la résilience est disponible en DVD, blu-ray et VOD. Il est toutefois à réserver à des enfants déjà assez grands, au-delà de 10 ans.
Critique de Virgile Dumez
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Mots clés
Cinéma d’animation japonais, Animé, Les maisons hantées au cinéma, Festival d’Annecy 2022