A travers le portrait acidulé d’une adolescente singulière, Jeune Juliette rend hommage à tous ceux et celles qui se battent pour le droit à la différence.
Synopsis : Juliette est effrontée, malicieuse, un peu grosse et menteuse. Elle n’est pas vraiment populaire au collège, mais ce n’est pas grave : c’est tous des cons ! Juliette a 14 ans et elle croit en ses rêves. Pourtant, les dernières semaines de cours se montreront très agitées et vont bousculer ses certitudes sur l’amour, l’amitié et la famille…
Critique : Après trois films plutôt sombres Nuit#1 en 2011, Les êtres chers en 2013 et Nelly en 2016, la réalisatrice québécoise Anne Edmond opte pour la légèreté avec ce film joyeusement combatif qui tend à démontrer que les tourments de l’adolescence, si cruels semblent-ils au moment où on les vit, serviront d’écrin à des souvenirs idéalisés, l’âge adulte venu. Si les films traitant de cette époque particulière de la vie sont légion, la réalisatrice puise dans son histoire personnelle pour dresser cette chronique piquante toute en humour décalé qui traite tout à la fois du harcèlement, de l’amitié, de l’amour sous toutes ses formes et de l’acceptation de la différence.
Un hommage nostalgiques aux teen movies des années 80 jusque dans le grain
Coincée entre l’angoisse de l’avenir et l’urgence de découvrir la vie, Juliette s’interroge sur la manière de trouver sa place, d’autant qu’elle ne répond pas tout à fait aux critères imposés aux jeunes filles de son âge, ce qui ne l’empêche pas de s’assumer telle qu’elle est. Car on le découvrira, elle ne manque pas de caractère !
Juliette a peu d’amies… En vérité, elle n’en a qu’une seule : Léanne, une amitié à la vie à la mort qui prendra une tournure à laquelle elle ne s’attendait pas. Leur passe-temps favori consiste à railler les travers de leurs camarades de classe qui, à leur tour, ne manquent jamais de harceler Juliette pour ce problème d’embonpoint, dont elle a à peine conscience mais qui lui fait comprendre l’importance du regard des autres et signe en même temps la fin de l’illusion de l’enfance. Juliette est pétillante, drôle et bonne élève, ce qui lui vaut de pouvoir prendre sous sa protection un jeune autiste de douze ans (lui aussi mis de côté pour cause de handicap) dont elle sera à la fois l’ange gardien et le bourreau. Car si Juliette est pleine de qualités, elle souffre aussi de fêlures profondes, la principale étant l’abandon de sa mère partie travailler à New York pour s’occuper d’enfants plus déshérités qu’elle. Elle vit néanmoins entourée d’un père aimant et assez perspicace pour détecter tous ses petits mensonges et d’un frère aîné attentif dont le meilleur ami se trouve être le garçon sur lequel Juliette a jeté son dévolu, sans grand espoir de retour.
Jeune Juliette deviendra grande
Nostalgique des « teen movies » de son enfance, la réalisatrice, encouragée par son chef opérateur, décide de tourner en 35 mm donnant ainsi une couleur intemporelle et chaleureuse à cet hymne à la tolérance vif et coloré qui, entre gravité et désinvolture, développe son contingent d’optimisme. Elle aborde sans faux-semblants des sujets douloureux mais ne tombe jamais dans le drame grâce à un scénario enjoué, des dialogues incisifs (l’emploi de l’argot québécois, heureusement sous-titré, ajoute une dimension humoristique supplémentaire à ce jeu de ping-pong verbal) et surtout à une bande de jeunes comédiens à la spontanéité rafraîchissante, à commencer par la jeune Alexane Jamieson (Juliette) dont la décontraction et l’assurance naturelle font tout le sel de cette histoire attachante.
Au-delà de nous proposer un portrait atypique d’adolescente, Anne Edmond s’attaque au culte de l’image et milite pour une représentation de toutes les femmes dans leur diversité corporelle ou ethnique, faisant de son œuvre un film plus profond qu’il n’en a l’air.
Critique : Claudine Levanneur
Sorties du 11 décembre 2019