J’espère que tu crèveras la prochaine fois ! est une première œuvre maîtrisée qui évoque avec nuance et pertinence le cyberharcèlement en milieu scolaire. Jamais moralisateur, le drame reste à hauteur d’adolescent et atteint ainsi sa cible.
Synopsis : Eszter, 16 ans, est amoureuse de son professeur d’anglais. Un jour, celui-ci annonce son départ pour l’étranger, et Eszter reçoit un curieux mail de sa part. Commence alors dans le plus grand secret une romance par textos et chats vidéo. Mais l’idylle devient de plus en plus possessive, puis malsaine… La réalité va bientôt venir secouer le monde virtuel d’Eszter.
Un premier film indépendant hongrois
Critique : Scénariste et réalisateur hongrois qui a plus d’une dizaine de courts-métrages à son actif tournés sur une large période de quinze ans, Mihály Schwechtje est finalement passé au format long avec J’espère que tu crèveras la prochaine fois ! qu’il a écrit et réalisé en 2018. Passionné par le cinéma d’auteur européen et notamment scandinave selon ses propres dires, Mihály Schwechtje a dû se contenter d’un budget très restreint pour mettre en boite cette histoire pourtant bien de son époque.

© 2018 KMH Film – Proton Cinéma / © 2021 Damned Films. Tous droits réservés.
Effectivement, le cinéaste a souhaité suivre le quotidien d’adolescents d’aujourd’hui afin d’essayer de mieux les comprendre, lui qui a enseigné le cinéma pendant plusieurs années à l’université. Ainsi, il a cherché à décrire de la manière la plus juste possible leur naïveté, leurs emportements, leurs passions parfois fugitives mais non moins violentes, ainsi que leur rapport compliqué au sexe à l’heure de la technologie 2.0. Il part ainsi d’une situation qui tient de la romance fleur bleue – la gamine amoureuse de son professeur d’anglais, plutôt bien de sa personne et représentant une figure paternelle absente à la maison – mais la fait peu à peu dériver vers quelque chose de plus problématique et tendancieux.
Deux points de vue différents pour une même histoire
Le réalisateur se joue aussi bien du spectateur que de son personnage principal puisqu’il raconte d’abord son histoire selon le point de vue de la jeune fille abusée. Au bout d’une demi-heure, il effectue un brusque retour en arrière qui nous ramène à des scènes déjà vues auparavant, mais cette fois selon l’angle d’un personnage en apparence périphérique, l’ado discrètement amoureux de sa camarade de classe. Dès lors, le cinéaste lève le voile sur la réalité de son intrigue et instaure une relation malsaine par le biais des réseaux sociaux.
Alors que J’espère que tu crèveras la prochaine fois ! commence de manière assez légère, avec un ton qui peut d’ailleurs évoquer certains teen movies américains, ce qui se retrouve esthétiquement par l’utilisation de couleurs acidulées, la suite est bien plus dramatique. Les différents protagonistes se retrouvent pris au piège d’une mécanique implacable, celle du mensonge, et finalement du harcèlement en milieu scolaire. Le sujet est loin d’être anodin tant ce fléau touche tous les établissements, et pas seulement ceux de Hongrie. Le cinéaste décrit comment une action banale – un clic sur le net – peut faire basculer totalement la vie d’autrui en la détruisant en un éclair.
J’espère que tu crèveras la prochaine fois ! reste à hauteur d’ados
La grande qualité du réalisateur Mihály Schwechtje est de ne jamais se placer en tant que juge ou père moralisateur face à des adolescents dont il comprend parfaitement les failles et les interrogations. Montrés dans toutes leurs dimensions, les ados du film ne sont ni des anges – la cruauté du milieu scolaire est parfaitement retranscrit – ni des monstres comme certains voudraient nous le faire croire. Ce sont avant tout de jeunes adultes qui expérimentent des émotions nouvelles et qui font des erreurs, malheureusement amplifiées par l’impact des réseaux sociaux et la frontière de plus en plus ténue entre vie privée et publique.
Parfaitement interprété par des jeunes gens talentueux, J’espère que tu crèveras la prochaine fois ! bénéficie aussi d’un aspect bricolé qui s’accorde finalement plutôt bien à son sujet. Son cadre étriqué en 4:3 permet également d’enfermer les personnages dans un cadre défini et un horizon bouché. Ces jeunes gens, totalement autocentrés, sont ainsi prisonniers de leurs pulsions, aussi bien que du cadre restreint du long-métrage.
Une sortie directement en vidéo
Présenté avec succès dans plusieurs festivals, ce tout premier film réussi n’a pas eu les honneurs d’une sortie en salles, sans aucun doute à cause de la crise sanitaire. Damned Films a finalement opté pour une sortie directement en DVD dans une édition classique, mais techniquement probante et agrémentée d’un autre court-métrage du même réalisateur. Il s’agit en tout cas d’une bonne pioche pour cet éditeur toujours aussi pointu dans sa recherche d’un cinéma d’auteur ambitieux et exigeant.
Critique de Virgile Dumez
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