Ici Brazza – Chronique d’un terrain vague : la critique du film (2024)

Documentaire | 1h26min
Note de la rédaction :
7/10
7
Affiche d'Ici Brazza, chronique d'un terrain vague

  • Date de sortie: 24 Jan 2024
  • Année de production : 2023
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Ici Brazza
  • Titres alternatifs : Brazza, Chronicle of a Wasteland (International)
  • Réalisateur : Antoine Boutet
  • Ingénieur du son : Antoine Boutet
  • Monteur : Antoine Boutet
  • Directeur de la photographie : Antoine Boutet
  • Compositeur : Ernest Saint Laurent
  • Producteur : Julie Paratian
  • Sociétés de production : Sister Productions
  • Financements : CNC, Région Nouvelle-Aquitaine, Agence ALCA, CNAP Image/Mouvement, SCAM - Bourse Brouillon d’un Rêve, PROCIREP Angoa, Studio Orlando
  • Distributeur : Les Alchimistes Films
  • Editeur vidéo :
  • Date de sortie vidéo :
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Rentabilité :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85:1 / Couleur (4K UHD) / 5.1
  • Festivals : Cinéma du Réel (France, 2023), Close up 2023, Section Panorama (Paris, 2023), FIFIB 2023 - Séance spéciale - section coup de coeur documentaire (France, 2023), FIFAAC (France, 2023)
  • Nominations :
  • Récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : © Visuel Martial Prévert. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 2023 Les Alchimistes. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachée de presse : Audrey Grimaud, assistée par Romane Desdoits (Agence Valeur Absolue)
  • Sous-titre : Chronique d'un terrain vague
Note des spectateurs :

Ici Brazza brasse le temps et le vide de ses décors avec les yeux de la contemplation et de l’inquiétude. Une approche fascinante qui sème le doute sur le monde de demain.

Synopsis : Ici Brazza, tout un programme : une zone en friche vit ses dernières heures. 53 hectares à bâtir pour un vaste projet immobilier dans l’air du temps. Chronique d’un terrain vague en transformation, le film scrute l’annonce d’un “nouvel art de vivre” dans la réalité brute du terrain.

Photo d'Ici Brazza, chronique d'un terrain vague

© 2023 Les Alchimistes. Tous droits réservés / All rights reserved

Vous prendriez bien cinq ans en une heure trente de projection?

Critique : Le dernier périple du documentariste de l’espace et de l’humain, Antoine Boutet, qui s’est déjà interrogé sur la place cosmogonique d’un ermite dans sa forêt et du lien tissé par la plus grande construction hydraulique entre le nord et le sud de la Chine, mélange le vide et la peur du vide, dans un lieu d’abandon promis à l’agitation de la foule et des habitations. Il faut traduire par cela un gigantesque terrain vague de 50 hectares, que le documentariste a filmé ponctuellement, pendant cinq ans, un lieu périphérique à la ville où l’industrialisation a cédé et le sauvage du végétal repris ses droits.

Ce macrocosme d’un passé qui n’est plus et d’un présent terme, érige des panneaux publicitaires pour un projet pharaonique d’éco quartier qui survivra au confinement, mais avec des perspectives de temps long. Pour notre part, on ne trouvera jamais le temps long. Passé l’obstacle d’une affiche de cinéma en friche et peu cinégénique, de la cartographie d’une première séquence fauchée, Ici Brazza déploie une réalisation quadrillée qui fait du vide et des structures architecturales, anciennes ou à venir, la charpente hallucinante d’un monde hors du sol et du territoire, mais en devenir – ou pas, car il devra attendre avant de pouvoir se frotter au constat d’échec ou de succès.

L’expansion urbaine par le greenwashing ?

Le projet immobilier vendu par ses prometteurs souffle des promesses qui tardent à s’imbriquer dans cette géographie de la dévastation et du laid, où le bêton a désarmé les paysages, industrialisé les souvenirs et cédé aux vertiges hallucinants des ambitions des inventeurs du monde de demain. Antoine Boutet ne filme pas ce royaume de misère où traînent encore quelques SDF et campements de gitans, avec l’excitation du citoyen de demain. De par ses cadrages fantomatiques, sa gestion planante du son et l’emmitouflement dans une musique qui donne froid dans le dos, la toile brossée relève d’une nature morte qui semble n’attendre plus grande chose du chantier qui la compose.

Photo d'Ici Brazza, chronique d'un terrain vague (2024)

© 2023 Les Alchimistes. Tous droits réservés / All rights reserved

Ce royaume de l’au-delà des murs et du temps des centres villes, et donc, a priori, loin du consumérisme et de la galopante urbanisation, sera prochainement, la clé de voute d’un Bordeaux en expansion, où le sanctuaire fluvial ne sera plus, comme le suggère l’intrusion d’un transport maritime gargantuesque. L’idéologie verte et l’habitat pensé en toute responsabilité habillent l’obsession d’un futur de la domination, non plus par la destruction, mais par l’habillage et la cosmétique de la reconstruction.

Ici Brazza : le temple de la gentrification a-t-il trouvé son nom ?

Entre la nécessité de bâtir sur l’existant, l’illusion possible d’une nature retrouvée au sein d’un habitat des communautés plurielles et de la diversité, l’artificialisation du bonheur de vivre semble comme souligner les contresens d’un monde qui doit toujours croître au dépend de la terre pleine. De par son atmosphère déroutante, Ici Brazza macule l’excitation face à l’immensité du projet d’une inquiétude palpable. La contagion par le son et l’image.

Dans son jeu de cadres, nous spectateurs, nous perdons éventuellement dans le marketing des panneaux, les maquettes et la réalité des murs enfin dressés. Les promoteurs ont-ils finalement gagné?

Ici Brazza est un cinéma du réel qui envoute, fascine, effraie même, dans tous les cas, il ne laisse sûrement pas indifférent, malgré le peu de poids accordé aux témoignages. L’humain trépidant est surtout désincarné, les mots y sont rares et souvent laissés à ceux qui ont été (le couple de vieillards qui pose les lieux) et qui vont devoir migrer ailleurs face à l’imminence d’un futur écosensible réfléchi, mais qui se fera sans eux.

La gentrification ne dit pas son nom, mais elle plane avec certitude dans cet ouvrage de démesure qu’on se gardera bien de juger tant il insémine nos esprits de ses doutes viscéraux.

Cette expérimentation spatio-émotionnelle, en dépit de son petit budget, se contemple volontiers tant elle est hypnotique et maîtrisée. Antoine Boutet est le meilleur architecte quand il s’agit de mener sa carrière au bout de ses angoisses et de ses obsessions. Il est décidément un artiste de vision.

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 24 janvier 2024

Affiche d'Ici Brazza, chronique d'un terrain vague

© Visuel : Martial Prévert – © 2023 Les Alchimistes. Tous droits réservés / All rights reserved

Trailers & Vidéos

trailers
x
Affiche d'Ici Brazza, chronique d'un terrain vague

Bande-annonce d'Ici Brazza

Documentaire

x