© FDC / Philippe Savoir (www.filifox.com)
Haut et fort est un film musical et social sincère et engagé, hymne à la liberté et à la jeunesse, mais manquant d’épaisseur dans son scénario.
Synopsis : Anas, ancien rappeur, est engagé dans un centre culturel d’un quartier populaire de Casablanca. Encouragés par leur nouveau professeur, les jeunes vont tenter de se libérer du poids de certaines traditions pour vivre leur passion et s’exprimer à travers la culture hip-hop…
Quand la musique est bonne
Critique : Avec Haut et fort, le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch a eu les honneurs de la compétition officielle au Festival de Cannes, lui qui avait déjà été présent deux fois sur la Croisette. Il avait remporté le Prix François-Chalais avec Les chevaux de Dieu (Un Certain Regard 2002) et abordé le thème de la prostitution dans Much Loved (Quinzaine des Réalisateurs 2015), un film qui lui avait valu des problèmes avec les autorités marocaines. Haut et fort est dans la même veine d’un cinéma social décrivant les problèmes et les espoirs de la jeunesse dans ce pays. C’est un film agréable et estimable, courageux politiquement mais visuellement assez terne et au scénario manquant d’épaisseur.
On est ici dans l’univers du rap et des performances vocales dans un centre de Sidi Moumen (quartier de Casablanca). En fait, Nabil Ayouch a créé ce lieu en 2014, et en ouvert d’autres dans plusieurs villes (Agadir, Tanger…). Lui-même avait connu une formation artistique en MJC lorsqu’il était adolescent à Sarcelles dans les années 80. Du coup, Haut et fort constitue une mise en abyme, les jeunes que l’on voit à l’écran étant les rappeurs de Sidi Moumen. Ils incarnent ainsi des personnages proches d’eux-mêmes. Il n’est pas superflu d’ajouter que ces jeunes interprètes, dont c’est la période expérience au cinéma, sont tous d’une justesse de jeu et semblent fortement impliqués dans le projet de leur metteur en scène.
Haut et fort. © Virginie Surdej – Amine Messadi. Tous droits réservés.
Haut et fort, un film mineur mais touchant
À cet égard, le réalisateur a précisé dans le dossier de presse : « J’aime travailler avec des non-professionnels, c’est toujours une façon de se remettre en question, de s’obliger à être toujours alerte dans son rapport aux personnages et au tournage. Même si pour certains, je me suis inspiré de leurs parcours et leur vie, ce sont tous des personnages de fiction à l’écran. La particularité c’est que j’ai toujours refusé de leur donner un scénario, de leur dire où je voulais aller avec eux. On discutait beaucoup de leurs personnages, de comment ils ou elles le ressentaient, et toujours j’essayais de trouver la bonne distance dans la direction d’acteurs ». Par les paroles des chansons, les jeunes expriment un ressenti sur leur vécu. Il est donc question de pauvreté, précarité, chômage, ou religion. La mixité est la règle dans le centre et les adolescentes extériorisent leur volonté de liberté et le refus de se soumettre à un ordre patriarcal.
Haut et fort a certes des qualités. Nabil Ayouch parvient à célébrer la voix de ces jeunes gens, à les faire résonner clairement. C’est un hymne attachant à la résistance par le corps et la parole, qui s’inscrit pleinement dans le genre musical, tendance West Side Story plutôt que Demoiselles de Rochefort. Le film doit aussi beaucoup à l’ex-rappeur Anas Basbousi, qui avait fondé un programme de formation hip-hop au Maroc, et joue ici avec conviction l’animateur. Pour autant, le scénario n’est pas assez développé, et les personnages secondaires (comme les parents inquiets) sont souvent stéréotypés. Visuellement, le métrage échappe de justesse à l’esthétique de téléfilm, et tourne un peu en rond après sa première demi-heure. On est loin de la force et de la virtuosité de Slam (Marc Levin, 1998) ou Whiplash (Damien Chazelle, 1994). Haut et fort n’en demeure pas moins une œuvre respectable par son sujet et son dispositif.
Critique de Gérard Crespo