Gradiva (c’est Gradiva qui vous appelle) : la critique du film (2007)

Fantastique, Erotique | 1h58min
Note de la rédaction :
7/10
7
Affiche cinéma Gradiva 2007

Note des spectateurs :

Avec Gradiva, Robbe-Grillet revenait une ultime fois à l’art cinématographique, en 2007. Ses obsessions onirico-érotiques, propres à un cinéma irréel et suranné de l’art des années 60-70, demeuraient ensorcelantes, catégoriquement hors de l’offre balisée de la cinématographie des années 2000.

Synopsis : Historien d’art, John Locke s’installe dans les ruines d’un ancien palace situé près de Marrakech. Là, il travaille à la rédaction d’un livre sur l’orientalisme pictural.

Critique :  Romancier culte mais réalisateur méconnu d’un film par décennie, Robbe-Grillet était aussi scénariste de L’année dernière à Marienbad (Resnais, 1961). L’auteur est mort à 85 ans en 2008. Un an auparavant, il nous offrait son ultime proposition cinématographique dans l’indifférence générale, Gradiva.

Dans cette oeuvre, le maître ne renie rien de son art,  s’évertuant à manifester son appartenance à une certaine Nouvelle Vague dont il s’est toujours fait le chantre décalé. Sans se soucier de son époque dont il se fait alors un malin plaisir à gommer tous les aspects, il pose alors une nouvelle pierre à son édifice onirico-érotique où tout est interrogation métaphysique, fantasme érotomane, obsession esthétique et délire artistique. Intransigeant, il plonge sa caméra pendant deux heures lancinantes dans une fascination atmosphérique à la beauté ouatée.

Crédits : Carlotta

 

 

Ode à la femme, adulée, sublimée, soumise et maltraitée dans un décor des Mille et une nuits aux relents colonialistes, Gradiva relève sûrement du fantasme masculin intime, dévoilé sans pudeur avec une poésie courtoise qui réfute toute vulgarité et toute complaisance. Jamais choquant malgré un point de vue que l’on pourrait qualifier de misogyne incompatible avec notre époque post #Metoo, son dernier long est un songe qui se permet de jouer la carte du voyage qui rime avec décalage total.

Son personnage principal se nomme John Locke, pour la pensée et l’introspection. Il voue un culte à la peinture coloniale de Delacroix et ressasse des rêves de femmes soumises et assaillies. Les acteurs errent dans des décors d’ailleurs, pourtant bien contemporains dans leurs anachronismes, en déclamant des dialogues délicieusement littéraires, savoureusement absurdes, sur un ton récité où la comédie n’est jamais très loin, mais toujours domptée. A ce jeu, Arielle Dombasle domine le casting et règne sans partage sur le métrage. Par son éternelle jeunesse, son second degré unique dans le paysage cinématographique français, elle irradie les rues de la médina de sa blondeur spectrale et nous convie à la dérision de ces personnages qu’elle aimait déjà confectionner : L’arbre, le maire et la médiathèque (Rohmer, 1993),  Deux (Werner Schroeter, 2002) et Quand je serai star (Patrick Mimouni, 2005) sont d’inlassables exemples de cet humour qui allaient contribuer à faire d’elle l’OVNI qu’elle est devenu peu à peu.

Fantôme d’une production fantastique française toujours éreintée par la critique et raillée par le public, Gradiva à l’intransigeance et la poésie de ces œuvres des années 70 où l’on ne cherchait pas à courtiser le grand public, mais à détricoter les conventions pour confectionner un univers singulier, difficile d’accès car libertaire, auprès d’un public dévoué aux libertés de penser du surréalisme. Buñuel, Walerian Borowczyk, Fernando Arrabal, Alejandro Jodorowsky et avec un talent moindre mais une cohérence tout aussi louable Jean Rollin… ils ont tous participé à l’enrichissement de ce formidable courant dont on a pu goûter à un avatar tardif mais essentiel en 2007 avec ce Gradiva hors temps et hors normes. A recommander aux amateurs de curiosités singulières.

Un coffret Robbe-Grillet aujourd’hui épuisé, édité par Carlotta, incluait cette oeuvre devenue rare. On a pu aussi la trouver chez Gaumont, en 2012.

Critique : Frédéric Mignard

Affiche originale Gravita (2007) – distribué par Zootrope Films, Copyrights Gaumont

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