Exit (Cutterhead) utilise la forme du documentaire pour imposer un suspense souterrain oppressant et malaisant. Une réussite qui a fait le tour des festivals, avec succès. Ses acteurs sont à couper le souffle. Difficile d’en ressortir indemne.
Synopsis : Rie, une journaliste danoise, visite le chantier du métro de Copenhague pour réaliser un projet sur la coopération européenne. Mais sous terre, un accident se produit. Rie se retrouve bloquée dans un sas de décompression aux côtés de Bharan et Ivo, deux ouvriers. Le reportage se transforme en cas pratique, où chacun doit apprendre à coopérer pour espérer survivre.
Exit ou comment pénétrer en enfer
Critique : Véritable bête de festivals (Neuchâtel, Premiers Plans d’Angers…), Exit n’est pas à proprement parler un film fantastique, et pourtant, de par son ambiance sombre et caverneuse, il a intégré de nombreuses sélections de festivals spécialisés dans le cinéma de genre. Une prouesse pour ce premier long danois qui ne manque ni de talents ni d’arguments pour justifier sa place en salle.
En 2019, le film avait déjà imposé sa présence en VOD aux USA et au Royaume-Uni, avec un vrai succès. Le spectacle, à voir en version originale, a été tourné essentiellement en anglais, avec des recours aux différentes langues des trois protagonistes. Une démarche de réalisme linguistique jusqu’au-boutiste qui manifeste une envie d’universalité.
Chez nous, le survival claustrophobe se fraie un tunnel dans les cinémas post-Covid, en juillet 2020, pour 1h20 d’intensité. Il rouvre cette sensation prégnante de reconfinement, de par la force de son sujet. Les sous-sols de Copenhague et sa construction de ligne de métro infernale, voire dantesque, s’assurent le courage et l’abnégation de travailleurs étrangers, parfois sans papiers, pour vaquer aux tâches les plus ingrates et les plus dangereuses. Le sujet actuel nous parle. Enormément.
L’auteur du film, Rasmus Kloster Bro, fait ses premières armes dans un genre, du moins dans la forme, qu’on avait un peu laissé de côté, le documenteur. Tout ressemble à un reportage façonné à la caméra numérique, dans le ton et l’esthétique crus hyperréalistes. Toutefois, le sujet journalistique – une reporter descend dans les tréfonds de la terre pour interroger les travailleurs sur cette collaboration européenne-, évite les pièges du tout tourner à tout prix ou le cliché narratif de la vidéo posthume dévoilée après les événements du récit.
The Descent
Exit n’est pas une série B pour adolescents, mais bel et bien un thriller adulte oppressant qui soulève de vraies questions humaines. Ces interrogations laisseront les plus jeunes de marbre, mais élèvent la qualité du film au rang de divertissement très recommandable. Le portrait dressé des migrations, de la désespérance humaine, est brossé avec une finesse qui ne rend jamais la métaphore centrale du film (l’analogie entre l’accident souterrain qui emprisonne la reporter avec deux travailleurs étrangers, et la migration des miséreux, dans un contexte d’insécurité, de dangerosité et surtout d’exploitation humaine) lourde, pataude ou facile.
Le cinéaste ouvre la porte de l’enfer, sur un fond de musique pesante que d’aucuns pourraient qualifier de dépressive ; il filme avec éloquence la claustrophobie, la suffocation, l’étouffement. Par moment, son travail évoque le génial The Descent sans l’aspect horrifique des bestioles préhystériques et cannibales. La boule au ventre, on regarde des acteurs au jeu insensé, on imagine le calvaire de leurs personnages, mais aussi celui des professionnels qu’ils sont face au défi de telles conditions de travail, et on ressort secoués, profondément émus par ce survival naturaliste qui démontre, qu’effectivement après, plus rien ne pourra être comme avant…
Tragédie humaine, thriller, drame naturaliste et sociologique, film politique… Exit est surtout un divertissement terrifiant qui abat les frontières pour parler au plus grand nombre. Il serait vraiment dommage de ne pas se laisser prendre au jeu. Du très bon cinéma, avec une capacité de reproduction du réel absolument glaçante.