El cielo dividido, d’une rigueur formelle formidable, est une expérience visuelle radicale forte de ses 2 heures 20 d’abstraction. Pour amateurs de cinéma contemplatif exclusivement.
Synopsis : Gerardo rencontre Jonas et les deux garçons tombent amoureux. Ils ne se quittent plus, ne peuvent plus se passer l’un de l’autre, se touchant sans cesse, s’aimant sans cesse. Mais, pendant une nuit fatidique en discothèque, le lien entre eux est déchiré par le baiser occasionnel échangé entre Jonas et un étranger.
Dès lors, Jonas ne cesse de s’imaginer dans les bras de cet étranger et rejette Gerardo.
Frustré et tourmenté, celui-ci cherche le réconfort dans des rapports anonymes et remarque, pour la première fois, Sergio, un garçon qui le couve des yeux depuis le début de sa relation avec Gerardo…
Critique : El cielo dividido est un envoûtant exercice de style long de deux heures vingt. Une durée à priori excessive pour une œuvre quasi muette où les rares dialogues et les commentaires spartiates du narrateur retentissent comme des résonances lointaines dans un univers nocturne en suspens où tout n’est que fuite et errance.
Dans un style visuel géométrique, d’une beauté et d’une grâce enivrantes, le cinéaste explore la passion adolescente dans ses moindres retranchements. Le coup de foudre, l’extase sexuelle, la jalousie, le mal d’amour qui ronge, la frustration…
El cielo dividido, une expérience contemplative passionnée
Tout est traité avec subtilité et grâce à travers l’émotion expressive des visages des deux ados isolés dans un monde parallèle où plus rien ni personne ne semble avoir sa place. Les amoureux transis, jusque dans leurs hésitations et déceptions, semblent seuls sur Terre, si bien que leur homosexualité exaltée, affichée à la vue de tous, ne provoque aucune réaction dans leur entourage.
El cielo dividido n’est en rien une énième variation naïve sur les amours adolescentes homosexuelles pour vieux messieurs libidineux, mais bel et bien une réflexion universelle sur le premier coup de foudre, celui, magnifique, qui détermine l’individu dans ses futures relations à l’autre, nourri à la passion et aux pincements de la déception.
Cette passion si forte isole douloureusement les deux garçons ; elle contient intrinsèquement les gènes de sa propre destruction. D’où peut-être le souffle morbide qui parcourt le métrage et esquive toute complaisance romantique. Chaque personnage poursuit une aventure intérieure impalpable et irréelle qui lui échappe. Il erre dans les limbes de l’amour, vit une expérience sensorielle et intellectuelle, qui le singularise plus qu’elle ne le rapproche de l’autre y compris dans les moments de communion présentés ici de manière charnelle et fusionnelle, mais toujours avec pudeur.
Loin de tout racolage, El cielo dividido échappe ainsi aux préceptes de la comédie romantique et du film gay traditionnel. Envoûtant et captivant, il pose ses propres règles avec une intransigeance radicale et convie le spectateur à une fuite hors du temps et de sa réalité vers une osmose des sentiments à la fois jouissive et douloureuse dont on ressort le cœur plus lourd que léger.