Film d’horreur métaphorique, Egō est une première œuvre étonnante réservée aux amateurs d’étrangeté cinématographique. Si le script manque de finesse, l’ensemble est suffisamment audacieux pour marquer durablement le spectateur.
Synopsis : Tinja a 12 ans. Sa mère la pousse à faire de la gymnastique, exerçant sur elle un perfectionnisme malsain. Une nuit, la petite fille va faire la découverte d’un œuf bien étrange, qu’elle va cacher, puis couver. Jusqu’à l’éclosion d’une inquiétante créature…
Egō, ou quand l’œuf fait tout un plat
Critique : Réalisatrice finlandaise qui s’est distinguée dans le court-métrage, Hanna Bergholm a attiré l’attention des critiques grâce à sa première incursion dans l’horreur avec le court Puppet Master en 2018. A cette occasion, elle rencontre le scénariste Ilja Rautsi qui lui soumet une idée originale : l’histoire d’un jeune garçon qui couverait l’œuf de son double. A partir de là, Hanna Bergholm se dit intéressée pour peu que le sexe du héros change. Ensemble, les deux complices ont donc mené à bien un scénario très particulier racontant les relations tendues entretenues par une mère et sa fille en pleine puberté. L’élément d’étrangeté intervient lorsque la gamine décide de couver un œuf qui va éclore et laisser s’échapper une bien étrange créature.
© 2022 Silva Mysterium Oy – Hobab – Umedia – Film i Väst / Photo : The Jokers. Tous droits réservés.
Ainsi est donc née l’intrigue tordue d’Egō, le tout premier long-métrage d’une réalisatrice qu’il va falloir suivre de très près tant son univers apparaît comme franchement barré. Cela commence de manière assez caricaturale par la description d’une famille finlandaise « idéale ». On se croirait invités dans une maison de poupées où tout n’est que bonheur, sourires radieux et couleurs acidulées. L’esthétique volontairement kitsch rappelle les décors volontairement colorés vus chez le John Waters de Serial Mother (1994).
Dans les affres de la puberté et de l’anorexie
Bien évidemment, derrière cette façade trop belle – et par ailleurs insupportable de perfection – vont se nicher des failles béantes qui vont craqueler en même temps que l’œuf couvé par la jeune fille. La métaphore de la puberté est volontairement étalée aux yeux de tous et nous assistons donc à la naissance progressive d’un autre être qui s’individualise par rapport à ses géniteurs.
Toutefois, cette métamorphose tout à fait naturelle se transforme ici en un long chemin de croix marqué par des doutes, des peurs et surtout des désordres physiques. Une fois que la créature sort de l’œuf, il faut notamment la nourrir avec des aliments régurgités. Là encore, la métaphore de l’anorexie est convoquée avec plus ou moins de subtilité. Alors que le spectateur est au départ effrayé par la créature issue de l’œuf, son regard évolue peu à peu et la mère devient en réalité l’antagoniste principal d’une œuvre où l’affrontement a lieu entre une matriarche étouffante et une jeune fille en demande d’émancipation.
Le matriarcat comme vecteur d’oppression
Par le recours à des effets spéciaux mécaniques très réussis – la créature est d’un beau réalisme – et à des séquences chocs vaguement dégoutantes – il y a beaucoup de fluides dans le film – Egō s’impose comme une première œuvre étonnante dont on a du mal à prévoir les développements narratifs. Une qualité qui est sans doute minorée par le recours à des métaphores sans doute un peu trop lisibles et explicites. Toutefois, on ne peut qu’être emballé par une esthétique très travaillée, ainsi que l’emploi d’une musique synthétique aussi planante qu’inquiétante.
Enfin, Egō ne serait pas aussi réussi sans la prestation remarquable de la jeune Siiri Solalinna qui endosse un double rôle particulièrement ardu pour son âge. Elle est crédible dans toutes les situations, y compris les plus borderline. Face à elle, Sophia Heikkilä en fait des tonnes en mère obséquieuse qui ne cesse de surjouer le bonheur, tout en imposant une discipline quasi dictatoriale à son entourage. L’occasion au passage de rappeler que le matriarcat n’est rien d’autre qu’une forme de domination qui n’a parfois rien à envier à son versant masculin.
Un inédit vidéo à découvrir
Présenté dans des festivals du monde entier, Egō a fait le bonheur des amateurs d’étrange au dernier festival de Gérardmer où le métrage est reparti avec le Grand Prix et celui du jury jeunes. Acheté en France par le distributeur The Jokers, le film d’horreur n’a pourtant pas eu les honneurs d’une sortie en salles et a donc été proposé en VOD, mais aussi dans une édition vidéo DVD et blu-ray. Il s’agit assurément d’une belle bête de festival qui mérite le détour, et ceci malgré les quelques défauts inhérents aux premiers films.
Critique de Virgile Dumez
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