L’équipe de La chasse revient avec Drunk, une comédie dramatique enthousiasmante qui célèbre avant tout la vie, sous tous ses aspects, sans jamais se faire moralisatrice.
Synopsis : Quatre amis décident de mettre en pratique la théorie d’un psychologue norvégien selon laquelle l’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Avec une rigueur scientifique, chacun relève le défi en espérant tous que leur vie n’en sera que meilleure ! Si dans un premier temps les résultats sont encourageants, la situation devient rapidement hors de contrôle.
Profs au bout du rouleau
Critique : Ecrit en collaboration avec le cinéaste Tobias Lindholm, comme la plupart de ses films des années 2010, Drunk confirme une fois de plus le retour en grâce de Thomas Vinterberg après une décennie 2000 faite d’errances peu convaincantes. Après un détour par la grosse production européenne Kursk (2018) qui fut un gros échec commercial malgré d’évidentes qualités, le réalisateur de Festen (1998) retrouve Mads Mikkelsen qu’il avait déjà dirigé dans l’excellent La chasse (2012). D’ailleurs, la star n’est pas le seul à revenir puisque l’ensemble du casting était déjà présent dans ce drame terrible sur les dommages collatéraux de la rumeur.
Leur nouvel effort en commun débute de manière un peu plus légère, avec un postulat de départ de comédie. Des profs désabusés se lancent ainsi un défi : suivre les préceptes d’un psychologue norvégien qui préconise d’ingurgiter une dose quotidienne d’alcool (0,5 gramme par litre de sang) afin de libérer le potentiel de chaque individu.
La crise de la cinquantaine noyée dans l’alcool
Confrontés à la crise de la cinquantaine, ces quatre copains éprouvent tous un sentiment d’inutilité de leur existence. Non seulement leurs relations avec leurs élèves sont au point mort, et leurs cours inintéressants, mais ce sentiment de médiocrité se retrouve également dans leur foyer où ils sont soit célibataires, soit débordés par une vie de famille noyée par les tâches quotidiennes. Le personnage de Mads Mikkelsen est clairement celui qui frôle la dépression lors des scènes inaugurales, plutôt sombres.
Lorsque le quatuor commence à consommer régulièrement de l’alcool, Drunk prend les atours d’une comédie grisante. Débarrassés de leurs appréhensions, les quatre amis parviennent enfin à se réaliser pleinement, à retrouver confiance en leurs capacités et à reconquérir un semblant de dignité.
C’est bien entendu la partie du long-métrage qui fera assurément polémique puisque l’on a parfois le sentiment que Vinterberg se lance dans une apologie de la consommation d’alcool. En réalité, cela alimente surtout les séquences les plus revigorantes du film et, il faut bien l’avouer, les plus drôles.
Et si l’on pouvait voir le bout du tunnel ?
Bien entendu, l’effet euphorisant du breuvage a sans nul doute quelque vertu, mais il contient en germe le risque de l’accoutumance et de l’alcoolisme, ce que l’étude du psychologue norvégien ne prévoyait pas. A vouloir toujours repousser les limites, les quatre compères finissent par glisser vers une consommation excessive qui va ruiner petit à petit tous leurs efforts. La deuxième partie du film est donc consacrée à la descente aux enfers de personnages qui finissent par perdre pied, et ceci jusqu’à la tragédie finale.
En réalité, Drunk s’attache surtout à suivre l’évolution de personnages qui ne vont pas bien et doivent apprendre à bousculer leur existence pour enfin trouver la lumière. L’alcool n’est donc pas tant une solution qu’un révélateur des carences psychologiques de personnages dépressifs. Malgré une tendance à sonder la noirceur des êtres, Drunk parvient à s’extirper in fine du pathos qui le guettait par une séquence finale qui appelle le spectateur à embrasser la vie et à se réaliser soi-même.
Drunk séduit, entre comédie revigorante et drame intime poignant
Réalisé avec talent et efficacité, Drunk s’appuie surtout sur des prestations d’acteurs tous formidables. A la tête du casting, Mads Mikkelsen parvient à émouvoir et laisse percer tout le désespoir de son personnage à travers de simples regards. On aime toujours également Thomas Bo Larsen (Festen) qui écope du rôle le plus pathétique. Enfin, les copains incarnés par Magnus Millang et Lars Ranthe complètent le casting de manière brillante.
Privé de Festival de Cannes à cause de la crise du Covid-19, Drunk semble faire un joli démarrage en salles en France en ce mois d’octobre. Cette comédie dramatique alternant sans cesse moments grisants et drame poignant le mérite amplement.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 14 octobre 2020
Les sorties de la semaine du 19 mai 2021 (reprise)
Le film sur le site du distributeur
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