Dounia et la princesse d’Alep est un bijou de poésie qui relate la douleur de l’exil à travers le regard d’une enfant.
Synopsis : Dounia a 6 ans, elle quitte Alep avec quelques graines de nigelle au creux de la main et avec l’aide de la princesse d’Alep, Dounia fait le voyage vers un nouveau monde…
Critique : Munie de son talent de dessinatrice et pétrie des contes et légendes de la Syrie, son pays d’origine, la réalisatrice Marya Zarif réussit le tour de force de raconter le conflit syrien et le déracinement avec légèreté.
Dounia et la princesse d’Alep ou comment (bien) évoquer le récit syrien à la jeunesse
Dans cette région prospère et luxuriante d’Alep, naît par un beau jour de printemps une petite fille prénommée Dounia (le monde en langue arabe). Elle fait le bonheur de ses parents et de ses grands-parents ainsi que celui de leurs amis et voisins. Il semblerait bien que toutes les planètes soient alignées pour lui construire une vie de bonheur. Hélas, les aléas de l’histoire et la folie de quelque dictateur sanguinaire en décideront autrement. Très vite, sa mère meurt d’un mal inconnu. Quelques temps plus tard, son père arbitrairement désigné ennemi du régime, est emmené par la police dans un lieu tenu secret.
C’est donc entre un grand-père tout empreint d’une sagesse rassurante et une grand-mère généreuse, passionnée de cuisine qu’elle poursuit sa vie, choyée bien à l’abri dans une maison somptueuse, entourée d’orangers et de fleurs. Mais 6 ans plus tard, le bruit des armes vient troubler cette douce quiétude. Quand une bombe anéantit leur quartier, Téta, Jeddo, Dounia, tout comme leurs voisins n’ont d’autre choix que de quitter leur terre bien-aimée pour tenter de recommencer une nouvelle vie ailleurs.
Ne minimisant rien de la tristesse du départ, ni des difficultés d’un voyage peuplé de passeurs peu scrupuleux et de dangers maritimes, l’histoire aborde les thèmes de l’entraide, du courage et de la force de la famille.
Une œuvre aux thèmes fondateurs forts et universels
Elevée dans la double culture orient/occident, la cinéaste s’imprègne des influences qui l’ont construite pour bâtir un conte à hauteur d’enfants entre mythologie et spiritualité, tandis qu’une animation colorée donne vie à des personnages gais et pittoresques. Ainsi entourée de femmes déterminées et altruistes et d’hommes débonnaires et sages, Dounia parvient à conserver sa fraîcheur enfantine et sa foi en l’avenir. Des passages oniriques perpétuent la mémoire de ses parents. Les apparitions successives de la princesse d’Alep confirment que la magie est bien là, destinée à lui communiquer la force d’affronter tous les obstacles. Enfin l’optimisme inaltérable de son grand-père Jeddo qui lui enseigne que « nous sommes tous des oiseaux et que le ciel est le même pour tout le monde » couplé au pouvoir féerique des graines de baraké de sa grand-mère Téta. Autant de facteurs judicieusement parsemés tout au long du récit et suffisamment convaincants pour éloigner le spectre de l’horreur et semer dans le cœur de la jeune Dounia espoir et magnanimité.
Fresque émouvante, portant haut et fort le pouvoir du rêve et de l’art comme contre poison à l’infamie, Dounia et la princesse d’Alep se fait le messager universel de tous ces exilés jetés sur les routes, ici ou ailleurs.
Critique de Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 1er février 2023
Mots clés :
Les drames du monde arabe, La guerre en Syrie, Les relations mère-fille, Cinéma québecois, Films sur les migrants