Sorti clandestinement dans les salles art et essai, en 2009, Donne-moi la main est un road-movie étrange et lancinant, porté par la lenteur de ses pas et la beauté visuelle de son regard. A découvrir.
Synopsis : Antoine et Quentin, frères jumeaux de 18 ans, décident, à l’insu de leur père, de se rendre à pied en Espagne afin d’assister aux funérailles de leur mère qu’ils ont peu connue. La route va mettre à nu leurs différences de manière insoupçonnée.
Désir de bohème
Critique : Pascal-Alex Vincent, artiste connu pour sa passion pour le cinéma japonais qu’il enseigne, signe en 2008, avec Donne-moi la main, un premier long-métrage empreint d’un style personnel évocateur, quelque part entre la beauté hypnotique et lancinante d’un film de Gus Van Sant et la poésie naturelle du cinéma d’André Téchiné. Cette œuvre au ton singulier, évanescente comme l’innocence de la jeunesse qui se perd au fil des actes et des rencontres, permet à deux jumeaux de 18 ans, sans le sou, assoiffés de vie et surtout de différences, d’entreprendre un voyage sur fond de système D (marche à pied, autostop…). Le désir de bohème en tête, ils s’en vont en Espagne assister à l’enterrement de leur mère, cette femme presque inconnue dont la disparition symbolique servira de jalon inévitable au lancement de leur nouvelle vie d’adulte.
Incarnés par les charismatiques Alexandre et Victor Carril, les deux frères se fondent dans une nature accueillante, à la fois source de travail agricole, de rencontres charnelles, d’inspiration artistique (les dessins qu’ils griffonnent sur leur route) et surtout matrice bienveillante qui les chérit en son sein. Sur leur route, la confusion des genres et les attirances antagonistes vont sceller leur différence pour les inscrire dans une individualité, a priori destructrice (l’homosexualité révélée de l’un est un temps rejetée par l’autre), puis salvatrice afin d’éviter l’étouffement et le repli malsain sur eux-mêmes (les plans poétiquement composés des corps et des visages géométriques des deux garçons installent une ambiguïté homo-érotique taboue de par leur lien du sang).
Donne-moi la main, de l’ombre à la lumière
Donne-moi la main est au final une œuvre de l’étrange, dont il émane une lenteur atmosphérique (très beau score planant du groupe allemand Tarwater). Marquée par une jolie introduction animée (le cinéaste a déjà réalisé auparavant un court animé) et ponctuée d’apparitions irréelles (l’Allemande insolite que l’un des jumeaux rencontre, qui le mène à son chalet pour profiter de son corps), cette petite réussite au Scope parfaitement employé, malgré ses défauts de budget et la faiblesse relative de son interprétation, charme, indéniablement, et révélait en son temps un jeune cinéaste à suivre, dont, dix ans plus tard, il nous tarde toujours de découvrir le nouveau long.
Celui qui fut l’un des premiers à employer Anaïs Demoustier et qui a longtemps travaillé pour des éditeurs vidéo, voit désormais son œuvre de nouveau accessible grâce à la plateforme Mubi. Qui a dit que si c’est pas beau la vie, il y a Mubi, hein?
Sorties de la semaine du 18 février 2009