Benni : la critique du film (2020)

Drame | 1h58min
Note de la rédaction :
8/10
8
Affiche instragram Benni de Nora Fingscheidt

  • Réalisateur : Nora Fingscheidt
  • Acteurs : Helena Zengel, Albrecht Schuch
  • Date de sortie: 22 Juin 2020
  • Nationalité : Allemand
  • Titre original : System Sprenger
  • Scénariste : Nora Fingscheidt
  • Sociétés de production : Kineo Filmproduktion, Weydemann Bros, Oma Inge Film, ZDF / Das Kleine Fernsehspiel
  • Distributeur : Ad Vitam
  • Editeur vidéo : Ad Vitam
  • Date de sortie vidéo : A suivre
  • Box-office France / P.P.: 55 449 entrées / 14 228 entrées
  • Classification : Tous publics, avec avertissement : "Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs."
  • Récompenses : European Film Award de la Meilleure musique : John Gütler ; Prix Alfred-Bauer Berlinale 2019 pour Nora Fingscheidt , Meilleur Premier Film Berlin 2019, Prix du Public; Festival des Arcs 2019
Note des spectateurs :

Benni est un premier film fort, sans concessions, qui met en valeur, à travers un personnage superbement interprété, les failles de notre système éducatif et social. Ce n’est pas confortable, mais passionnant.

Synopsis : Benni a neuf ans. Négligée par sa mère, elle est enfermée depuis sa petite enfance dans une violence qu’elle n’arrive plus à contenir. Prise en charge par les services sociaux, elle n’aspire pourtant qu’à être protégée et retrouver l’amour maternel qui lui manque tant. De foyer en foyer, son assistante sociale et Micha, un éducateur, tenteront tout pour calmer ses blessures et l’aider à trouver une place dans le monde.

Benni est un premier film déchirant, profondément humain

Critique : Même si c’est rarement explicité par quelques dialogues récurrents, Benni comporte dans sa narration une mise en question d’un système éducatif et social qui ne peut prendre en compte un enfant aussi difficile que la petite héroïne du film. Benni ne supporte pas la frustration, elle est violente, parfois incontrôlable, imprévisible, mais reste une petite fille, capable d’élans de tendresse, aimant sa mère, et que la société ballotte de foyer en foyer, d’assistant en éducateur. L’un des mérites du métrage est de ne pas en faire un plaidoyer balourd, et même de donner sa chance à presque tous les personnages : ainsi la mère, défaillante, touche quand elle avoue avoir peur de Benni. On sent à la fois la bonne volonté des adultes et leur désarroi : la douce Madame Bafané s’effondre quand elle échoue à convaincre la mère ; Micha, l’assistant de vie scolaire, veut la chasser quand elle vient chez lui, et les autres oscillent entre des attitudes d’accueil ou de lassitude, voire de colère. Bref, Benni est un film profondément humain, parfois déchirant, et qui trouve la bonne distance pour traiter pareil sujet.

Pour un premier film, la réalisatrice n’a pas choisi la facilité : elle sait capter d’une caméra agile les moindres expressions de ses personnages, et par moments filmer l’indicible, ce qui se joue au-delà des mots. On regrettera d’autant plus quelques afféteries, et notamment des plans rouges ou volontairement confus, pour ne rien dire de la fin assez chichiteuse. Ces quelques séquences qui jurent avec un style cohérent à défaut d’être original assombrissent à peine l’ensemble, mais ils détonnent suffisamment pour être notables.

Lisa Hagmeister dans Benni

Lisa Hagmeister (Bianca Klaas), Helena Zengel (Benni) – © Kineo Filmproduktion, Weydemann Bros, Ad Vitam

On sera en revanche sans réserves sur l’interprétation : faire jouer des scènes aussi dures à une petite fille relève de la gageure et ne cesse de fasciner ; qu’elle interprète une colère irrépressible ou un ange endormi, l’apprentie comédienne est impressionnante de bout en bout. Certes, les autres acteurs sont au diapason, mais elle a sans conteste le rôle le plus difficile. Tous s’ingénient à jouer en finesse, sans caricature, des personnages écrits tout en nuances.

Pour l’essentiel, Benni est constitué de courtes séquences rythmées par un montage heurté, qui joue sur les oppositions de ton, elles-mêmes en accord avec les changements du personnage. On y trouve des passages magnifiques, comme la découverte de la nature quand Micha emmène sa protégée dans une cabane au confort sommaire : la scène de l’écho en particulier bouleverse par sa simplicité. De même les irruptions brusques de la violence s’avèrent bien menées, sans complaisance ni affaiblissements hypocrites. Là encore, le ton est juste, la mise en scène précise.

Albrecht Schuch dans Benni (photo)

© Kineo Filmproduktion, Weydemann Bros, Ad Vitam

On gardera en tête cette extraordinaire petite fille et les aléas dramatiques de sa vie. Néanmoins, le métrage ne laisse pas d’interroger sur l’un des points aveugles de nos sociétés (le film est allemand, mais il s’applique parfaitement à d’autres pays dont la France) : entre foyers qui refusent de l’intégrer, manque de places et de structures, Benni est l’une des sacrifiées de notre monde. Plus originale, la question de la distance entre éducateur et enfant trouve ici une belle illustration : Micha veut arrêter de s’occuper d’elle quand il se rend compte qu’il s’implique trop, les responsables veulent la changer d’établissement parce qu’elle s’y est habituée… Au fond, à l’inadaptation de Benni répond celle du système. Qu’on n’imagine pas une condamnation lourde et appuyée, le film se contente de dérouler son histoire et le questionnement apparaît de lui-même.

Helena Zengel dans Benni

© Kineo Filmproduktion, Weydemann Bros, Ad Vitam

On regarde ce film la gorge serrée : les moments d’émotion, de révolte et d’angoisse s’enchaînent sans discontinuer et, pour une fois, il nous semble que les deux heures sont justifiées. Alors on passera sur quelques détails déplaisants pour voir ce film intègre, dur, qui ne ménage pas son spectateur mais ne saurait le laisser indifférent.

François Bonini

Sorties du 22 juin 2020 (réouverture des cinémas suite à la crise du COVID-19)

Affiche de Bennu de Nora Fingscheidt

© Kineo Filmproduktion, Weydemann Bros, Ad Vitam

 

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Affiche instragram Benni de Nora Fingscheidt

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