Thriller très rare, And Soon the Darkness vous fera découvrir une campagne française anxiogène comme vous ne l’avez jamais vue. Une curiosité à déguster sans modération.

Synopsis : Cathy et Jane, deux infirmières britanniques en vacances en France, décident de faire une balade à vélo dans la campagne. Un jour, dans un café, l’une d’elles fait la connaissance d’un homme. Peu après les deux amies se disputent et se séparent. Quand Jane revient dans le village pour retrouver Cathy, celle-ci a disparu. Jane va essayer de la retrouver, d’autant plus qu’il y aurait eu des disparitions similaires auparavant…

Un thriller étrange qui suscite le malaise

Critique : A la fin des années 60, le décorateur et réalisateur Robert Fuest est engagé pour tourner quelques épisodes de la septième saison de la série culte Chapeau melon et bottes de cuir. A cette occasion, il collabore avec les scénaristes Brian Clemens et Terry Nation, avec qui l’entente est immédiate. Effectivement, les trois larrons possèdent le même goût pour des atmosphères étranges et décalées.

© 1970 StudioCanal / Conception graphique : © 2020 Illustration de Vladimir Thoret. Tous droits réservés.

Ils décident donc de se retrouver pour mettre sur pied un film de cinéma intitulé And Soon the Darkness (1970). Il s’agit pour eux de créer un thriller à l’atmosphère étouffante qui se situerait au cœur d’une campagne française inquiétante. Inspiré très librement par plusieurs affaires criminelles qui ont touché des compatriotes britanniques en France (on songe aux affaires Dominici ou Robert Avril), le script nous conte les mésaventures de deux infirmières britanniques en vadrouille sur les routes françaises. Après la mystérieuse disparition de l’une d’entre elles, la seconde mène son enquête, avant d’être prise en chasse par le meurtrier.

La campagne française, cet autre territoire redneck

Ce qui frappe immédiatement dans ce long-métrage, c’est la capacité de Robert Fuest à créer une atmosphère étouffante et anxiogène à partir de quelques éléments en apparence anodins. Tout d’abord, malgré son titre qui promet les ténèbres, l’intégralité du long-métrage se déroule en plein jour et sous un soleil de plomb. Pour autant, le cinéaste parvient rapidement à instaurer un climat d’angoisse, lié à la présence d’autochtones bien étranges. On aura rarement vu la campagne française sous cet angle terrifiant qui fait passer notre terroir pour un territoire redneck. Seul Canicule (Boisset, 1984) empruntera cette même direction bien des années plus tard, sans grande réussite d’ailleurs.

Plongée au cœur d’un terroir français définitivement hostile, la pauvre touriste anglaise doit non seulement affronter un terrible meurtrier dont elle ignore l’identité, mais elle est aussi confrontée à la méfiance des habitants du cru. Robert Fuest s’amuse d’ailleurs à faire de chaque protagoniste un coupable potentiel, ce qui renforce la paranoïa du personnage féminin, ainsi que celle du spectateur. Le réalisateur parvient notamment à nous faire douter à de multiples reprises de la bonne foi de l’enquêteur incarné avec malice par Sandor Elès. Son comportement parfois mystérieux et son allure générale n’inspirent clairement pas confiance.

La route qui mène au cauchemar

D’ailleurs, les auteurs semblent faire de cette campagne française un lieu clos sur lui-même, duquel on ne peut s’échapper. Cela explique certains piétinements de l’intrigue et les allers et venues de la jeune femme qui paraît prisonnière d’un destin qui lui colle aux basques.

Robert Fuest maîtrise parfaitement ici l’art de suggérer la terreur par des cadrages inhabituels, la présence d’éléments incongrus dans le cadre et par des petits décalages quasiment imperceptibles, mais qui déstabilisent le spectateur. Il se sert judicieusement d’une musique vaguement angoissante et propose une vision tellement décalée de notre pays que cela ne peut qu’éveiller notre intérêt.

Une rareté qui ne débarque en France qu’en 2020

Porté par une bonne interprétation de la jeune Pamela Franklin – déjà excellente dans les films de Jack Clayton Les innocents et Chaque soir à neuf heures – et par l’apparition de notre Jean Carmet national en patron de bistrot, And Soon the Darkness, malgré une coproduction avec la France, n’a jamais réussi à franchir la Manche.

Absent des écrans dans les années 70, le long-métrage n’a même jamais été exploité en VHS chez nous alors qu’il jouit d’une excellente réputation dans son pays d’origine. Cette terrible injustice vient d’être réparée par StudioCanal et Jean-Baptiste Thoret qui l’a inclus dans sa collection DVD / Blu-ray Make My Day. Il était enfin temps de constater que Robert Fuest n’était pas l’homme d’un seul film (le génial Abominable Dr. Phibes avec Vincent Price), mais bien un cinéaste intéressant dont une partie de la filmographie reste à découvrir.

Le saviez-vous ? Il existe un remake américain éponyme de 2010 tourné par Marcos Efron avec Amber Heard et Karl Urban dont l’action n’est plus située en France, mais en Argentine.

Critique de Virgile Dumez

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