Dossier Madonna. A l’occasion des 40 ans de carrière de Madonna – son premier single historique, Everybody, est paru en 1982, nous analyserons la discographie complète de la star. Commençons avec une analyse des tops flops de tous les singles de Louise Veronica Ciccone, en France. Préparez-vous à être époustouflés, car on n’est pas là pour vous parler de Mariah Carey…
– Crédits photo banner : Madonna, promo GHV2 © 2001 Warner Bros Records –
Oubliez les singles Everybody, Lucky Star, Holiday ou Borderline, Madonna est arrivée sur le marché du top 50 français sur le tard, par rapport aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, en fait au tout début du lancement du sacrosaint classement des ventes officielles présenté sur Europe 1 et Canal+.
Like a Virgin a réalisé sa carrière au tout début du Top 50. Le tube au classement forcément tronqué est resté 13 semaines et a atteint la 8e place.
Chez nos voisins d’outre-Manche, la future diva des charts avait déjà classé dans la première partie de l’année, en 1984, Holiday en 2e place, Lucky Star en 14e place, et Borderline en 2e position. Like a Virgin ne faisait qu’appuyer un phénomène naissant chez les British qui allaient l’ériger en phénomène de société. Avec Borderline en juin 1984, la jeune chanteuse s’offrait le premier de ses 34 top 10 consécutifs en 10 ans, et ce, sans aucun duo, featuring. Le système d’époque reposait exclusivement sur les ventes de disques et non sur les écoutes en streaming, les diffusions radio. Pour être classés, les artistes devaient compter sur des fans qui devaient monnayer leur fidélité.
La déception Material Girl est française
En 1985, le single Material Girl, numéro 1 aux USA et 3e en Angleterre, ne bénéficie pas d’un écho favorable sur la France. Malgré un clip en rotation, la chanson culte échoue en 47e place pour une seule semaine de classement. Une déception, après le succès de Like a Virgin, mais le morceau restera parmi les titres culte de l’artiste qui l’inclura dans sa compilation The Immaculate Collection (1990). Grâce notamment à l’insert du titre dans un épisode de Stranger Things, sur Netflix, le morceau aura la vie longue, réorchestrée en concert, et réussit à être l’un des titres les plus streamés pour l’artiste considérée en 2022, comme une chanteuse vintage, dite de catalogue.
Into the Groove sera heureusement un plus gros succès pour la star. C’est l’une des entrées les plus fortes de l’année (directement en 6e place du top 50). Le titre est propulsé par les radios, les discothèques, et le succès sur la durée du film Recherche Susan désespérément qui flirte avec les deux millions de spectateurs. L’album Like a Virgin connaît une nouvelle impression incluant le morceau de la B.O. pour en relancer les ventes. Le look de la chanteuse est plus que jamais vendu comme sa griffe, celle d’une punk rebelle indépendante, à la sexualité affranchie des diktats patriarcaux de la religion. Le blasphème restera la force de la chanteuse, à une époque, les années 80, où la jeunesse renie la religion de papa et maman.
Curieusement, aux USA, Into the Groove ne sera qu’une face B, celle d’Angel. Les Britanniques eux, consommeront du Madonna à la chaîne en 1985, avec 6 singles en un an, dont Into the Groove en juillet et Angel en septembre. Les Français passeront évidemment à côté d’Angel, titre agréable, mais faible par rapport aux succès parallèles de la chanteuse devenue actrice.
La parenthèse CBS : Vision Quest
En France, on ne découvre Crazy For You qu’une petite semaine. La chanson du film Vision Quest, parue chez CBS et non Warner Bros, est l’une des plus grosses ventes de singles de l’année au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, mais le reste du monde en sera moins friands. Il s’agissait surtout de ne pas faire de l’ombre à Into the Groove dont la carrière monumentale (Top 10 sur tous les gros marchés) allait toutefois connaître la concurrence de Dress You Up durant l’hiver 85 (18e en France) et Gambler, l’autre single CBS extrait du film Vision Quest, avec Matthew Modine, morceau de rock FM puissant que les Américains ne connaîtront pas en 45 tours, contrairement à la France, où la star omniprésente lui permettra de grimper jusqu’à la 33e position. Depuis, ce morceau comptera parmi les grands oubliés de l’artiste qui ne le compte pas dans ses best-of et Greatest Hits, et peine à vouloir la chanter sur scène.
Si dans les années 2022, un artiste peut voir l’intégralité des titres d’un nouvel album être streamés et donc entrer dans le top 20 d’iTunes ou Spotify la même semaine, dans les années 80, avoir deux chansons se partageant le classement relevait d’un signe de longévité et de puissance ; en avoir trois simultanément, relevait du phénomène. Avec son armada de singles, durant l’automne et l’hiver 1985-86, la chanteuse parviendra à être sur tous les fronts, alors qu’en arrière-plan, elle enregistrait son 3e album, True Blue, préparait un changement de look pour la promo de celui-ci, et surtout tournait un second long métrage produit par George Harrison des Beatles, Shanghai Surprise.
Madonna superstar
En 1986 Madonna effectue un virage à 90°. Exit les crucifix et les provocations autour du Christ, la voici glamour en blonde oxydée. Cette transformation physique sera l’une des nombreuses d’une carrière caméléon qui se refusera à la répétition des formules. Se balader d’un album à l’autre de Madonna ne sera jamais comme écouter du Lana Del Rey. L’obligation de renouvellement qu’elle s’est imposée relève d’une exigence que peu d’autres artistes se permettront d’accomplir.
Le single Live to tell marque la mue vers une certaine maturité. Le slow sombre est 6e en France, à une époque où les ballades remportaient de francs succès dans les hit-parades. Numéro 1 aux USA et au Royaume-Uni, le titre planant, d’un sérieux confondant, accompagne la bande-originale du film Comme un chien enragé, de James Foley, qui mettait en scène l’époux de la madone, Sean Penn au cœur d’une sombre histoire familiale. L’acteur rebelle et la diva de la pop rock avait échangé les vœux en août 1985, pour le plus grand plaisir des paparazzi qui feront de la cérémonie de mariage un remake bruyant d’Apocalypse Now. Echec au box-office américain, le thriller At Close Range ne paraîtra sur les écrans français qu’en janvier 1987 et souffrira d’une carrière bien discrète. Carlotta lui permettra de se refaire une santé à la fin des années 2010, avec un collector combo DVD blu-ray magnifique.
Extrait du Top 50 Magazine. Les archives de CinéDweller
Live to tell préfigure fièrement l’album True Blue, le troisième opus de la star qui paraît en fanfare à l’aube de l’été 1986. Des singles monumentaux pour un résultat qualitatif en demi-teinte. Les morceaux non exploités sur le format single sont écrasés par la comparaison avec les 5 tubes de l’album qui excellent. Le succès de True Blue (plus d’un an dans le top 30 français sans interruption) sera nourri par quatre autres singles.
Tout d’abord Papa don’t preach, l’un des succès de l’été 1986, atteint la 3e position où il se reposa pendant quatre semaines. A l’automne True Blue, titre éponyme écrit pour Sean Penn, sera également numéro 1 au Royaume Uni et 6e en France. La chanteuse considère le morceau comme un cadeau offert à son époux et ne l’inclura sur aucun de ses best-of, tendant, avec le temps de faire de ce succès majeur un titre relativement mineur dans sa discographie.
Le 4e single, Open Your Heart cartonne à la première place aux USA, mais en France, malgré le clip polémique de Mondino (un gamin cherche à assister à un spectacle de peep-show pour y voir la Madonna, mi femme mi ado, de ses fantasmes), la carrière du single est courte, avec un pic à la 24e place.
C’est avec La Isla Bonita que Madonna connaît son plus gros triomphe en France : 26 semaines de classement et une première place pendant 3 semaines et même 9 semaines de présence dans le top 3. Le premier numéro 1 de la carrière française de Madonna ne semble pas souffrir d’être le 5e extrait d’un album blockbuster vendu de façon hyperbolique. Cet album vieux d’un an n’a nullement diminué l’impact du titre latino. Curieusement, ce single, encore considéré comme l’un des préférés de la nouvelle génération de ses fans, n’atteindra que la 4e place aux USA. Evidemment, les Britanniques en feront un beau numéro 1.
En mode mainstream
Alors que La Isla Bonita est toujours dans le top 5, Madonna classe Who’s That Girl, titre générique pour un public très large. Probablement le seul morceau de sa carrière façonné pour être un hit facile. Numéro 1 aux USA, au Royaume-Uni et 2e en France, il s’agit de l’une des plus grosses ventes de Madonna, malgré le flop du film en Amérique. Madonna est en pleine tournée mondiale, sa toute première. Les répercussions commerciales sont énormes. La chanteuse n’inclura pas ce tube sur son best, The Immaculate Collection, vouant le morceau à un oubli progressif.
Madonna, qui a désormais 29 ans – ce qui est vieux pour une pop star, la plupart apparaissant aujourd’hui durant leur adolescence -, parle alors aux adolescents, et la maison de disques oriente la promo de la chanteuse vers des thématiques propres à ce bel âge (l’avortement et la sexualité des ados pour Papa don’t Preach). La chanteuse mettra même des enfants au cœur de ses prochains clips (Open Your Heart, Who’s That Girl) et même de sa tournée mondiale, le Who’s That Girl Tour, qui remporte un succès spectaculaire dans le monde, avec 130 000 spectateurs à Sceaux, le 29 août 1987. Un record. Cela sera le seul moment vraiment mainstream de la carrière de la provocatrice qui affolera encore la plateforme Instagram, à l’âge de 63 ans.
Deux autres morceaux furent tirés de la bande-originale de la comédie de James Foley. Causing a Commotion sort aux USA et dans toute l’Europe sauf en France, et The Look of Love qui sortira en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. L’absence de Causing a Commotion, tube dance et top 5 mondial, dans nos contrées, s’explique par la longévité de Who’s That Girl et La Isla Bonita. Quand un tube restait 11 semaines dans les charts britanniques, en France, il fallait compter de 20 à 26 semaines. Warner France préfère compter sur les ventes sur la durée plutôt que de multiplier les singles. Le deuxième single de l’album Like a prayer, Express Yourself, en 1989, connaîtra malheureusement le même sort sur l’Hexagone, même si la chanson est devenue avec le temps un hymne à la tolérance qui sera même plagié par Lady Gaga en 2011, avec l’inaudible Born this way qui brouillera les deux chanteuses.
Le premier album remix de l’histoire
A la fin de l’année 1987, Warner édite le premier album remix de l’histoire, You Can Dance. Un nouveau succès pour l’artiste qui atteint la 2e place des ventes d’album. Un seul single en sera issu, le titre inédit Spotlight qui servira de promotion au Japon. Outre son statut historique de premier album remix, You Can Dance sera l’une des rares occasions où la chanteuse proposera un disque pour les fêtes de Noël, pourtant période la plus favorable pour vendre des albums comme des petits pains.
Madonna, l’Eglise et le Mégamix
En 1989, Madonna change de genre, plus rock, plus authentique, mais toujours sulfureuse. Elle retrouve sa couleur de cheveux d’origine, italo brunette, et choque l’Eglise catholique qui verra en elle une pécheresse à brûler telle une sorcière au XVIIe siècle. La chanson Like a Prayer, premier morceau de l’album, est un triomphe mondial, numéro 1 dans toute l’Europe à l’exception de l’Allemagne et surtout de la France où la chanson sera néanmoins l’une des meilleures ventes avec 417 000 45 tours vendus et une excellente seconde place hexagonale. C’est le Mégamix de Boney M, qui domine les charts français. Le mégamix est une mode qui s’installera quelques années dans les charts locaux (Confetti’s, Technotronic, The Rubettes, Imagination, La Compagnie Créole, Village People, Claude François, Grease, Black Box, Snap, et le lapin pilleur de tubes vintages, Jive Bunny and the Mastermixers). Un phénomène franco-français.
L’album Like a Prayer victime d’une exploitation chaotique
L’album Like a Prayer sera malheureusement mal desservi par ses singles, dans une irrégularité de marché qui rend la promotion bancale. Express Yourself, tube mondial, n’apparaît pas en France en dehors du format maxi 45 tours quand la chanson plus légère Cherish connaît une sortie sur l’ensemble des marchés, avec un score moins concluant (21e en France, mais 2e aux USA et 3e au Royaume-Uni).
Le 4e single sera, en fonction des pays, Oh Father, magnifique ballade déprimante et donc peu valable pour les charts, ou Dear Jessie, comptine à la sauce Beatles avec un clip animé dans lequel la chanteuse n’apparaît pas. En France, Warner opte pour Oh Father, avec une pochette curieuse. Le clip macabre de David Fincher ne rend pas l’exercice plus facile à vendre, bien au contraire. Oh Father concourt peu longtemps dans les charts français et se contente de la 26e place. Aux USA, cela sera le premier morceau de l’artiste depuis Holiday en 1983 à rater le top 10, avec une décevante 20e place. Dear Jessie sera un succès mineur ailleurs, sauf au Royaume-Uni où l’artiste jouit d’une popularité exceptionnelle avec 32 top 10 consécutifs, sans le moindre featuring ou duo, un exploit inconcevable dans les années 2000 ou 2010 où les artistes ne pourront plus carburer qu’aux featuring et aux alliances de communautés de fans pour envisager un succès.
© Les Archives de CinéDweller
Dernier single de l’album Like a prayer à être déployé, Keep it Together est remixé de façon urbaine pour vendre auprès d’un public dans l’air du temps. Les Etats-Unis en feront un top 10, l’Australie un numéro 1, mais en Europe, la chanson considérée comme moins accessible, restera inédite sur les ondes FM. On le trouvera donc en maxi CD ou en maxi 45 tours import dans les Fnac et Virgin Mégastores.
Et Vogue la diva !
En 1990, Madonna figure dans le blockbuster de Warren Beatty, Dick Tracy. Elle enregistre un album inspiré par le film et son personnage Breathless Mahoney. L’album I’m Breathless, et ses sonorités jazz, est encore un beau succès dans les tops mondiaux, grâce à la chanson dance écrite par Shep Pettibone, Vogue. Monstre du dancefloor et tube surdimensionné, la chanson glamour est numéro 1 aux USA, au Royaume-Uni, en Italie, Espagne, Australie… En France, si le morceau ne se hisse qu’en 9e position, ses ventes sont considérables.
Hanky Panky, premier bide de Madonna au top 50
Le deuxième single de l’album, Hanky Panky, sera le premier bide officiel de la madone des charts en France, puisque le 45 tours ne rentrera pas dans le top 50, en raison d’une absence de diffusion sur les ondes peu habituées à ce genre d’excentricité à l’ancienne. Rain, Bedtime Story et Human Nature seront les trois autres singles de la star à ne pas rentrer dans le sacrosaint top 50 durant l’ère des singles physiques. Le rétro Hanky Panky atteindra néanmoins la 10e place aux USA et la seconde au Royaume-Uni.
Même si Now I’m Following You est envisagé pour devenir le 3e single d’I’m Breathless, finalement la maison de disques décidera de laisser quelques mois de répit aux hits parade, avant la sortie de la première compilation de Madonna, le légendaire The Immaculate Collection, curieusement l’une des rares sorties d’album de la star en période de fêtes de Noël. La sélection de singles est monumentale, les ventes aussi et l’album restera classé pendant plusieurs décennies dans les charts, avec 30 millions d’exemplaires vendus, dont plus d’un en France.
The Immaculate Collection : une référence dans le format du Greatest Hits
Pour servir cette sortie ultra travaillée, avec collector, pochette royale… Warner mise sur deux inédits dont l’un, Justify My Love, est co-écrit par Lenny Kravitz. Le clip sulfureux de Mondino est banni de MTV et vendu sur cassette-vidéo. De quoi alimenter une première place américaine conséquente. La France sera moins convaincue (17e), mais en Europe, le titre sera top 5 sur bien des marchés.
Le second inédit, Rescue Me, de nouveau composé par Shep Pettibone, est trop élaboré pour les radios, et sans vidéo promotionnelle pour pousser les ventes, le single se comporte de façon classique : il ne percute pas vraiment dans les charts avec une 9e place aux USA, une 3e place au Royaume-Uni, mais en France, seulement 21e de par chez nous. L’un des singles oubliés de l’icône des années 80.
On notera qu’un EP, The Holiday Collection, sera édité au Royaume-Uni, ainsi que deux singles supplémentaires, une ressortie de Holiday et une autre de Crazy For you. Cela permettra à Holiday de se hisser pour la première fois dans les charts officiels en France. Les Britanniques, toujours fous de Madonna, enverront Crazy For You de nouveau en 2e place, 6 ans après sa sortie originale. On est loin du désaveu français de ce morceau.
La critique de In Bed With Madonna
La révolution sexuelle selon Madonna
En 1992, Madonna prépare sa révolution sexuelle pour septembre et octobre. En attendant, durant l’été, elle propose la bande-originale du succès américain A League of Their Own (Une équipe hors du commun), comédie sportive qui dépasse les 100M$ au box-office américain. La chanson This Used to be my Playground a bien du mal à s’envoler en France, en raison d’un manque d’appétence des radios qui commenceront à la diffuser sur le tard, mais aux USA le triomphe est total, puisque l’élégie musicale se prélasse en première position. La France classe la B.O. en 7e place, le Royaume-Uni sur la 3e marche. Cela sera le dernier succès mondial de Madonna avant plusieurs années, puisqu’elle va braquer, dès le mois d’octobre, les ondes FM qui ne veulent pas promouvoir un album sexué comme Erotica, de surcroît complexe et peu commercial.
Axé sur la thématique du porno soft, Erotica l’album n’est qu’une pièce du puzzle exhibitionniste qu’ambitionne de livrer la star au public. Le livre Sex, porno soft inimaginable pour une personnalité de son calibre, connaît un buzz inimaginable et vend tous ses exemplaires en quelques heures malgré un prix élevé, mais au prix d’un boycott des ondes américaines. En 1993, le thriller érotique Body of Evidence avec Julianne Moore, sera lui un échec mérité. Le sous Basic Instinct barbe des spectateurs venus chercher l’excitation des corps.
Des flops en pagaille
Erotica compte six singles, mais les ventes sont faibles. Erotica ouvre fort au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, en 3e position, mais en France, le sexe ne paie pas. Le titre tribal susurre en 23e place seulement. Deeper and Deeper, composé pour devenir le Vogue de l’album, vient très vite à la rescousse de son prédécesseur, avec une sortie précipitée moins de deux mois après, mais le titre se positionne en 7e place aux USA et en 6e place en Angleterre quand la maison de disques espérait un tube. En France, le morceau dance déçoit en 17e place. Madonna est visiblement en difficulté. Le titre connaît néanmoins une forte rotation sur M6 et MTV.
Pour Bad Girl, troisième extrait de l’album, les choses s’aggravent. Absolument pas appareillée pour plaire aux exigences rythmiques des radios, la chanson dramatique sur fond d’autodestruction est le premier morceau de Madonna à rater le top 20 aux USA (36e) et au Royaume-Uni la 10e place mettait Madonna à un doigt de mettre un terme au record du plus grand nombre de top 10 consécutifs.
Le morceau Fever est édité sur CD single dans une poignée de pays, comme le Royaume-Uni (6e), mais en France, on ne sortira pas la reprise de Peggy Lee. Le clip est une exclusivité pour MTV. Beau cadeau pour l’Amérique, mais la présence de la chaîne câblée musicale américaine est bien médiocre de par chez nous.
Rain, la magnifique ballade de l’album, a beau coïncider avec le passage du Girlie Show, en France, ses rotations à la radio sont anecdotiques. Madonna n’y a plus sa place. Les radios FM semblent enfin passées à autre chose et sont les seules à décider de ce qui fera ou non les succès de demain. La chanson entre dans de nombreux tops, mais pas en France. Le titre Bye Bye Baby, sixième extrait d’Erotica, sera exploité exclusivement en Allemagne et dans une poignée de marchés secondaires.
La traversée du désert
Pas de répit pour Madonna. En plus de différents film en tant qu’actrice avec la crème des réalisateurs indépendants américains, elle fournit encore de nouveaux titres en 1994. I’ll Remember, extrait de la bande-originale du film With Honors de Alek Keshishian, est offert à celui qui l’avait suivi de sa caméra à l’époque d’In Bed With Madonna. Etrange ballade, I’ll Remember n’est nullement programmée en radio en France où le flop est acté (40e), mais le titre inédit réussit l’exploit d’être numéro 2 aux USA. Probablement son succès le plus improbable au vu de l’insuccès du film à l’arrivée.
Le paradoxe Take a Bow
L’exceptionnel se produit au Royaume-Uni avec le second single, Take a Bow. C’est officiellement le single de la fin d’une litanie record de top 10, puisque le morceau sirupeux écrit par Babyface échoue en 16e place. Aux USA, c’est l’inverse, il s’agit d’un nouveau numéro 1 pour la chanteuse, son premier depuis This Used To Be My Playground en 1992. En France, le succès de Take a Bow ne se répète pas, puisque le titre de RnB échoue en 25e position.
Human Nature, 4e et dernier single, en 1995, est curieusement l’une des chansons culte de Madonna qu’elle réinterprète à chacun de ses concerts. Néanmoins, à sa sortie, ce fut un échec patenté avec une 46e position américaine qui ne correspond pas à son caractère urbain dont l’Amérique du Nord est si friand. Au Royaume-Uni, le titre se vend encore moins que Bedtime Story, malgré une huitième place tout aussi furtive. La France, pourtant amatrice de rap et de RnB, laisse le titre hors du top 50.
Une collection de ballades pour apaiser les esprits
En fin d’année Madonna essaie d’apaiser les esprits. Sa deuxième compilation, Something to Remember, a pour but de mettre ses compositions douces et mélodies exceptionnelles en avant, en écartant les polémiques qui lui ont coûté si cher en 1992-93.
Trois autres singles seront extraits de ce très bel assortiment de slows. L’inédit One More Chance, destiné exclusivement au Royaume-Uni où la durée de vie d’un single est moindre que dans le reste de l’Europe, et où il faut donc multiplier les sorties de CD singles. Le titre très mineur trouve un peu plus de 50 000 acquéreurs sur place, pour une 11e place inévitable. Love don’t live here anymore, reprend le titre de 1984, initialement une reprise figurant sur l’album Like a Virgin, à la sauce RnB. La France accroche un peu (48e). Cette fois-ci ce sont les Anglais qui ne profiteront pas du titre, puisque la maison de disques sortira à la place Oh Father, morceau de 1989 qui n’avait jamais été proposé au format single au Royaume-Uni, contrairement à la France.
Des problèmes de droit empêcheront la sortie du single I Want You, cover de Marvin Gaye produit par Massive Attack. Le clip, en revanche, autorisé à la télévision, sert de promo efficace à la compilation. Un regret, la cover avait tout d’un tube, dans l’esprit trip hop, à la mode en cette fin de décennie.
Don’t Cry For Madonna
1996, Madonna ne prend pas de vacances malgré sa première grossesse. Le film Evita d’Alan Parker est un événement de fin d’année aux USA et au Royaume-Uni, et la bande-originale s’installe dans les hit-parades. L’inédit You Must Love Me, écrite pour le film, n’excite aucune curiosité en préambule de la sortie du film. 18e aux USA, 10e au Royaume-Uni, et seulement 41e en France. Il faut attendre l’hymne Don’t Cry For Me Argentina pour que les affaires reprennent. Le top 10 est général et en France, il faut compter sur un énorme succès, à savoir le second numéro 1 de la carrière de la chanteuse. Même l’Allemagne, moins à l’écoute des singles de la chanteuse, la classe en 2e position, ce qui est symboliquement mieux que la 3e place britannique.
Evita n’est pas approprié pour satisfaire les jeunes oreilles friandes que courtisent les radios, néanmoins Warner sait que les fans de Madonna ont l’achat compulsif. Pour le marché britannique, Another Suitcase in Another Hall fait figure de 3e single officiel en 1997. Buenos Aires est considéré comme 4e titre à lancer sur les ondes. Des remixes sont commandés, mais pour rien, rejoignant ceux de Now I’m Following You dans les limbes.
Madonna, renaissance d’une star
Le revival de la Madonna-mania est au firmament en 1998 avec l’album de la renaissance artistique, Ray of Light. Jamais dans le même style, la femme caméléon, plus sereine grâce à la maternité, dévoile son album le plus abouti, le premier projet studio en quatre ans, hors compilation ou B.O. Cinq singles en seront extraits, dont le tube Frozen. Celui-ci est empêché par le phénomène Titanic et la chanson de Céline Dion My Heart Will Go On, qui est un raz-de-marée commercial. Néanmoins Frozen sera numéro 2 un peu partout, dont aux USA, en France, en Allemagne tout en étant numéro 1 au Royaume-Uni ou en Italie. Un remix officiel avec Sickick deviendra un petit succès viral en 2021-2022, et relancera les streams de la chanson originale que le grand public avait, il est vrai, oublié.
Le single Ray of Light gravite à de belles hauteurs au Royaume Uni (2e), aux USA (5e), en Italie ou en Espagne. La France ne lui proposera qu’une 18e place, mais désormais, tous les singles qui sortiront serviront à promouvoir l’album dans sa stabilité, plus que le format single davantage réservé aux jeunes. Les clips tous réussis de Drowned World/Substitute for love (42e), The Power of Good-bye (21e) et Nothing Really Matters (48e) profiteront de belles rotations pour promouvoir l’album. La crédibilité artistique de Madonna est totale.
Pour finir le siècle, en 1999, Madonna pare le film Austin Powers l’espion qui m’a tiré d’un bon succès musical avec Beautiful Stranger. L’inédit écrit par son complice de Ray of Light William Orbit est 2e outre-Manche, mais seulement 19e aux USA et 17e en France. Des scores satisfaisants néanmoins pour l’artiste quadragénaire toujours sexy et hype, malgré ses 17 ans de carrière.
Madonna et sa French Touch
Les années 2000 marquent une rupture dans la consommation de musique. Exit les singles à l’ancienne, l’heure est désormais au téléchargement illégal (le peer-to-peer) et au milieu des années 2000, Itunes viendra bouleverser la donne, précipitant le format physique à la morgue du coin. Néanmoins, pendant quelques années encore, Madonna va profiter de sa longévité pour arroser les charts, même si l’union avec sa maison de disques, Warner, n’est plus si évidente que cela. Malgré le succès des albums, ceux-ci seront moins exploités, provoquant une baisse des ventes préjudiciables pour les albums Music, Confessions on a Dancefloor ou Hard Candy. Ni Warner ni Madonna ne semblent plus vraiment collaborer sur cet aspect essentiel de la promotion d’un disque au-delà du canonique premier single qui fait toujours des miracles, sauf sur American Life.
Premier single du nouveau millénaire de la diva, voici American Pie. La reprise du standard de Don McLean est aussi issue de la bande originale du film Un couple presque parfait, comédie LGBT avec Rupert Everett. Les deux sont alors inséparables et l’acteur britannique est d’ailleurs présent en renfort dans le vidéo-clip officiel. Le film sera un échec aux USA et fonctionnera plutôt bien en France, mais la chanson, elle, est un carton mondial. Numéro 1 au Royaume-Uni, en Suisse, Espagne, Italie, Allemagne, Canada, Australie… Curieusement, la France reste bloquée en 8e position. Le résultat américain est encore plus décevant (29e). Désormais le Billboard compte les rotations en radio en plus des ventes effectives de galettes physiques. Cela fait du mal à l’artiste qui frôle l’EHPAD, si l’on se réfère à l’âge des artistes à la mode en ce début de siècle (Britney Spears & cie).
American Pie sera également le premier extrait de l’album Music coproduit par le Français Mirwais (ex-Taxi Girl), qui sera mis dans les bacs en septembre 2000. Le lancement est celui d’un blockbuster de la musique, avec, pour aider son envol, le triomphe de la chanson titre éponyme qui sera numéro 1 sur tous les territoires importants sauf la France (8e) et l’Allemagne (2e). Moins portée sur la musique anglophone, l’Hexagone se distingue comme toujours. Pourtant le côté Daft Punk du morceau électro très expérimental, en fait un véritable jalon de la French Touch si tendance.
Le single folk Don’t Tell Me co-écrit par le beau-frère de l’increvable ex vierge des années 80, ne démérite pas, avec une première place au Canada ou en Italie. Les Etats-Unis la placent en 4e place, tout comme le Royaume-Uni. Pour les singles qui suivent, la maison de disques et Madonna s’écharpent. Si What It Feels Like For a Girl fait de son mieux avec deux mixes, dont un trance signé par Above & Beyond, qui illustrera la vidéo féministe et nihiliste signée par le deuxième époux de la Ciccone, le cinéaste de Snatch Guy Ritchie. Le titre, qui démarre par une citation de Charlotte Gainsbourg, n’a pas vraiment de potentiel en qualité de single : 23e aux USA, 7e en Angleterre, 40e en France. Mais beaucoup de pays en feront toutefois un top 10. La promotion de Music s’arrêtera là, malgré le potentiel de l’album. Les différends entre la chanteuse et la maison de disques sur le choix du 5e single (Amazing ou Impressive Instant?) mettent un point final au projet qui avait si bien commencé. On ne pleurera pas pour Madonna qui revient, froide comme la mort, pour la première fois sur scène en 7 ans, avec le Drowned World Tour, tournée qui bat des records d’affluence. Plusieurs générations n’ont jamais vu l’artiste en concert. Il faut bien payer pour cela et surtout se lever aux aurores pour trouver ses billets.
Fin de carrière aux USA : la controverse politique American Life
En 2002, Madonna est du 20e James Bond, Die Another Day. Une grosse affaire pour le James Bond le plus populaire depuis des décennies. Sa nouvelle collaboration avec l’ancien Taxi Girl est électro et détonne en générique d’un film particulièrement raté, mais qui cartonne au box-office mondial. La chanteuse, elle, fait un piètre caméo lors d’une scène que l’on préfèrera oublier. Le single est top 10 sur tous les marchés importants, notamment 8e aux USA et 3e aux USA. En France, le malaise continue seulement 15e quand ses voisins suisses, espagnols ou italiens n’ont rien de mieux qu’une première place à lui proposer. Die Another Day sera repris dans l’album American Life, le disque de la discorde et de la rupture qui sera conspué par une partie de l’Amérique ultra conservatrice, celle de Fox News, avec des propos outrageux à son égard, et le boycott des radios pour tous les titres de l’album.
Madonna, Fox News et la Cancel Culture conservatrice
Régulièrement décriée sur la chaîne ultra conservatrice de Rupert Murdoch, la chanteuse est sacrifiée lors d’une chasse aux sorcières, lorsqu’elle prend ouvertement position contre George W. Bush et la politique de déstabilisation américaine au Moyen-Orient. La dénonciation de la guerre que mène son pays en Irak, au lendemain du 11 Septembre, est la provocation de trop pour la chanteuse qui devra faire, pour la première fois de sa carrière, machine arrière, en retirant de la circulation le clip vidéo d’American Life particulièrement violent et acerbe en le remplaçant par une vidéo digne d’un fond d’écran où se succèdent différents drapeaux. Le nationalisme ambiant tuera la mécréante qui vit désormais au Royaume-Uni et arbore un faux accent britannique.
American Life le single échouera en 37e place aux USA, son successeur, Hollywood, sera lui persona non grata dans le top 100, idem pour les titres Nothing Fails et Love Profusion. La carrière de la gamine du Michigan ne se relèvera guère après ce fiasco. Le Royaume-Uni suivra mieux, avec trois numéros 2, mais Love Profusion ratera le top 10 à une place près.
L’exception culturelle française : American Life
Moins que les singles, c’est bien l’album que la France portera aux nues. American Life jouira d’un accueil favorable de par ses différences acoustiques et thématiques chez nos compatriotes, eux aussi très critiques vis-à-vis de la politique américaine du début des années 2000.
Madonna et princesse Britney collaborent
Parallèlement, Britney Spears parviendra à convaincre Madonna de sortir le tout premier duo de sa carrière en single. Jusqu’à présent, les rares binômes de la chanteuse étaient toujours restés non exploités sur des albums. La rencontre entre les deux générations de femmes est couronnée de succès, dont une 11e place en France, et une seconde position au Royaume-Uni. Aux States, les fans de Britney parviennent à faire exister la chanson grâce aux ventes du single, mais la partie programmation à la radio (qui compte pour la position dans les charts américains) lui vaut une petite 35e place. In fine, ce qui aurait dû être un tube, ne sera qu’un succès mineur.
Hung Up, le tube ultime de Madonna ?
Mais Madonna n’a pas dit son dernier mot. Avec l’album Confessions on a Dance Floor, produit par Stuart Price en 2005, elle se réapproprie les sommets des classements mondiaux qui comptent désormais aussi sur la plateforme ITunes pour faire la différence. Hung Up est numéro 1 partout, sauf aux USA où les charts sont partagés entre les ventes effectives et les diffusions à la radio, toujours aussi chiches. Chez nous, Madonna n’avait pas été numéro 1 depuis Don’t Cry For Me Argentina. Trois numéros 1 français contre 18 en Italie… ou 11 au Royaume-Uni… On pouvait faire mieux. Mais Hung Up est juste phénoménal et son succès ne se démentira pas, devenant l’un des ses titres les mieux vendus, les plus streamés, et visionnés sur la plateforme de référence YouTube, avec près de 350 000 000 de vues, si l’on s’arrête à début 2022). Cela est fort solide pour une ancienne.
Le single Sorry succède avec panache à Hung Up dans les charts mondiaux. Un top ten mondial, mais les USA se démarquent encore, avec une piètre 58e place. Aujourd’hui, le morceau est chaud bouillant sur les plateformes de streaming. Choix curieux pour un 3e single, Get Together se contente d’une 23e place française quand Sorry était parvenu à la 5e place. C’est un top ten britannique, mais aux USA, le titre se positionne hors du top 100. Même bide pour l’excellent Jump. Une pochette et un clip bidons enterrent cet hymne pêchu qui ouvre Le diable s’habille en Prada, le film. Jump ne rentre pas dans les classements français ou américains (hors hit des clubs), mais il est tout de même 3e en Espagne et 1 en Italie. Les Britanniques classent ce tube dance en 9e place.
En 2007, le single digital caritatif Hey You de Madonna est un échec, avec une 187e place au Royaume-Uni. Pas de promo, une pochette numérique sans visuel de la chanteuse pourtant photogénique. Qui a vraiment remarqué son existence ? On soulignera également l’absurdité d’une Madonna pro-climat qui chante pour le Live 8, mais mène une vie climato-destructrice. Du prêchi prêcha d’artiste qui ne se sent pas concernée.
Une dernière sucrerie pour la route : Hard Candy
En 2008 Madonna propose son ultime album à succès, Hard Candy. Avec deux beaux singles (4 Minutes et Give It 2 Me) qui permettent à l’album de bien se maintenir dans les charts. Les collaborations avec Justin Timberlake et Timbaland sur le premier tube, et avec Pharrel Williams sur le second, permettent à la madone d’être encore dans le coup. Toutefois la maison de disques et Madonna semblent en bout de collaboration. Le troisième single débarquera sans clip, avec une pochette au graphisme minable, plus de 6 mois après Give It 2 Me… C’était trop tard pour relancer la machine. L’album venait d’être tué en direct.
4 Minutes, fut pourtant un numéro un mondial. Comme d’habitude les USA (3e) et la France (2e) se démarquent quand le reste du monde aligne les numéros 1.
Autre succès de cet album mal-aimé car trop tendance, selon les critiques, le pêchu Give it 2 Me n’est que 57e aux USA et 7e chez les Brexiters. La France lui offrira une 5e place quand Miles Away, des mois après, se tiendra en dehors du classement, en 54e position. Personne ne comprendra ce choix de single quand la mode est au tube urbain (voir l’incroyable ascension de Queen Rihanna). Beat Goes On, bien remixé, aurait pu faire des merveilles. Au moins la chanteuse fera de son Sticky a Sweet Tour, en 2008 et 2009, une magie de chaque instant. Avec plus de 408 000 000$ de recettes, la tournée lui permet de décrocher un record pour une femme sur scène.
Warner et Madonna se séparent
En 2009, la sortie de la compilation Celebration permet à Madonna et Warner de se quitter dans la rancœur. Ultime disque du contrat record qui les liait depuis des décennies, le best-of fait mieux que le GHV2 de 2001, qui n’avait même pas été agrémenté d’inédits à sa sortie. Au moins Celebration en présente deux en format physique, trois en numérique, dont le titre éponyme qui se classe 3e au Royaume-Uni et en 2e place en France. Un morceau de bravoure plutôt bien appréhendé, sauf aux USA, toujours sur la défensive quant à l’iconoclaste provocatrice.
Celebration, le single, ne sera donc que 71e.
Le titre Revolver, avec Lil Wayne en featuring, marque la fin d’une époque pour la chanteuse au Royaume-Uni (130e) en raison d’un changement de prise en compte des ventes, désormais ce sont les achats numériques, donc davantage orientés vers la jeunesse, qui comptent au détriment des derniers disques physiques en voie d’extinction. En France Revolver atteindra la 25e place.
Madonna délaisse la musique pour le cash des tournées
Dans les années 2010, Madonna devient paresseuse ou du moins plus préoccupée par sa vie familiale. La musique devient secondaire. A une époque où la règle du jeu a changé, où un artiste doit exister en sortant le plus de titres possibles, en particulier des collaborations, des featurings sur des albums autres que les siens, la star s’éclipse à trois reprises pendant trois ans. Une éternité quand la nouvelle garde se consolide. Katy Perry, Rihanna, Lady Gaga et dans un autre style Beyoncé, profiteront du vide pour mieux le remplir de leur omniprésence.
iTunes obsolète, vive le streaming
iTunes devient en cours de décennie obsolète et c’est bien le streaming qui rabat les cartes, quand le single physique, lui, a totalement disparu. Certains systèmes comptent même les visionnages Youtube comme valide pour entrer dans les charts. Au vu du décalage entre les fans de son époque, amateurs de format physique à acheter à réécouter et la nouvelle génération peu curieuse à l’égard d’une artiste qui a dépassé la soixantaine, la star aux records multiples sortira peu de singles.
Pour la première fois de sa carrière, Madonna n’a pas su ou voulu gérer sa carrière au sein d’une nouvelle maison de disques – qui n’en était pas une -, puisque c’est sur Live Nation, promoteur de tournées hors du commun, que Madonna a jeté son dévolu dans les années 2010. Le promoteur a au moins le mérite de lui donner les moyens de tournées épiques, comme le MDNA Tour (2012) et le Rebel Heart Tour (2015), qui ont décroché plus de 475 000 000$, tout en offrant des souvenirs impérissables.
Plus âgée, désormais la soixantaine acquise, Madonna se tourne finalement vers des salles de moindres tailles, avec le Madame X Tour, en 2019-20, dont les résidences sur une poignée de villes comme Paris, seront compromises par des blessures répétées et l’avènement de la Covid-19. L’événement est ailleurs, une proximité inédite avec le public et un format de concert novateur, démontrant que, même sans single (même le premier single, Medellin, en duo avec Maluma, est passé inaperçu) et album dans les charts, la superstar était toujours capable d’étonner.
Tourner la page Live Nation
En 2021, la page Live Nation semble être tournée. Madonna semble consciente de ne plus être une force motrice pour les charts et que, à son tour, elle pourrait profiter de la nostalgie des uns et de son incroyable catalogue pour revenir à la mode. Elle signe à nouveau avec Warner cette même année pour des rééditions de son catalogue à partir de 2022. L’occasion sera peut-être celle de la pertinence, quand ces dernières années, l’impertinence des photos Instragram l’emportaient sur la raison. Seule artiste de son importance à s’être refusée de capitaliser sur son passé pour des projets best-of faciles ou des résidences à Vegas, préférant toujours des expérimentations nouvelles (les albums MDNA, Rebel Heart et Madame X), Madonna a les hits pour survivre aux nouvelles tendances, comme le streaming.
Un répertoire hors du commun
En attendant, la star numéro 1 des années 80-2000 demeure, avec 4 milliards de streams, l’artiste féminine issue des années 80 la plus écoutée sur Spotify, nouvelle plateforme de référence, avec plus de 4 milliards streams contre 3.8 milliards pour Whitney Houston.
En France, en combinant singles et albums, Madonna est la 12e artiste à avoir vendu le plus de disques (18 694 700), et la troisième parmi les artistes internationaux non francophones, derrière Michael Jackson, dont les ventes ont explosé après le décès tragique, et les légendaires Beatles.
Johnny Hallyday, avec près de 69 millions d’albums écoulés demeure le record imbattable. Son nombre de sorties irrationnelles, y compris dans la mort, que l’on pourrait qualifier de putassier, a forcément alimenté la légende que Madonna aurait tort de ne pas chevaucher à son tour. Pink Floyd, Prince, David Bowie, Bruce Springsteen… sont les derniers noms de la surexploitation rentière. Quand la jeunesse passe, il ne faudrait pas que l’héritage trépasse.
Dossier Madonna par Frédéric Mignard