Thriller efficace qui prend également le pouls de la société guadeloupéenne, Zion est une première œuvre très maîtrisée et interprétée par de jeunes acteurs prometteurs. A découvrir !
Synopsis : En Guadeloupe, Chris partage son temps entre deals, aventures sans lendemain et rodéos en moto. Repéré par Odell, le caïd du quartier voisin, Chris se voit confier une livraison à risque. Malgré la mise en garde de son meilleur ami, il accepte la mission. Mais le jour de la livraison, il découvre qu’un bébé a été déposé devant sa porte. Commence alors pour lui, une course infernale qui le mènera à un choix crucial…
Zion, la version longue et remaniée d’un court remarqué
Critique : Ayant grandi entre sa Guadeloupe natale où l’essentiel de sa famille habite et Bondy en région parisienne, le réalisateur Nelson Foix a choisi de revenir sur sa terre natale à l’âge de 18 ans, alors qu’il avait déjà dans ses bagages un court métrage amateur. Désireux de passer derrière la caméra de façon plus professionnelle, il tourne en 2019 un court métrage de 28 minutes intitulé Ti Moun Aw qui racontait déjà l’arrivée inopinée d’un bébé dans l’existence d’une petite frappe de banlieue. Découvert par Jamel Debbouze, ce court l’a beaucoup impressionné et a déclenché le désir d’en produire une version longue.
© 2025 The Jokers Films, De l’autre côté du périph’, Black Moon et Kiss Films. Tous droits réservés.
Toutefois, Nelson Foix n’avait pas nécessairement envie de raconter à nouveau la même histoire et le travail sur le scénario a donc été effectué en vue de faire évoluer le projet dans une autre direction. Certes, le point de départ est identique, mais les deux œuvres prennent des directions différentes. Cela était nécessaire pour que Nelson Foix retrouve l’envie de filmer les mêmes acteurs. Effectivement, il retrouve au générique son acteur principal Sloan Descombes, ainsi que celui qui incarne le père du héros, à savoir Philippe Calodat.
L’envers du décor guadeloupéen
Tel quel, Zion ne semble pas se distinguer des innombrables films de banlieue qui peuplent nos écrans depuis plusieurs années. Mais son originalité vient de sa localisation en Guadeloupe et de l’emploi quasiment permanent de la langue créole. Dès lors, Nelson Foix nous propose l’envers de la carte postale habituellement attachée à l’île touristique. Ici, point de plage ensoleillée, ni même de douceur de vivre. Rien que des barres d’immeubles pour la plupart insalubres ou qui demeurent inachevées – pour éviter de payer des impôts.
© 2025 The Jokers Films, De l’autre côté du périph’, Black Moon et Kiss Films. Tous droits réservés.
On ne verra pas davantage d’estivant, mais des habitants qui luttent au quotidien pour s’en sortir, alors que la radio nous alerte sur la flambée des prix dans l’île, mais aussi sur les revendications légitimes de cet espace d’outre-mer délaissé par le continent. Ce malaise palpable explose lors de scènes de révolte qui marquent régulièrement l’histoire de cette survivance de notre ancien espace colonial.
Zion, un thriller avant d’être un brûlot politique
Pour autant, Zion ne se veut aucunement un manifeste politique qui clamerait le désir d’indépendance d’un peuple aux abois. Nelson Foix a l’intelligence de faire passer ses idées à travers une histoire qui peut s’apparenter à un pur film de genre, avec des gangsters, des courses poursuites haletantes, des règlements de comptes très sanglants (d’où l’avertissement dont est frappé le film, parfois très violent).
Charpenté par une histoire classique de trafic de drogues et de conflit territorial entre bandes rivales, Zion balance dans les bras de son héros un bébé qui semble sorti de nulle part, mais qui va contraindre l’anti-héros à grandir et à affronter ses responsabilités. En cela, on peut aussi qualifier le long métrage de récit d’apprentissage, même si cela passe par beaucoup de souffrance jusque dans une fin très émouvante et d’une réalité crue.
D’excellents comédiens au cœur d’une réalisation maîtrisée
Dès lors, on saluera la belle maîtrise de la réalisation puisque Nelson Foix filme efficace et parvient à signer une œuvre sans cesse haletante. Il s’appuie sur une belle photographie et une excellente bande-son urbaine qui dynamise un peu plus l’ensemble. Enfin, il révèle plusieurs comédiens, dont certains non professionnels, qui forment un tout cohérent. On citera en premier lieu Sloan Descombes, absolument parait en jeune homme irresponsable qui va comprendre le poids de ses erreurs passées, mais on aime également beaucoup son amie à fort caractère incarnée par Axelle Delisle. Enfin, Philippe Calodat interprète le patriarche avec une belle autorité, renforcée par des traits burinés qui offrent à son visage une immédiate authenticité.
A la fois thriller percutant, film de banlieue énervé, avec un arrière-fond de discours politique, Zion est donc une première œuvre tout à fait passionnante qui révèle de jeunes talents à suivre de près. Sorti depuis le 9 avril, Zion a bien entendu cartonné dans les Antilles, mais il peut se targuer d’avoir mobilisé un large public continental malgré son absence de vedettes au générique.
Déjà un beau succès en salles!
Présenté initialement dans 107 cinémas, le thriller a obtenu une excellente moyenne par copie en réunissant 196 095 spectateurs en une seule semaine (en comptant les avant-premières). Un beau résultat qui a encouragé son distributeur The Jokers à multiplier par 10 son nombre de copies pour parvenir à mobiliser 84 572 retardataires en deuxième semaine. D’ores et déjà un gros succès, Zion devrait poursuivre dans cette voie royale car son bouche à oreille devrait être positif. On vous le conseille chaudement !
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 9 avril 2025
Affiche : Brutes. Photo : SH Ahine Héry. © 2025 The Jokers Films, De l’autre côté du périph’, Black Moon et Kiss Films. Tous droits réservés.
Biographies +
Nelson Foix, Sloan Descombes, Philippe Calodat, Axelle Delisle
Mots clés
Cinéma français, Films sur la banlieue, Les îles au cinéma, La drogue au cinéma
