Dans un écrin de paysages grandioses, Un monde plus grand offre une expérience de retour vers la nature, au rythme des coutumes chamanes, inédite.
Synopsis : Partie en Mongolie chez des éleveurs de rennes pour enregistrer des chants traditionnels, Corine pensait pouvoir surmonter la mort de Paul, son grand amour. Mais sa rencontre avec le Chamane Oyun bouleverse son voyage, elle lui annonce qu’elle a reçu un don rare et doit être formée aux traditions chamaniques. De retour en France, elle ne peut refuser ce qui s’impose désormais à elle : elle doit repartir pour recommencer son initiation…et découvrir un monde plus grand.
Critique : Depuis Frankie, sa première réalisation (2006), Fabienne Berthaud s’intéresse particulièrement aux destins de femmes éprouvées par la vie. Captivée par le roman autobiographique de Corine Sombrun Mon initiation chez les chamanes, elle dresse le portrait d’une femme à la recherche du dépaysement le plus absolu pour tenter d’atténuer la douleur de la perte de son mari. Ingénieur du son, elle est en quête de chants et de prières destinés à illustrer un film sur la spiritualité. Elle choisit de se perdre au cœur de la steppe mongole, une région inaccessible sans eau ni électricité, sans imaginer que ce voyage l’amènera vers la découverte d’un pouvoir personnel insoupçonné et troublant.
La mise en scène multiplie les plans démesurés de ces paysages de hauts plateaux, où l’on ne rencontre que des éleveurs de rennes et leurs troupeaux. Guidée par Naara, Corine (Cécile de France) apprivoise ce nouvel environnement, dont le mysticisme fait écho à son cheminement personnel. Mais alors qu’elle assiste à une séance de chamanisme, elle entre en transe. La chamane présente lui explique qu’elle n’a plus d’autre choix que de développer ce don si elle ne veut pas voir sa vie empirer. Car elle s’est déclarée chamane, capable de communiquer avec l’esprit des morts.
© Haut et court / 3 X 7 Production
La rationalité occidentale du personnage de Cécile de France lui impose de rejeter d’un revers de main ces sorcelleries d’un autre temps. Pourtant, de retour dans l’Hexagone, elle constate qu’une nouvelle écoute des sons déjà entendus lors de la cérémonie chamanique provoque les mêmes effets. Ses proches (dont sa sœur interprétée par une Ludivine Sagnier, touchante de désarroi face à ces phénomènes irrationnels) s’inquiètent d’un possible trouble physique ou psychique et tentent de la retenir. Mais l’espoir de pouvoir peut-être établir un contact avec son mari la pousse à repartir et à parfaire son apprentissage aux côtés de la chamane Oyun.
La réalisatrice déploie certes des trésors d’ingéniosité autant pour placer le spectateur au plus près de ces évènements hors du commun que pour éclairer le plus précisément possible ce monde de l’invisible en mélangeant fiction et réalisme documentaire, en incluant vibrations sonores des tambours chamaniques et bruits animaliers. Pourtant l’intrigue tourne court. La révélation du don se situant assez tôt dans le récit, les scènes de transe suivantes se font répétitives et ne transmettent plus qu’un onirisme de plus en plus envahissant.
Fort heureusement la beauté du décor et la justesse de ton de tous les acteurs, dont la plupart sont des non-professionnels (Naara, aux côtés de Cécile de France, n’est autre que l’interprète qui accompagnait Corine Sombrun, il y a di-huit ans) compensent cet écueil de la monotonie. Quant à Cécile de France, elle nous prouve une fois encore que l’ampleur de son talent est infinie. Qu’il s’agisse de la perfide incarnation de Madame de la Pommeraye dans Mademoiselle de Jonquières ou de cette femme dévastée par le chagrin, elle se glisse, à tous les coups, dans la peau de son personnage avec une conviction épatante.
Entre lyrisme et romanesque, Un monde plus grand n’en reste pas moins une histoire d’amour et de renaissance universelle qui interroge nos peurs avec originalité.
Critique : Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 30 octobre 2019
© Haut et court / 3 X 7 Production
