Evocation d’une Mongolie en pleine transition vers la modernité, Un jeune chaman est un premier film intéressant sur le plan documentaire, mais qui passionne moins dans sa dimension purement fictionnelle. A réserver aux curieux, désireux de mieux connaître une contrée finalement peu filmée.
Synopsis : Zé a 17 ans et il est chaman. Il étudie dur pour réussir sa vie, tout en communiant avec l’esprit de ses ancêtres pour aider les membres de sa communauté à Oulan-Bator. Mais lorsque Zé rencontre la jeune Maralaa, son pouvoir vacille pour la première fois et une autre réalité apparaît.
Un premier film tout droit venu de Mongolie
Critique : Jeune artiste mongole, Lkhagvadulam Purev-Ochir est une réalisatrice et scénariste qui s’est formée dans le monde entier (avec des études menées aussi bien en Turquie, République tchèque et Portugal). A partir de 2020, elle a tourné deux courts, dont le deuxième, Snow in September (2022) a gagné le Lion d’or du meilleur court métrage à Venise. Dès lors, la jeune femme a décidé de passer au format long en prenant comme point de départ une anecdote qui lui est arrivée. Alors qu’elle se rendait chez un chaman pour des problèmes personnels, elle fut surprise de découvrir que, derrière le masque chamanique, se dissimulait un adolescent bien plus jeune qu’elle. De là est née l’idée d’Un jeune chaman (2023).
© 2023 Aurora Films, Guru Media, Uma Pedra no Sapato, Volya Films, 27 Films Production, VOO by Mobinet / Arizona Distribution. Tous droits réservés.
En fait, Lkhagvadulam Purev-Ochir souhaitait prendre le pouls de la jeunesse urbaine de Mongolie, pays enclavé entre la Russie et la Chine et marqué par un fort taux de pauvreté. Toutefois, là où les cinéastes occidentaux ont pris plaisir à filmer les larges steppes mongoles, la cinéaste préfère placer sa caméra dans des lieux moins connus du public occidental comme le quartier des yourtes en périphérie de la capitale Oulan-Bator. Cette localisation entre deux mondes (urbain et rural) n’est pas le fruit du hasard puisque le sujet d’Un jeune chaman pourrait se résumer à celui d’une transition d’un point à un autre.
Un pays coincé entre traditions et modernité
En visionnant le long métrage au premier degré, on peut le qualifier de récit initiatique puisque le chaman de 17 ans va devoir concilier sa spiritualité profonde et sa découverte de l’amour auprès d’une jeune femme séduisante (très juste Nomin-Erdene Ariunbyamba). Mais la réalisatrice ne limite aucunement son œuvre à une aventure sentimentale, puisqu’elle décrit ici la transition de la Mongolie vers la modernité et la mondialisation. Ainsi, elle alterne volontairement les scènes situées dans des yourtes traditionnelles, avec d’autres passages dans des lieux très modernes. Elle montre aussi une jeunesse branchée sur les réseaux sociaux, qui va s’éclater sur de la techno en boite de nuit et qui commence aussi à contester une autorité professorale encore très stricte.
Bref, loin des clichés habituels attachés à ce pays, Lkhagvadulam Purev-Ochir en révèle les aspects les plus novateurs et la bascule qui est en train de s’effectuer vers une mondialisation qui fait ressembler le pays à nos mœurs occidentales. Pourtant, cela s’accompagne toujours d’un taux de pauvreté important et les jeunes du film rêvent tous de pouvoir vivre un jour dans le centre-ville d’Oulan-Bator, vu comme le Graal pour tous ceux qui n’arrivent pas à s’en sortir à la campagne. Voilà pourquoi le quartier des yourtes qu’elle ne cesse de filmer représente parfaitement ce moment de transition d’un pays d’une ruralité ancestrale à une modernité toute contemporaine.
La dimension documentaire prime sur la fiction, un peu maladroite
Ce constat entraîne nécessairement un déchirement intérieur chez le personnage principal, le mutique héros interprété avec un certain charisme par le débutant Tergel Bold-Erdene (par ailleurs primé dans une section parallèle du Festival de Venise en 2023). Celui-ci demeure attaché à sa fonction chamanique – qui est montrée ici de manière purement naturaliste et non sous un angle magique – tout en voulant s’intégrer à la jeunesse qui l’entoure, comme tous les adolescents en recherche d’amitié et d’amour. Le résultat ne sera pas forcément à la hauteur de ses attentes.
© 2023 Aurora Films, Guru Media, Uma Pedra no Sapato, Volya Films, 27 Films Production, VOO by Mobinet / Arizona Distribution. Tous droits réservés.
Toutefois, la réalisatrice échoue quelque peu à nous transmettre le trouble du personnage par manque de progressivité dans son scénario. On note un certain nombre de scènes redondantes, tandis que la fin est expédiée de manière assez surréaliste, laissant le spectateur orphelin d’une conclusion. Certes, elle indique ici que son premier film est avant tout une chronique et un instantané, mais cette absence de véritable fin tend à frustrer le spectateur et finit par rendre la projection plus anodine.
Ce refus d’une narration avec un début, un milieu et une fin fait d’Un jeune chaman un document intéressant sur la Mongolie, mais on se dit qu’un documentaire aurait été tout aussi efficace pour nous informer. Filmé de manière classique, avec de nombreux moments en suspension et une tendance au mutisme, Un jeune chaman est donc un pur film d’auteur qui intéresse par sa dimension naturaliste et documentaire, mais échoue quelque peu à provoquer des émotions qui seraient l’apanage des grandes œuvres cinématographiques.
Box-office d’Un jeune chaman
Sorti le 24 avril 2024 dans 59 salles par le distributeur indépendant Arizona Distribution, Un jeune chaman a débuté sa carrière avec 11 936 spectateurs à son bord. Il faut dire que la concurrence était rude lors d’une semaine inaugurale aux très nombreuses sorties. La semaine suivante, le métrage se maintient assez bien avec 7 233 retardataires. En troisième septaine, le métrage franchit la barre des 22 000 spectateurs et va continuer sa carrière pour un total de neuf semaines à l’affiche. Son résultat final de 32 000 entrées lui permet quasiment de tripler ses entrées de première semaine, ce qui n’est finalement pas si mal dans un contexte de forte concurrence.
Le distributeur a ensuite décidé de sortir le film en format physique en DVD, tout en le proposant en VOD, seul moyen de le découvrir en HD afin de profiter au mieux de l’expérience.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 24 avril 2024
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© 2023 Aurora Films, Guru Media, Uma Pedra no Sapato, Volya Films, 27 Films Production, VOO by Mobinet / Affiche : Fidelio. Tous droits réservés.
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Lkhagvadulam Purev-Ochir, Tergel Bold-Erdene, Nomin-Erdene Ariunbyamba
Mots clés
Cinéma mongol, Les drames de l’adolescence, Romances adolescentes, Récit initiatique, Festival de Venise 2023