Animé qui parvient à allier modernité et tradition, Suzume peut séduire un public à la fois adolescent et plus mature par sa thématique ambitieuse et la poésie qui s’en dégage. Une réussite dans le genre.
Synopsis : Suzume, une jeune fille de 17 ans vit dans une ville tranquille de la région de Kyushu, au sud-ouest du Japon. Un jour, Suzume rencontre un jeune homme à la recherche d’une « porte ». Les deux se séparent et Suzume trouve une vieille porte dans des ruines dans la montagne. Lorsque Suzume l’ouvre, elle est attirée à l’intérieur. Des « portes du désastre » commencent à ce moment à s’ouvrir à travers le Japon, déclenchant des séismes.
Un récit d’apprentissage plus ambitieux par sa richesse thématique
Critique : Cela fait maintenant plus d’une vingtaine d’années que le réalisateur d’animé Makoto Shinkai officie dans le domaine des œuvres destinées essentiellement aux adolescentes. Effectivement, celles-ci apprécient particulièrement ces histoires où des héroïnes découvrent l’amour, tout en vivant des aventures extraordinaires, et parfois franchement axées sur un univers fantastique. Dans ce style, Makoto Shinkai a connu un grand succès avec notamment Your Name. (2016), puis Les enfants du temps (2019) qui ont également su séduire le jeune public français.
Pourtant, lorsqu’il aborde le projet Suzume en 2020, Makoto Shinkai ressent une certaine lassitude quant à ces récits d’apprentissage qui passent nécessairement par des moments romantiques. Certes, avec Suzume (2022), il continue à officier dans le même domaine et revient à un beau récit d’une adolescente ayant perdu sa mère alors qu’elle n’avait que quatre ans, mais il y ajoute cette fois une dimension fantastique et métaphorique bien plus prononcée.
Une intrigue qui retrouve l’esprit des bons Miyazaki
Si le récit démarre de manière assez classique par la rencontre fortuite entre l’adolescente et un jeune homme charismatique et mystérieux, la suite va surtout tenter de contourner les règles du genre pour l’agrémenter de surprises sympathiques. On songe forcément à l’univers d’Hayao Miyazaki, avec notamment la présence d’un chat facétieux et surtout d’esprits de la nature qui se déchaînent après une erreur de la jeune innocente. Il s’agira pour elle de rétablir le déséquilibre qu’elle a inconsciemment généré au cours d’aventures qui lui permettront de franchir les dimensions, allant même jusqu’à se croiser elle-même lors d’une scène tragique de son enfance.
© 2022 Suzume Film Partners
Comme dans ses autres longs-métrages, les personnages ont été réalisés en 2D, mais la plupart des éléments de décors, de paysages et d’effets spéciaux sont numériques. Cela donne un rendu parfois un peu trop artificiel, même si un travail très minutieux a été effectué sur le rendu des couleurs. Malgré cet aspect un peu trop fabriqué, Suzume n’est aucunement dépourvu de poésie et l’animé n’a guère à rougir de ses ainés, tant il propose des aventures trépidantes où se mêlent constamment les rires et les pleurs.
Le Japon, toujours coincé entre modernité et tradition
Cet opus se pare également d’une dimension métaphorique intéressante qui rejoint les interrogations habituelles de Miyazaki. Ainsi, le réalisateur évoque avec une réelle nostalgie un Japon traditionnel en voie de disparition. Ainsi, il situe les fameuses portes entre le monde contemporain et celui des esprits dans des lieux abandonnés – comme un village traditionnel délabré ou encore une fête foraine fantôme. De même, le cinéaste s’appuie sur le vécu des Japonais en matière de séisme pour développer une mystique liant des esprits ancestraux frappeurs (les fameux vers du film) à des causes naturelles pourtant bien explicables.
Comme très souvent, Suzume confronte donc tradition et modernité, une thématique décidément très ancrée dans l’imaginaire nippon. L’esthétique même de l’animé correspond d’ailleurs parfaitement à cette dualité puisque le trait évoque bien le dessin animé traditionnel, tout en étant englobé dans un univers 3D lié à des technologies numériques contemporaines – et de plus en plus maîtrisées d’ailleurs.
Suzume s’adresse aussi bien aux adolescents qu’aux adultes
Doté de jolies images, d’une bande son très kitsch qui semble exhumer des vieux tubes nippons aux paroles un peu niaises, Suzume est donc une œuvre qui fleure bon la nostalgie, tout en cherchant à s’ouvrir sur l’avenir par le biais de personnages jeunes dont la destinée pourra être radieuse. Ce mélange d’aspirations pour un futur meilleur peut aisément séduire un public adolescent, tandis que la dimension nostalgique du film touchera également l’audience plus mature. Ainsi, avec Suzume, Makoto Shinkai a montré sa capacité à élargir son public cible.
© 2022 Suzume Film Partners
Cela a d’ailleurs magnifiquement bien fonctionné puisque le long-métrage sorti au Japon au mois de novembre 2022 a supplanté One Piece Film : Red en tête du box-office local. Suzume est devenu un tel phénomène que l’animé s’est hissé à la 10ème place des animés les plus lucratifs au Japon. Il a ainsi généré l’équivalent de plus de 100 millions de dollars rien que dans son pays d’origine. Ensuite, la Corée du sud lui a offert un autre terrain de jeu avec plus de 43 millions de dollars amassés. En troisième place, les Etats-Unis ont également contribué à hauteur de 11 millions de dollars à cette production orientale.
Suzume, un très gros succès sur le territoire français
En ce qui concerne la France, le succès est également particulièrement marquant pour le distributeur Eurozoom, spécialisé dans la diffusion d’animés sur notre territoire. Là où des films comme Your Name. et Les enfants du temps étaient considérés comme des bonnes affaires avec 250 000 spectateurs à leur compteurs, Suzume a terminé sa course avec des chiffres bien plus imposants : 543 466 entrées.
Toutefois, il est important de préciser que le nombre de copies disponible était lui aussi largement supérieur. Quand Your Name. disposait de 100 copies sur l’ensemble du territoire français, ce sont 384 cinémas qui ont pu proposer Suzume à leurs fidèles spectateurs dès sa première semaine d’exploitation. Cette stratégie promotionnelle intensive a donc porté ses fruits, faisant de Suzume un très beau succès français. Une fois de plus notre pays a été le quatrième marché le plus lucratif pour l’animation japonaise. Une tendance qui n’est pas prête de s’éteindre si on en croit les ventes astronomiques de mangas dans les librairies françaises.
Critique de Virgile Dumez
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© 2022 Suzume Film Partners
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Mots clés
Animation japonaise, Les relations fille-mère au cinéma, Teen-movie, Les chats au cinéma
