Secret de Famille est un joli petit film brésilien qui touche en toute délicatesse à des sujets brûlants et universels.
Synopsis : Joana, 13 ans, a besoin de percer un mystère. Pourquoi sa grande tante Rosa est-elle décédée vierge ? Aidée par son amie Carolina, elle part en quête de réponses qui la mèneront à vivre son premier amour hors des conventions et à découvrir sa véritable identité.
Une chronique adolescente au réalisme fantasmatique
Critique : Deuxième film de Cristiane Oliveira, mais le premier est inédit en France, Secret de Famille suit le parcours d’une jeune adolescente, Joana, au sein d’une famille exclusivement féminine (sa mère, sa grand-mère et sa tante décédée au tout début). La cinéaste privilégie une construction mosaïque, faite de courtes séquences au montage souvent abrupt ; les informations données en deviennent parfois parcellaires, à l’image de ces cadrages qui morcellent les corps. C’est que le monde pour Joana n’est pas encore cohérent : il est fait de morceaux indépendants, dont elle sent qu’ils recèlent une vérité cachée ; d’où ces passages dans lesquels, volontairement ou pas, elle surprend des conversations adultes, quand elle ne les suscite pas par ses questions. La quête de l’adolescente prend pour prétexte un mystère familial (la tante était-elle vierge, et si oui, pourquoi ?) mais se développe en interrogation personnelle (qui suis-je ? Quelle identité sexuelle ?) que le film dévoile lentement, à travers des chemins détournés qui visent à lui donner plusieurs dimensions. Dimension réaliste, évidemment, puisque l’histoire s’appuie sur des lieux précis, une époque (2007), et fourmille de détails qui l’ancrent dans un quotidien très concret. Celui-ci est aussi constitué par des objets (un livre déclencheur, des « bonshommes » que la tante fabriquait…) et des lieux précis. Pourtant ce réalisme se teinte de fantastique, ou plutôt de fantasmatique : la forêt cache des mystères (les bougies, un inconnu) et les rêveries de Joana, qui révèlent ses appréhensions, se mêlent à sa vie sans que les transitions soient soulignées. Cela ne va pas sans quelque lourdeur ou naïveté, mais au fond en conformité avec l’image que s’en fait l’adolescente. De même, en recourant au symbolisme, la cinéaste ne fait pas toujours dans la dentelle.
Secret de famille, une œuvre qui aborde des sujets très forts par petite touche
On sera sensible en revanche à la finesse dans le portrait de Joana, de ses relations ambiguës avec son amie, aux progrès lents et fluctuants. Se dessine alors la description d’un monde homophobe, des copains d’école aux réactions parentales, surtout que le pays est imprégné de religion. Cristina Oliveira trouve ici le ton juste, sans manichéisme excessif : les quelques paroles blessantes ou petits mots suffisent à dire la dureté de s’affirmer dans sa différence. Loin du film militant, Secret de famille procède par petites touches et allusions, ce qui le rend plus fort et riche.
On imagine aisément que l’une des difficultés a été de réunir le casting, en particulier pour les deux adolescentes dont c’était le premier rôle, rôle délicat s’il en est. Elles s’en tirent plutôt bien, plus à l’aise pourtant dans les moments intimes que dans leurs petits délires, davantage surjoués. Elles donnent à ce petit film intimiste et sensible l’incarnation qu’il lui fallait.