Passion : la critique du film (2019)

Drame | 1h55min
Note de la rédaction :
9/10
9
Passion, affiche du film deRyûsuke Hamaguchi

Note des spectateurs :

Passion, le premier long de Ryûsuke Hamaguchi, enfin distribué en France, dix ans après sa sortie, est un petit bijou de sensibilité au goût délicat du cinéma d’Eric Rohmer.

Synopsis : Un jeune couple annonce son mariage lors d’un dîner entre amis. Les réactions de chacun vont révéler des failles sentimentales jusque-là inexprimées au sein du groupe.

La critique : En quelques mois, Ryûsuke Hamaguchi est devenu l’un des nouveaux auteurs majeurs du cinéma japonais, par ses qualités d’écriture autant que par la fluidité et l’originalité de son style, malgré les influences qu’il revendique. Senses, d’une durée de 5h30, déployait une narration délicate avec de beaux portraits de femmes dans la lignée de Ozu, quand Asako 1&2, d’une tonalité hitchcockienne, brouillait les pistes et mélangeait les genres avec virtuosité. C’est donc avec intérêt que l’on guettait la sortie de Passion, réalisé en 2008. Ce premier long métrage fut conçu dans le cadre du projet de fin d’études de son master de cinéma préparé à la Tokyo University of Arts et avait été bien accueilli par ses enseignants dont Kyoshi Kurosawa.

Crédits : Art House Films

Passion : entre Hong Sang-soo et Eric Rohmer

Jamais distribué en salle, le film comporte les germes de l’art de Hamaguchi. La narration dénote déjà un goût pour les chassés-croisés amoureux, une psychologie en trompe-l’œil et la volonté de cerner les mœurs de ses contemporains. Privilégiant les plans fixes et les plans-séquences, la mise en scène est d’une sobriété exemplaire, sans céder pour autant aux tics d’un certain jeune cinéma contemporain. Le récit de ces trentenaires dégagés de toute contrainte matérielle et se livrant à marivaudage qui n’est plus vraiment de leur âge aurait pu agacer par ses clichés, ses dialogues à rallonge, un certain maniérisme, et la banalité apparente de ses archétypes, du futur père de famille tenté par l’aventure extraconjugale au bon copain goujat qui se révèle un modèle de douceur, en passant par l’amoureuse patiente. Et les spectateurs qui n’apprécient pas l’art d’un Rohmer ou de Hong Sang-soo risquent d’entrer avec difficulté dans cet univers « superficiellement superficiel » et véritablement délicat. Tant pis pour eux : Passion est un petit bijou de sensibilité tout autant qu’un film de son temps. Ryûsuke Hamaguchi a précisé à ce sujet dans le dossier de presse : « À l’époque j’avais 29 ans et peu d’expériences sentimentales ni en techniques de cinéma. J’ai donc basé ma réflexion à partir de ce que j’observais, j’étais notamment passionné de séries » : il y a encore une dizaine d’années, la revendication de cette influence se disait du bout des lèvres dans le milieu du cinéma d’auteur. Passion comporte ainsi quelques situations que l’on aurait pu trouver au détour d’un épisode de Friends ou d’un soap opera. Loin d’être une compromission ou une concession à un phénomène de mode, cette inspiration donne à l’œuvre un ton décalé et contrasté qui ne tombe pour autant ni dans la parodie, ni dans le plagiat. Au final Passion est un premier long métrage en cohérence avec les films à venir de son auteur, tout autant qu’une œuvre dont le charme et la grâce devraient combler le spectateur.

Critique de Gérard Crespo

Crédits : Art House Films

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