Dans le cadre rohmérien de Cergy-Pontoise, Guillaume Brac fait de la base de loisir locale l’île au trésor d’un film documentaire, lieu de drôlerie, d’humanité, de social et de jeunesse. Forcément attendrissant.

Synopsis : Un été sur une île de loisirs en région parisienne. Terrain d’aventures, de drague et de transgression pour les uns, lieu de refuge et d’évasion pour les autres. De sa plage payante à ses recoins cachés, l’exploration d’un royaume de l’enfance, en résonance avec les tumultes du monde.

L’île au trésor, la richesse d’un voyage immobile

Critique : Derrière la banalité d’un lieu de loisirs aquatiques, Guillaume Brac est allé chercher la vie. Dans la base de loisirs de Cergy-Pontoise, qui nous évoque forcément L’ami de mon amie d’Eric Rohmer, le lieu familial est un macrocosme de richesses insoupçonnées. Macrocosme de solitudes sociales pour certains anciens un peu laissés-pour-compte (oui, certains témoignages peuvent être cocasses, voire limites), ou de bonheur pour une jeunesse délivrée du joug social qui se construit dans des moments de groupe inoubliables.

La belle jeunesse

Brac filme, avidement, l’ouverture et la fermeture dans la symbolique, les désirs de vie à croquer à pleines dents, les désirs de l’autre, à travers la symbolique de cette immense pataugeoire que n’aurait pas dénié photographier Martin Parr, mais sans la volonté de dénonciation.

Guillaume Brac trouve dans ce lieu de convivialité humaine “l’île au trésor” des romans d’aventures de Stevenson. Il filme les voyages immobiles pour 4.50 euros, les fantasmes d’entrée des mômes, qui grugent, tchatchent, draguent, vivent loin des malheurs domestiques et du poids social et scolaire.

Des trésors de témoignage

Dans ce formidable lieu de vie, l’émotion est à son paroxysme au détour des entretiens avec les petites gens qui travaillent dans les coulisses. Le discours social sur les origines, les migrations se fait alors bouleversant et vient enrichir ce trésor.

Pour capter toute la mélancolie qu’imprègne finalement ce lieu d’amusement qui témoigne aussi du caractère éphémère de la jeunesse, Brac a engagé Jeong Yong-jin à la musique. Il l’utilise avec parcimonie, sans qu’elle n’écrase son propos. Complémentaire, elle aussi participe à ce trésor local d’un cinéma français qui répond à son devoir d’humanité. Immanquable.

Le test DVD

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Potemkine est aux affaires. L’occasion d’une édition riche, avec en bonus Contes de juillet, l’anthologie rohmérienne signée Guillaume Brac, qui était sortie en salle. 

Compléments : 4.5/5

L’éditeur a eu l’excellente idée de proposer dans ce joli digipack slim les deux courts métrages de Brac sortis en salle sous le titre de Contes de juillet, avec des bonus qui lui seront propres sur cette galette (casting des comédiens
– entretien avec Guillaume Brac et Alan Guichaoua). On y reviendra.

Sur le disque de L’île au trésor, on retrouve un long entretien du cinéaste et de la monteuse, Karen Benainous, qui explique l’exercice du documentaire, les choix opérés, les autorisations nécessaires pour filmer cette réalité où la caméra doit s’effacer, mais forcément affecte aussi ce qui se passe à l’écran. Le duo est volubile et permet de répondre à de nombreuses questions légitimes que l’on se pose durant le visionnage de ce très beau film qui a demandé des centaines d’heures de rushes et un travail de montage conséquent.

Brac a réalisé de nombreux courts métrages dans sa carrière, parmi lesquels Le repos des braves (37 min). Il est ici proposé en bonus. Vraiment une très belle édition.

Illustration : Nine Antico
Jaquette : Potemkine

Image : 4 / 5

Très beau master numérique, celui d’un documentaire soucieux de la lumière, de l’aube et du crépuscule, de la vie sur un parc de loisirs qui englobe des semaines de tournage. Le DVD retranscrit avec fidélité ce cinéma-vérité en période estivale, baignant essentiellement dans la lumière.

Son : 3.5 / 5

Le travail sur le son n’est pas aisé sur un film du réel. Faire oublier les perches, capter le brouhaha d’un lieu de loisirs, la spontanéité des acteurs, insérer une voix off… Ils étaient quatre à travailler sur le son, et le DVD ne pâtit nullement de la complexité de conditions de tournage pour ces ingénieurs du son.

Mieux, la participation à la musique de Jeong Yong-jin, compositeur élégiaque de Hong Sang-soo, vient ancrer le regard du cinéaste dans une forme de bienveillance et de poésie que le 5.1 permet de généraliser.

Critique et test DVD  : Frédéric Mignard