Faux film d’horreur et vrai divertissement familial, Arachnophobie est avant tout un film de producteur sans grande saveur. L’ensemble demeure sympathique à suivre, bien que très limité dans ses ambitions.
Synopsis : Au cours d’une expédition en Amazonie, un photographe est piqué à mort par une monstrueuse araignée qui s’introduit par la suite dans son cercueil. Elle est ainsi rapatriée en Californie. Bientôt, plusieurs morts suspectes sont déclarées dans le petit village de Canaima, où seul le Dr Jennings a des soupçons sur leur origine…
Le premier film produit par la firme adulte de Disney : Hollywood Pictures
Critique : En 1989, la Walt Disney Company décide de varier ses activités et de créer un studio chargé de produire des films davantage orientés pour les adultes. Au mois de février naît Hollywood Pictures, studio qui sera en activité jusqu’au début des années 2000. Le premier projet développé par son président Ricardo Mestres est un film d’horreur intitulé Arachnophobie.
Alors que le script est totalement sérieux dans ses premières versions, l’arrivée aux manettes de Frank Marshall vient redistribuer les cartes. Effectivement, le producteur attitré de Spielberg depuis Les aventuriers de l’arche perdue (1981) n’est guère intéressé par le genre horrifique et préfère largement signer une comédie angoissante, avec un ton volontairement plus détaché et ironique. Ce toilettage n’est pas pour déplaire aux exécutifs de Disney qui préfèrent élargir leur audience au public adolescent.
Frank Marshall souhaite rendre hommage au cinéma des années 50
Pour son premier film en tant que réalisateur, Frank Marshall tient donc à rendre hommage aux films de Hitchcock et aux petites bandes SF qui ont bercé son enfance dans les années 50-60. Il n’y parvient toutefois qu’en partie, à cause d’un rythme un peu languissant et de certaines dérives humoristiques mal maîtrisées. On songe notamment aux quelques interventions du dératiseur incarné par John Goodman. Personnage volontairement caricatural qui n’est là que pour divertir le public : cet exterminateur à la petite semaine exaspère plus qu’il ne fait sourire.
Cela commence pourtant plutôt bien par une scène dans la jungle où un scientifique interprété par Julian Sands découvre une nouvelle race d’arachnide. Celle-ci finit par s’introduire en clandestinité dans l’avion du retour et vient coloniser une petite ville de la campagne américaine. Toutefois, l’araignée en question prend son temps avant de développer sa colonie. L’occasion pour Frank Marshall de décrire les us et coutumes d’une petite bourgade de province, avec son lot de clichés.
De longs passages dialogués, entrecoupés de quelques timides séquences horrifiques
C’est finalement dans cette écriture quasiment automatique des personnages – une somme conséquente d’archétypes mal digérés – que le cinéaste échoue à transmettre l’angoisse. On ne retient finalement pas grand-chose d’un spectacle assez timide en matière de victimes. Là où l’on s’attend à une invasion d’araignées vindicatives sur la ville entière, on se retrouve face à la lutte d’une famille contre l’invasion de leur grange et de leur domicile. Il y a bien trois ou quatre victimes secondaires, mais on sent bien qu’aucun personnage principal n’est réellement menacé dans ce qui s’avère être un spectacle familial.
© 1990 Hollywood Pictures (Buena Vista) – Amblin Entertainment. Tous droits réservés.
Malgré cette modestie, Arachnophobie n’est pas une purge et se regarde de bout en bout sans déplaisir, mais on a désormais le sentiment de visionner un téléfilm de luxe qui manquerait d’une vraie vision de cinéma. Le casting un peu faible ne permet aucunement de relever le niveau. Si l’on omet un Jeff Daniels toujours sympathique et un Julian Sands qui vient toucher son chèque, les autres acteurs sont plutôt transparents. La réalisation de Frank Marshall n’est guère enthousiasmante, même s’il bénéficie d’un confortable budget de 30 millions de dollars (important pour l’époque).
Des effets spéciaux old school, sans numérique dedans
Finalement, le seul vrai élément de satisfaction tient dans les effets spéciaux qui demeurent encore aujourd’hui impeccables. Les auteurs se servent encore de vraies araignées ou d’animatroniques et n’ont donc pas encore recours aux effets numériques qui ont ensuite pullulé sur les écrans, avec un rendu bien moins réaliste. En cela, Arachnophobie est une œuvre old school plutôt sympathique et qui occasionne quelques frissons, surtout si, comme l’auteur de ces lignes, vous souffrez d’une peur irrationnelle des araignées.
Sorti en France le même mois que Le silence des agneaux (Demme), le spectacle inoffensif d’Arachnophobie ne faisait clairement pas le poids. Il a donc subi un certain désintérêt du grand public avec 119 419 entrées sur Paris. La province fut plus accueillante avec un peu plus de 500 000 entrées, ce qui est plutôt bon dans un contexte de crise du cinéma.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 17 avril 1991
© 1990 Hollywood Pictures (Buena Vista) – Amblin Entertainment. Tous droits réservés.
