Nacho Cerdà

Réalisateur, Scénariste, Producteur
La trilogie de la mort de Nacho Cerda

Personal Info

  • Nationalité : Espagnol, Catalan
  • Année de naissance : 1969

Biographie

Note des spectateurs :

Nacho Cerdà a six ans lorsqu’il découvre au cinéma Les dents de la mer. Le film de Steven Spielberg le marque durablement et le conduira à réaliser ses propres films.

On doit aussi à Nacho Cerdà la macabre Trilogie de la mort, trois courts ou moyens métrages à la morbidité légendaire. Il réalise ensuite un long métrage en 2004 qui lui prend deux années à monter. Présenté à Sitges (2006) et Gérardmer (2007), Abandonnée ne suscite pas le même enthousiasme que le nécrophile Aftermath (1994) qui marqua les festivals où il fut projeté, tout autour de la planète.

The Awakening (1990), Aftermath (1994) et Genesis (1998) furent réunis en France en DVD par Wild Side qui sortait parallèlement Abandonnée dans les salles de cinéma.

L’échec relatif d’Abandonnée l’empêcha de poursuivre une carrière de premier plan.

Frédéric Mignard

Filmographie :

La trilogie de la mort de Nacho Cerda

© Wild Side

Entretien avec Nacho Cerdà (2007)

Cinéaste de l’extrême et des ténèbres, Nacho Cerdà traînait une solide réputation de radicalité grâce à une trilogie de courts métrages (AftermathGenesis et The Awakening) aujourd’hui disponibles en DVD chez Wild Side sous le titre de La trilogie de la mort. Il est désormais également l’auteur d’un long métrage cauchemardesque, Abandonnée, une œuvre tout aussi radicale dans son refus de se conformer aux règles esthétiques et narratives du cinéma horrifique contemporain. Explications par ce nouveau maître de l’épouvante ibérique en personne.

Frédéric Mignard : Pourquoi est-ce que cela vous a pris tant de temps pour réaliser votre premier long métrage ? Cette attente a dû être frustrante ?
Nacho Cerdà : Évidemment cela a été très frustrant. J’avais en moi une énergie après mes courts qui ne demandait qu’à s’exprimer. J’ai eu en quatre ans deux projets de longs qui ont été annulés, d’où cette longue attente. Le tournage d’Abandonnée a démarré en 2004, c’est-à-dire finalement cinq ans après mon court Genesis. Entre-temps on n’a pas arrêté de me demander quand j’allais réaliser mon premier long. Ça crée une sacrée pression.

Dans quelle catégorie de films d’horreur peut-on classer Abandonnée ?
D’après moi ce n’est pas une histoire de fantômes traditionnelle. Comme je le dis souvent c’est plus un film sur un conflit émotionnel, un film d’horreur existentiel. Il y a un sous-texte qui l’éloigne des purs divertissements horrifiques ou des films gores. Ce qui le caractérise c’est cette possibilité qu’ont les spectateurs de pouvoir s’identifier aux personnages, qui ont ici un vrai passé de quadragénaire, et à leur confrontation avec la mort. Cette empathie rend le film effrayant, d’autant que mon approche du sujet est volontairement froide et distante. C’est un film que j’aime décrire comme un virus qui s’insinue en nous sans se développer. Je connais des gens qui, sans être choqués ou déçus, ont été un peu déconcertés, mais à chaque fois le film est revenu les hanter dans les semaines qui ont suivi. Il y a des images et des scènes que l’on a du mal à oublier. Un vrai virus ce film !

Visiblement il a été conçu pour provoquer l’effroi. Quels éléments avez-vous favorisés pour arriver à vos fins ?
J’ai peu misé sur le gore, même s’il y en a dans la partie finale. Tout repose plutôt sur l’atmosphère et sur la manipulation du spectateur à travers sa perception du temps et de l’espace qui sont ici maltraités. La structure narrative refuse la linéarité et favorise l‘imprévu. Le film a ainsi un caractère onirique et cauchemardesque.

Ce qui m’intéressait ce n’était pas de montrer des choses horribles et de finir par un rebondissement surprenant, mais plutôt d’insister sur le cheminement qui nous mène à l’inévitable conclusion. Je ne voulais pas de conclusion complexe, mais un final simple, comme dans Aftermath où l’on sait ce qui va arriver sans que cela nous prive de ce sentiment de peur pour autant. Pour moi, depuis Sixième sens, on tend à trop abuser des retournements de situations finaux et cela détourne les spectateurs de l’essentiel.

Votre utilisation du son particulièrement fort et puissant agresse le spectateur tout au long de la projection…
Pour moi Abandonnée devait être agressif. Je voulais bousculer le public. Le pire pour un film c’est de vous laisser indifférent. En particulier quand on aborde certains sujets. C’était déjà le cas avec Aftermath qui était très graphique dans son agressivité. Il allait à l’essentiel, sans aucun détour. Ici le son est censé participer à l’élaboration d’une atmosphère complexe basée sur ce que l’on voit et ce que l’on entend et je l’ai donc particulièrement soigné.

Ne craignez-vous pas que la structure cauchemardesque de votre film construite sur des répétitions et des retours incessants dans le temps puisse perdre et irriter les spectateurs habitués à des divertissements plus conventionnels ?
Tout à fait, mais cette histoire circulaire, qui fonctionne comme un cercle infernal à l’image de la vie, où tout ce que l’on fait à un moment de notre existence revient nous hanter des années plus tard, peut tout aussi fasciner. La circularité de l’existence m’a donc imposé la répétition. Le film débute de manière canonique mais au fur et à mesure j’ai procédé à une déconstruction progressive du récit. Et il est certain que le public, qui a besoin d’une logique et de recettes prémâchées pour assimiler ce qu’il voit, risque d’être surpris au premier abord. Mais la linéarité ne correspond pas à ma vision du cinéma. Je considère que le septième art doit évoluer, et que d’une certaine manière l’œuvre de David Lynch est emblématique de cette évolution nécessaire. J’en ai assez de voir toujours les mêmes spectacles et les mêmes formules inlassablement exploitées en salles.

Au niveau des influences, votre film semble très proche dans son cadre d’Evil dead de Sam Raimi de par votre exploitation de la forêt quasi identique, mais aussi très proche du cinéma de Fulci et notamment de L’au-delà dans sa morbidité.
Je peux vous dire aujourd’hui que vous avez raison, mais c’est tout à fait involontaire. Lors du processus d’écriture, je n’en étais pas conscient, mais vous savez, à force de voir et revoir tous ces classiques, on emmagasine des images qui nous marquent et nous construisent une sensibilité. Toutes ces influences ressurgissent mélangées à votre propre personnalité, à votre expérience de la vie, et tout ceci génère un style. C’est comme le processus langagier. On vous apprend à parler mais chacun va user des mots à sa manière. De manière unique et personnelle.

Propos recueillis lors du Festival de Gérardmer 2007

Frédéric Mignard

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