Abandonnée est un morceau de terreur, de premier choix calibré pour en mettre plein les oreilles et la vue. Une référence dans le cinéma horrifique des années 2000 qui marquait l’arrivée au long métrage d’un réalisateur de courts métrages controversés et sulfureux.
Synopsis : Marie a été adoptée et emmenée aux Etats-Unis alors qu’elle n’était qu’un bébé. Elle retourne dans son pays natal, la Russie, pour reconnaître le corps de sa mère, retrouvée morte dans des circonstances étranges. Sa seule piste est une ferme abandonnée dans les montagnes et qui appartenait à ses parents…
Le passage au long d’un maître de l’horreur espagnol
Critique : Nacho Cerdà est un petit malin. Roi des festivals avec ses courts cultes de par leur morbidité et leur gore clinique, l’Espagnol fasciné par la mort passe enfin au long avec Abandonnée dont l’aventure s’est faite sur près de trois ans, entre l’écriture, le financement et la diffusion à Sitges. The Abandoned réussit un passage majeur dans le genre dans sa forme et son fond, puisqu’il s’agit d’une descente vertigineuse dans les enfers d’une forêt russe où une femme se retrouve face à une représentation surnaturelle de son passé et de son avenir immédiat empreinte de nihilisme. Loin de toute civilisation et de toute rationalité, le cauchemar est posé. The Abandoned sera un choc de chaque instant, agressif et régressif pour les yeux, avec des scènes de brutalité sauvage (des porcs anthropophages qui surgissent des ténèbres) et pour les oreilles (des effets sonores tonitruants déchirent le silence crispé de la salle tout au long de la projection). Cerdà malmène ainsi le spectateur, ne jouant jamais la carte du petit confort ludique, préférant le remuer dans sa passivité devenue insupportable.
Abandonnée : la peur à l’état pur
Lorgnant du côté d’Evil Dead (la maison isolée dans la forêt, l’échappatoire impossible puisque tout ramène la protagoniste à la demeure, l’opposition maléfique entre le jour et la nuit) et du cinéma fulcien (les zombies aux regards d’aveugles et le sous-sol noyé d’eaux stagnantes ne sont pas sans rappeler L’au-delà du maître italien), Abandonnée trouve néanmoins sa propre identité et son intégrité dans la déconstruction de son récit inlassablement troublé par l’incroyable présence du temps, qui se joue fatalement des victimes en brouillant les pistes et réclamant vengeance.
Aussi, le rythme déconcerte emporté par un dédale de va-et-vient un peu répétitifs mais finalement hypnotiques lorsque que la trame infernale prend tout son sens et se referme inéluctablement sur l’héroïne. Dans cette spirale infernale, l’isolement du spectateur abandonné aux obsessions du réalisateur accouche d’un certain malaise dans la douleur, à l’image du personnage principal qui doit observer avec effroi sa propre agonie incarnée par son double d’outre-tombe.
© 2021 ESC Edition
Un échec sanglant au box-office
Si cette série B ibérique n’a pas réussi à capter le public en juin 2007, malgré des critiques globalement positives, de par son caractère réfractaire et radical, elle se révèle rusée, intrinsèquement angoissante et puissamment terrifiante. Wild Side, éditeur vidéo, également distributeur cinéma en 2007, basa beaucoup d’espoirs sur cette rencontre cinéma, mais les 45 601 spectateurs français seront bien maigres pour parler de succès franc. Le chat sauvage de la vidéo éditera néanmoins le film en DVD et la Trilogie de la mort de Cerdà. The Abandoned sortira également aux USA où son flop sera fulgurant. Le distributeur After Dark Films parvient à le garder deux semaines en salles, après un démarrage laborieux à 1 071 000 $ dans 1 000 cinémas. Le film pénétrait à peine dans le top 20 hebdomadaire. En 2e semaine, il dégringolait de 485 écrans pour des recettes misérables (260 137$ dans 515 cinémas). Tous les exploitants, effectivement, l’abandonneront très vite à l’issue de ce naufrage. C’est au Mexique que le film trouvera le plus de suffrage, avec des recettes équivalentes. L’Espagne fera à peine mieux que la France, abandonnant son sulfureux ressortissant au désaveu.
Depuis, le cinéaste n’aura pas réussi à réaliser de nouveau long et, en 2021, c’est ESC, dans sa boulimie d’éditions, qui propose une première édition blu-ray en France. Les bonus semblent être identiques au DVD de chez Wild Side, à quelques rares exceptions comme l’abandon de scènes supplémentaires (voir le site de l’éditeur). Bien se renseigner sur les pistes sonores avant l’achat.
Les sorties de la semaine du 30 mai 2007
© 2007 Wild Side
