Hou Hsiao-hsien est un célèbre réalisateur taïwanais dont l’essentiel de la carrière, pour les Français, se déroule entre le milieu des années 90 et le tout début des années 2000. Cet apôtre de Ozu et Mikio Naruse, dans son cinéma des années 80, divise.
Avec des critiques dithyrambiques et une presse éduquée fascinées par la lenteur de son cinéma, Hou Hsiao-hsien est porté aux nues par Olivier Assayas qui lui consacrera un prestigieux documentaire en 1999, HHH, un portrait de Hou Hsiao Hsien.
Trop radical même pour le public d’art et essai, le cinéaste connaîtra néanmoins un authentique succès avec Les fleurs de Shanghai, en 1998 (204 000 entrées), considéré comme l’un des derniers bijoux du cinéma de la fin du siècle dernier. Mais lors d’une décennie marquée par un véritable engouement pour le cinéma taïwanais et chinois, HHH n’aura pas le même attrait que Zhang Yimou ou Chen Kaige. Pis, le réalisateur Wong Kar-wai viendra à rendre son cinéma moins attrayant, le reléguant aux grands auteurs du siècle passé.
Hou Hsia-hsien, un réalisateur avant tout cannois
Dans une filmographie riche, particulièrement dans les années 80, Hou Hsiao-hsien connaît un vrai beau succès d’art et essai avec Le maître des marionnettes qui remporte le Prix du Jury à Cannes en 1993, qui succède à La cité des douleurs, qui avait déjà remporté le prix ultime à Venise, le Lion d’Or, en 1989.
L’auteur entre dans la catégorie des artistes dits cannois, dont toutes les œuvres sont systématiquement sélectionnées. Il retrouve ainsi la compétition en 1995 avec Good Men, Good Women puis, en 1996 Goodbye South, Goodbye. Curieusement, malgré une compétition à Cannes en 1998, Les fleurs de Shanghai n’impressionne pas le jury de Martin Scorsese qui ne lui décerne aucun prix. Pourtant le film marque une évolution majeure dans les thématiques et le décor de l’auteur qui s’éloigne de l’esprit des films d’Ozu et de Naruse, dont il est le disciple spirituel.
Le tournant Les fleurs de Shanghaï
Fort du succès commercial des Fleurs de Shanghai, véritable œuvre charnière dans sa filmographie, et d’un véritable buzz arty autour de son cinéma, Hou Hsiao-hsien propose assez vite Millenium Mambo. Le film de transition du nouveau millénaire pour Taïwan, avec sa nouvelle muse, Shu Qi, obtient le Prix du Jury cannois ; l’écho est certain et la presse se pâme. Malheureusement, le bel écrin un peu creux reste dans l’ombre du succès de Wong Kar-wai, In the Mood for love sorti un an plus tôt, qui avait rassemblé dix fois plus de spectateurs dans ses cinémas. Wong Kar-wai devient indéniablement la sensation asiatique, avec Ang Lee, et profite d’une approche esthétique plus consensuelle.
Le faux pas du Voyage du ballon rouge
En 2003, le cinéaste opère un hommage à Ozu avec Café lumière, peu vu. Il présente Three Times à Cannes en 2005, qui est un petit succès. En revanche, il subit un échec humiliant avec Le voyage du ballon rouge, film hommage à Paris, en français, avec Juliette Binoche et Hippolyte Girardot.
Commandé par le musée d’Orsay, cette production est égratignée par la critique et écartée de la compétition officielle cannoise, devant se contenter de l’ouverture de la section Un Certain Regard. Un camouflet.
The Assassin : HHH sort le sabre de la vengeance
Après ce faux pas, Hou Hsiao-hsien se retire pour ne revenir qu’en 2016 avec The Assassin. Il rejoint la mode des films chinois en costume, dans une Chine médiévale. Cannes le récompense d’un Prix de la mise en scène. Ce faux film de sabre et authentique film de HHH, d’une splendeur absolue, doit attendre près d’un an avant d’être distribué en France, où il connaît un beau succès sur la durée.
L’auteur est réhabilité et les rétrospectives et hommages à son œuvre peuvent se multiplier. La revanche du cinéaste cinéphile est totale, aidée par Carlotta Films. L’éditeur et distributeur du patrimoine propose plusieurs de ses œuvres méconnues des années 80, dites de jeunesse, en salle en 2016, à savoir Cute Girl (1980), Green Green Grass (1982), Les garçons de Fengkuei (1983), Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985) et Poussières dans le vent (1986).
Carlotta réhabilite Les fleurs de Shanghai en 2020, avec une reprise en salle et un blu-ray collector particulièrement riche.