Réalisateur, scénariste et producteur suisse, Alain Tanner est le fils d’un peintre et d’une actrice. Durant ses études universitaires, il fonde un ciné-club avec son ami Claude Goretta à Genève en 1951. Puis, il décide de s’exiler à Londres en compagnie de Goretta. Ils étudient au British Film Institute, puis côtoient les cinéastes issus de la mouvance du Free Cinema. En 1957, il y dirige son premier court-métrage documentaire intitulé Nice Time qui reçoit un prix au festival de Venise. De retour en Suisse, Alain Tanner tourne difficilement, uniquement des documentaires de commande pour la télévision dont le long-métrage Les apprentis (1964).
La révélation des premiers films
Ce n’est qu’en 1969 qu’il parvient enfin à signer son premier vrai long-métrage de fiction avec Charles mort ou vif qui signe l’acte de (re)naissance d’un cinéma national suisse. Le film obtient le Léopard d’or au festival de Locarno. Tanner enchaîne avec La salamandre (1971) qui est un coup de maître et peut être considéré comme un film générationnel tant il représente l’essor de la pensée libertaire des années 60. Bulle Ogier y est exceptionnelle. L’énorme succès rencontré par le film – vendu dans le monde entier – permet à Alain Tanner de tisser un réseau de fidèles acheteurs. Ainsi, il assure son indépendance par rapport au système pour les décennies à venir. Il poursuit son exploration dans Le retour d’Afrique (1973), lauréat de deux prix au festival de Berlin, puis Le milieu du monde (1974), avec Philippe Léotard et Juliet Berto.
La fin des utopies
Alain Tanner ausculte ensuite les utopies révolutionnaires issues de mai 68 dans l’excellent Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 (1976). La volonté de s’affranchir de la société est encore au cœur de Messidor (1979), mais Les années-lumière (1981) lui permet de revenir sur le devant de la scène grâce à un Grand Prix du Jury obtenu au festival de Cannes 1981.
Les riches années 80
Le réalisateur tourne ensuite au Portugal Dans la ville blanche (1983), une coproduction européenne avec Bruno Ganz qui remporte le César du meilleur film francophone en 1984. Toujours très inspiré, Alain Tanner fait ensuite tourner Myriam Mézières dans le très bon No Man’s Land (1985), sélectionné à Venise, puis dans Une flamme dans mon cœur (1987).
Toujours présenté à Venise, La vallée fantôme (1987) bénéficie cette fois de la présence de Jean-Louis Trintignant. En 1989, La femme de Rose Hill lui offre l’occasion d’aborder l’enfermement des êtres et le racisme ordinaire en Suisse.
A partir des années 90, les œuvres d’Alain Tanner rencontrent moins d’écho, y compris auprès des critiques qui l’oublient peu à peu et négligent ses œuvres plus récentes. Il tourne encore L’homme qui a perdu son ombre (1991) qui remporte quelques prix, notamment pour la prestation de l’acteur Francisco Rabal. Myriam Mézières lui propose ensuite le scénario du Journal de Lady M (1993) mais le film passe inaperçu.
Une fin de carrière plus discrète
Dès lors, Alain Tanner retourne au documentaire avec Les hommes du port (1995) qui décortique le quotidien des dockers du port de Gênes en Italie. Il revient à la fiction avec le léger et sympathique Fourbi (1996), porté par l’interprétation dynamique de l’excellente Karin Viard. Le cinéaste retrouve ensuite la ville de Lisbonne et signe un Requiem (1998) à la très bonne réputation. Puis, il tourne une fausse suite de son classique des années 70 avec Jonas et Lila, à demain (1999) qui révèle notamment l’actrice Aïssa Maïga.
Toujours fidèle à Myriam Mézières, Alain Tanner tourne son nouveau scénario intitulé Fleurs de sang (2002) et termine sa carrière cinéma avec Paul s’en va (2004). Fatigué de devoir affronter un montage financier de plus en plus complexe pour une distribution hasardeuse des films, Alain Tanner décide de mettre un terme à sa carrière et de prendre une retraite bien méritée.
Alain Tanner restera comme l’un des grands cinéastes suisses de la fin du 20ème siècle et un témoin sensible et inspiré des utopies libertaires de cette période.