Entre drame agricole et fantaisie décalée, Louloute impose un ton singulier, à l’image de sa jeune héroïne à la mélancolie contagieuse.
Synopsis : Louise a 30 ans. Elle enseigne dans un collège à la ville. Louise est en colère. Louloute c’est Louise 20 ans plus tôt, elle vit à la ferme avec ses parents. Louloute est exubérante. A l’occasion de la vente de la ferme de son père, Louise retrouvera Louloute, le temps d’un adieu drôle et mélancolique, à l’enfance et au monde paysan.
Des images au naturalisme rohmérien
Critique : Pour son troisième long métrage après les rohmériens Artémis, cœur d’artichaut et Les filles au Moyen Âge, Hubert Viel s’inspire d’un monde paysan des années 80, qu’il a connu différemment, puisque sa famille, plus aisée, n’a pas traversé la crise du lait qui frappe de plein fouet le père de la jeune héroïne. Néanmoins, le degré de réalisme dans la retranscription de l’époque, notamment à travers le choix de filmage qui donne un côté vintage et documentaire aux images, rend l’expérience juste et sincère.
Louloute, héroïne lunaire, pour film poétique et symbolique
À travers le personnage de Louloute, petit bout de fille lunaire, que l’on découvre dans un premier temps dans le récit cadre en femme, professeure angoissée et déprimée dont on va visiter les souvenirs, cocasses ou tragiques, c’est tout un univers d’enfant qui se déploie. Le cinéaste cite Miyazaki pour l’animisme qui est prégnant, mais aussi sa passion pour les contes dont il aime, notamment lors d’une séquence onirique étrange, s’imprégner de leur symbolisme, aussi noirs soient-ils.
Alice Henri dans Louloute – Copyrights Bathysphere
Complexe d’œufs-dipe
Les émotions vives de l’enfant, au naturel franc, trouvent un tremplin douloureux dans la raison sociale familiale, la cruauté d’un monde agricole déjà exsangue… Des souvenirs qui abîment l’adulte qu’elle est devenue au présent de la narration, mais qui lui font paradoxalement un grand bien, comme un cocon bienveillant dans lequel elle aime se lover, pour retrouver ses parents, ses relations complexes avec la mère et l’amour inconditionnel pour son père.
Le lait de la tendresse humaine
Le portrait des parents, pourtant pas si présents que cela à l’écran, est brossé de façon équilibrée, avec la distance de l’enfant et l’intégration de quelques scènes qui leur assure une vraie consistance psychologique. Laure Calamy et Bruno Clairefond sont d’ailleurs tous deux excellents quand la jeune enfant boudeuse et rêveuse, jouée par Alice Henri, est merveilleuse de naturel.
Un divertissement pour les amateurs d’art et essai
C’est tout le talent du cinéaste et scénariste Hubert Viel de trouver le ton, les mots et les émotions afin de créer un univers qui fonctionne et nous faire aimer cette famille aux caractères bien trempés. On notera que Viel, comme dans tous ses films, incarne également un personnage secondaire, en l’occurrence ici, un notaire lors d’une scène importante.
Plus art et essai que divertissement frontal, Louloute possède bien des qualités qui en font une œuvre attachante à défaut d’être vraiment passionnante.
Sorties de la semaine du 18 août 2021
Copyrights Bathysphere, Tandem Distribution
