Bruno Reidal, confession d’un meurtrier : la critique du film (2022)

Drame historique, Biopic | 1h41min
Note de la rédaction :
8/10
8
Bruno Reidal, l'affiche

  • Réalisateur : Vincent Le Port
  • Acteurs : Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu
  • Date de sortie: 23 Mar 2022
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Bruno Reidal, confession d'un meurtrier
  • Titres alternatifs : Bruno Reidal, Confession of a Murderer (titre international) / Bruno Reidal. Confesión de un asesino (Espagne) / Bruno Reidal (Italie)
  • Année de production : 2021
  • Scénariste : Vincent Le Port
  • Directeur de la photographie : Michaël Capron
  • Compositeur : Olivier Messiaen
  • Société(s) de production : Stank, Capricci, Arte France Cinéma
  • Distributeur : Capricci
  • Éditeur(s) vidéo : Capricci (DVD et blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 23 août 2022 (DVD et blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 15 549 entrées / 11 502 entrées
  • Budget : 1 750 000 euros
  • Classification : Interdiction aux mineurs -16 ans. La commission, qui a revu ce film, propose après ce deuxième visionnage une interdiction aux mineurs de moins de seize ans en raison de la complexité du parcours criminel du jeune homme, héros du film, mêlant frustration sexuelle, religion et passage à un acte particulièrement violent de décapitation d’un enfant montré de manière très réaliste.
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : 5.1
  • Festivals et récompenses : Festival Premiers Plans d'Angers 2022 : prix d'interprétation masculine pour Dimitri Doré / Festival International du Film de Bari, Italie – Prix du meilleur réalisateur / Atlàntida Film Festival, Majorque, Espagne – Prix de la Critique / Festival de Cannes 2021 : Sélection pour la Semaine de la critique, Caméra d'or, Queer Palm
  • Illustrateur / Création graphique : -
  • Crédits : Stank, Capricci, Arte France Cinéma
Note des spectateurs :

Première œuvre austère, mais très forte, Bruno Reidal, confession d’un meurtrier appartient à une lignée prestigieuse de films d’auteurs arides et secs qui ne peuvent laisser indifférent. Un uppercut.

Synopsis : 1er septembre 1905. Un séminariste de 17 ans est arrêté pour le meurtre d’un enfant de 12 ans. Pour comprendre son geste, des médecins lui demandent de relater sa vie depuis son enfance jusqu’au jour du crime. D’après l’histoire vraie de Bruno Reidal, jeune paysan du Cantal qui, toute sa vie, lutta contre ses pulsions meurtrières.

Un horrible fait divers du début du siècle dernier

Critique : En 2011, le réalisateur et producteur Vincent Le Port découvre l’existence de Bruno Reidal, jeune paysan de 17 ans qui a commis un crime abominable envers un gamin de 12 ans en 1905. Mais ce qui le décide à adapter cette histoire au cinéma vient de la découverte des mémoires du jeune homme qui a été encouragé par les psychiatres de l’époque à écrire sa version des faits. La phase d’écriture a pris tout de même cinq longues années au cours desquelles le cinéaste a livré aussi plusieurs courts-métrages qui ont forgé sa personnalité artistique.

Bruno Reidal, confession d'un meurtrier, photo

© 2021 Stank – Capricci Films – Arte France Cinéma. Tous droits réservés.

Bien évidemment, la phase du casting a été également fondamentale afin de trouver les trois interprètes du personnage central à trois âges différents. C’est l’acteur et metteur en scène Jean-Luc Vincent – qui joue le rôle du professeur Lacassagne dans le film – qui présente le jeune acteur Dimitri Doré au réalisateur. Après quelques essais, le jeune homme de 25 ans fait l’affaire. Il est assurément la révélation de ce long-métrage qui sort finalement sous le titre Bruno Reidal, confession d’un meurtrier en mars 2022, après avoir été présenté au Festival de Cannes de juillet 2021 avec un certain succès critique.

Un film largement sous influence de Robert Bresson et de René Allio

Pour son tout premier film de fiction, Vincent Le Port s’inscrit dans une lignée prestigieuse d’auteurs exigeants. Effectivement, en suivant les pas de ce meurtrier en devenir, Le Port signe une œuvre volontairement austère, voire carrément glaciale et procédurale, comme autrefois les films de Robert Bresson ou encore de René Allio. On songe ainsi beaucoup à Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… (Allio, 1976), au final tétanisant de L’argent (Bresson, 1983) ou encore aux premiers films de Bruno Dumont comme L’humanité (Dumont, 1999).

Autant dire que l’ambiance est ici très lourde, et ceci dès les premiers instants qui nous annoncent le terrible meurtre qui sera ensuite largement détaillé dans la séquence finale. Avec Bruno Reidal, confession d’un meurtrier, Vincent Le Port entend entrer dans la tête d’un jeune homme brillant sur le plan intellectuel, mais qui associe systématiquement Eros et Thanatos. Violé dès sa plus tendre enfance par un berger de passage – séquence assez hallucinante et brillamment montée afin de ne pas traumatiser le jeune acteur – Bruno Reidal est un masturbateur compulsif qui ne peut trouver la jouissance qu’en imaginant ses proies mourir sous ses coups. Cela occasionne un nombre conséquent de séquences qui mettent franchement mal à l’aise, d’autant que le jeune acteur Dimitri Doré parvient à imprimer une réelle humanité à son personnage détraqué.

Peut-on lutter contre sa propre nature ?

Sans jamais essayer d’expliquer le comportement du jeune homme, Vincent Le Port met en place un faisceau d’indices concordants, à savoir une mère peu aimante, le manque du père, une sexualité marquée par une attirance coupable envers les garçons et enfin le poids de la religion à une époque où les seuls conseillers de la jeunesse étaient des prêtres. A l’issue du film, il est pourtant difficile d’établir une causalité à ces terribles événements et c’est d’ailleurs ce flou qui est le plus intéressant. Loin de mettre en place un déterminisme social ou naturaliste, l’auteur préfère laisser son personnage lutter contre ses pulsions. Il pose ainsi la question essentielle : peut-on lutter contre sa nature profonde, et si oui, jusqu’où peut-on se nier soi-même ?

C’est finalement cette lutte intérieure qui fait tout le prix de Bruno Reidal, confession d’un meurtrier, bien plus que la séquence finale, effectivement très dure et même carrément gore. Elle risque fort d’indisposer une partie de l’assistance, d’autant qu’elle touche un enfant de 12 ans. Au moins, le réalisateur n’a pas détourné le regard face à l’horreur du crime perpétré. Le film mérite ainsi amplement son interdiction aux moins de 16 ans.

Une œuvre glaçante qui n’a pas vraiment eu sa chance dans les salles

L’ensemble est filmé avec une grande rigueur dans les cadrages et à l’aide d’une belle photographie de Michaël Capron, largement inspiré des cartes postales de l’époque afin de retracer la vie paysanne du début du 20ème siècle. Enfin, l’emploi de la sobre musique de Messiaen et notamment de son Quatuor pour la fin du temps vient enrober de manière discrète, mais essentielle, les images de ce long-métrage très prometteur.

Malheureusement, malgré quelques prix dans les festivals et une présentation à Cannes en 2021, Bruno Reidal, confession d’un meurtrier est sorti dans l’indifférence générale au mois de mars 2022, ne cumulant a priori qu’entre 16 000 et 20 000* entrées sur toute la France, dont 11 502* pour Paris et sa banlieue où il était paru sur les écrans de 8 cinémas (MK2 Odéon, UGC Ciné Cité les Halles, MK2 Gambetta, et le MK2 Bibliothèque pour l’intra-muros). Des problèmes de remontée de chiffres sur CBO Box-Office et le Film Français rendent le détail difficile à donner. A Paris, il se maintenant une deuxième semaine avec 3 253 spectateurs. Porté par sa présence à l’UGC les Halles, il trouve encore 1 720 spectateurs en 3e semaine et flirte alors avec les 10 000 tickets. L’UGC Ciné Cité fera l’effort de le conserver 4 semaines, malgré son étiquette art et essai, et surtout son interdiction aux moins de 16 ans.

La sortie de ce premier film puissant en combo DVD et blu-ray doit être l’occasion pour les cinéphiles exigeants de se rattraper.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 23 mars 2022

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Bruno Reidal, l'affiche

© 2021 Stank – Capricci Films – Arte France Cinéma. Tous droits réservés.

Bonus blu-ray de Bruno Reidal, confessions d’un meurtrier

  • Court-métrage La Marche de Paris à Brest, 2021 (6 min.)
  • Commentaire audio de Vincent Le Port
  • Discussion publique entre Antoine de Baecque et Vincent Le Port (45 min.)
  • Entretien avec le comédien Dimitri Doré
  • Scènes coupées commentées

Biographies+

Vincent Le Port, Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu

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Bruno Reidal, l'affiche

Bande-annonce de Bruno Reidal, confession d'un meurtrier

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