La grande affaire de Patricio Guzmán, c’est le Chili. S’impliquant quand il était jeune dans la ferveur révolutionnaire, il tourne son premier documentaire important, La Bataille du Chili, entre 1975 et 1979 sous la forme d’une trilogie imposante (cinq heures, en collaboration avec Chris Marker). Mais entre-temps, après le coup d’État de Pinochet, il est arrêté, puis s’exile et n’habitera plus jamais son pays. Parvenu en France, il réalise des documentaires sur Allende et Pinochet, ne cessant d’interroger l’histoire et le présent de sa patrie. C’est avec une autre trilogie (Nostalgie de la lumière en 2010, Le Bouton de nacre en 2015 et La Cordillère des songes en 2019) qu’il parachève un style singulier, fait d’une alliance du personnel et du général, des éléments et de l’humain. Il ne s’agit plus d’enregistrer la réalité en un geste prétendument objectif, mais de parler à la première personne, de questionner sans relâche. Ce faisant, Patricio Guzmán quitte les rives balisées du genre pour livrer des essais poétiques, profonds, d’une grande richesse.