Réalisateur et scénariste polonais, Aleksander Ford (de son vrai nom Mosze Lifszyc) est né à Łódź dans une famille juive. Contraint de travailler très jeune après la mort de son père, Aleksander bosse à l’usine, avant d’être engagé comme monteur dans un département cinéma de l’Agence télégraphique polonaise. Il se lance dès 1929 dans la réalisation d’un court-métrage documentaire intitulé A l’aube (1929). Malheureusement, ses premières œuvres sont considérées comme perdues de nos jours. En 1930, il tourne son premier long-métrage nommé La mascotte, également disparu.
Un juif polonais engagé dans le marxisme
C’est alors qu’il s’engage au sein d’un groupe artistique nommé START qui permet d’échapper à la domination des capitaux privés. Le groupe est d’inspiration marxiste et ses œuvres de l’époque en portent l’empreinte indéniable. Ford signe des films à portée sociale comme La légion de la rue (1932) qui obtient un beau succès et qui fut le premier film de fiction polonais tourné dans les conditions d’un documentaire. A la même époque, Aleksander Ford se rend en Palestine pour expérimenter le modèle juif du kibboutz. Là, il réalise le film Sabra (1933). De retour en Pologne, il tourne Nous arrivons / La route des jeunes (1936) qui est interdit par le pouvoir en place pour cause de propagande communiste. Cela ne l’empêche aucunement de récidiver avec Les gens de la Vistule (1936).
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Aleksander Ford s’exile en URSS où il tourne des bandes d’actualité. Il fait notamment partie des premiers cinéastes à filmer la libération des camps de concentration.
A la tête de l’industrie cinématographique polonaise
Une fois la guerre terminée, ce communiste de la première heure se voit récompensé de sa fidélité et il devient le grand patron de la Film Polski, organe de production d’Etat. Pourtant, cette promotion ne dure pas et il retourne à la réalisation avec La vérité n’a pas de frontière (1948) qui connaît un gros succès en Pologne, mais déplaît aux autorités car le cinéaste s’éloigne du réalisme socialiste alors en vigueur. Il est davantage dans la norme avec le biopic suivant : La jeunesse de Chopin (1952). C’est durant les années 50 qu’Aleksander Ford devient le directeur de l’école de cinéma de Łódź qui a permis l’éclosion de nouveaux talents polonais comme Roman Polanski, Andrzej Wajda ou encore Jerzy Skolimowski.
En 1954, il réalise Les cinq de la rue Barska qui est présenté avec succès au Festival de Cannes et permet à son actrice principale de recevoir un prix.
Malgré le triomphe des Chevaliers teutoniques, la chute est rude
Le cinéaste connaît de nouvelles difficultés avec le pouvoir en place avec Le huitième jour de la semaine (1958) qui est considéré comme trop sombre et défaitiste. Sans doute pour faire amende honorable, Aleksander Ford accepte alors de s’engager dans un projet pharaonique : Les chevaliers teutoniques (1960), grande fresque nationaliste destinée à fêter l’anniversaire de la bataille de Grunwald – Tannenberg de 1410. Le long-métrage est un triomphe international et impose donc Ford comme l’un des plus grands cinéastes polonais.
Pourtant, cela sera son chant du cygne car les films suivants n’ont pas connu le même impact. Après Le premier jour de la liberté (1964) qui est présenté à Cannes, le réalisateur est victime de la vague d’antisémitisme qui sévit en Pologne et après Un médecin constate (1966), Ford décide de repartir en Israël. La greffe ne prend pas et le cinéaste revient en Europe, mais en Allemagne cette fois. Il y tourne des documentaires et surtout réalise Le premier cercle (1972) d’après l’œuvre de Soljenitsyne.
Il est mentalement affaibli par l’échec de son œuvre suivante : Vous êtes libre docteur Korczak (1975). Dans ces conditions, il fait une première tentative de suicide ratée. Il est abandonné par sa femme et tente de la rejoindre aux Etats-Unis où il finit par se donner la mort dans une chambre de motel à deux pas de celle occupée par sa femme et ses enfants.
Il décède donc en 1980 à l’âge de 71 ans.