Fable poétique plus que satire du monde politique, Second tour est le film d’un doux rêveur qui se perd un peu dans une intrigue hautement improbable. L’ensemble demeure sympathique grâce au duo efficace formé par Cécile de France et Nicolas Marié.
Synopsis : Journaliste politique en disgrâce placée à la rubrique football, Mlle Pove est sollicitée pour suivre l’entre-deux tours de la campagne présidentielle. Le favori est Pierre-Henry Mercier, héritier d’une puissante famille française et novice en politique. Troublée par ce candidat qu’elle a connu moins lisse, Mlle Pove se lance dans une enquête aussi étonnante que jubilatoire.
Robert Kennedy comme source d’inspiration
Critique : En découvrant un documentaire sur Robert Kennedy, Albert Dupontel a été impressionné par le charisme de cet homme politique, mais surtout par sa capacité à faire des discours sincères où transparaissait sa volonté de modifier le système politique américain. Sa triste fin – il a été assassiné le 6 juin 1968 alors qu’il venait de remporter la primaire démocrate – a inspiré à Dupontel la fable politique Second tour qu’il a adapté au contexte français. Cela lui permettait d’évoquer quelques problématiques actuelles comme la destruction de l’environnement, mais aussi le poids des lobbys dans un système impossible à faire évoluer, sauf en le dynamitant de l’intérieur.
Toujours soutenu par Pathé et conforté par ses récents succès commerciaux que furent Au revoir là-haut (2017) et Adieu les cons (2020), le comique aux multiples récompenses (plusieurs César à son actif dont deux statuettes du meilleur réalisateur) a bénéficié d’un budget confortable autour de 13 millions d’euros pour mettre en boîte sa fable politique qui tient davantage de la rêverie poétique que de la satire.
Cécile de France et Nicolas Marié, un duo impayable
Il a retrouvé au passage son complice Nicolas Marié qu’il a associé cette fois-ci à Cécile de France. Cette dernière n’était pas nécessairement une évidence par rapport au rôle, mais le duo qu’elle forme avec Nicolas Marié fonctionne parfaitement à l’écran. L’une dans un emploi de journaliste d’investigation qui refuse d’obéir aux ordres de sa hiérarchie, et l’autre en caméraman fou de foot au comportement lunaire.
© 2023 Photo Jérôme Prébois – ADCB Films – Manchester Films. Tous droits réservés.
Dans le rôle du candidat à la présidentielle, Albert Dupontel reprend un emploi déjà tenu dans le film Président (Lionel Delplanque, 2006), mais s’octroie également un deuxième rôle qu’il campe avec moins d’agilité et de crédibilité. Le jeu de l’acteur n’est toujours pas son point fort, même si la sympathie qu’il dégage emporte tout sur son passage. A côté de lui, on apprécie la présence de l’acteur israélien Uri Gavriel qui s’avère fondamental au cœur de l’intrigue très tortueuse de ce Second tour qui a le grand mérite d’offrir de nombreux rebondissements inattendus – que nous ne dévoilerons donc pas.
Second tour est avant tout une fable, et non une satire
Effectivement, loin de se livrer à une satire du monde politique ou même de l’influence des médias, Albert Dupontel préfère largement s’orienter vers une fable qui reprend certaines de ses thématiques obsessionnelles comme celles de l’abandon et des liens familiaux tordus entre mère et fils. Ainsi, il crée un nouveau long-métrage au synopsis fortement marqué par l’influence des feuilletonistes du 19ème siècle, avec leur tendance à tisser des intrigues improbables où les hasards sont calculés pour mener le lecteur-spectateur à bon port.
Cet aspect très romanesque contribue à la fois à l’originalité de ce Second tour et aussi à sa plus grande faiblesse. Tel le film d’un doux rêveur, ce huitième effort de Dupontel n’arrive pas à totalement convaincre par la faute d’un script aux ressorts peu crédibles, même s’il œuvre dans le domaine de la comédie. Moins incisif que prévu, Second tour ne risque donc pas de marquer les esprits au-delà de sa projection, somme toute sympathique.
Réalisé avec un certain talent visuel par un cinéaste qui aime toujours autant les défis techniques (ainsi du plan qui suit un oiseau de proie et qui ensuite développe le point de vue de sa proie), Second tour est bel et bien un film de cinéma à découvrir sur grand écran. Il s’agit pourtant clairement d’une œuvre mineure pour le réalisateur.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 25 octobre 2023
© 2023 Stadenn Prod – Manchester Films – Pathé – France 2 Cinéma / Affiche : Laurent Lufroy. Tous droits réservés.
Biographies +
Albert Dupontel, Bouli Lanners, Christiane Millet, Philippe Duquesne, Cécile de France, Nicolas Marié, Philippe Uchan, Jackie Berroyer, David Marsais, Sharif Andoura, Uri Gavriel
Mots clés
Comédie française, La politique au cinéma, Le journalisme au cinéma
