Nuits blanches : la critique du film (1958)

Drame | 1h42min
Note de la rédaction :
9/10
9
Nuits Blanches de Luchino Visconti (reprise 2020)

  • Réalisateur : Luchino Visconti
  • Acteurs : Marcello Mastroianni, Jean Marais, Maria Schell
  • Date de sortie: 08 Mai 1958
  • Titre original : Le Notti Blanche
  • Nationalité : Italien, Français
  • Scénaristes : Susi Cecchi d'Amico, Luchino Visconti, d'après la nouvelle de Fedor Dostoïevski
  • Compositeur : Nino Rota
  • Distributeur : Rank (1958) / Carlotta (2009, 2020)
  • Éditeur vidéo : Carlotta (DVD, 2010)
  • Date de sortie vidéo : 19 août 2010 (DVD exclusivement)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 511 922 entrées France / 144 260 entrées P.P. (1958) - 3 379 entrées France (2009)
  • Festivals : 18e Mostra de Venise 1957 (Lion d'Argent), Festival du film de Taormine, Sicile, 1958 (Rubans d'argent du meilleur acteur et de la meilleure musique de film)
  • Crédits photos : ©1957 CLAS - Vides Cinematografica. Tous droits réservés
Note des spectateurs :

Dans Nuits blanches, Visconti délaisse un peu plus le néoréalisme pour s’abandonner dans les vapeurs oniriques d’un pur fantasme de cinéma… Une splendeur.

Synopsis : Mario arrive dans une ville qui ressemble à Livourne. Lors de sa première nuit, errant dans les rues désertes, il croise sur un pont une jeune femme en pleurs, Natalia. Tantôt extatique, tantôt accablée, cette dernière possède un comportement étrange et fascinant. La nuit suivante, Mario la retrouve au même endroit. Natalia lui avoue qu’elle fugue chaque nuit pour attendre, sur ce pont, l’homme qu’elle aime et qui lui a donné rendez-vous un an auparavant…

Quai des brumes

Critique : En adaptant, en 1957, une nouvelle de Dostoïevski (également à l’origine du film  Two lovers de James Gray), Luchino Visconti s’intéresse à la passion fulgurante qui caractérise l’auteur de Crime et châtiment. Une passion amoureuse ici dévastatrice qui laisse les personnages dans une solitude symbolisée par l’errance.

Le Marcello Mastroianni très charismatique de la fin des années 50 incarne un homme immature qui a du mal à sortir du lit pour affronter sa vie diurne, faite de travail. Il préfère les incursions dans la Venise nocturne qui se substituent, tels des rêves éveillés, à ses songes. Durant ses parades de noctambules, il va rencontrer une mystérieuse jeune femme blonde, couleur amour, dont il va s’éprendre. Celle-ci est interprétée par la très à la mode Maria Schell, révélée à Cannes dans Le Dernier Pont d’Helmut Käutner (Prix d’interprétation féminine en 1954), et confirmée dans Gervaise de René Clément, l’un des plus grands succès français en 1956.

Nuits Blanches de Luchino Visconti

©1957 CLAS – Vides Cinematografica. Tous droits réservés

La fille sur le pont

Cette femme tout aussi égarée dans l’univers de la nuit attend, tel un fidèle animal domestique, l’homme qui, un an auparavant, lui a donné un rendez-vous sur un pont. Le locataire d’à côté sans valise et sans attache, c’est Jean Marais, quasi spectral ; il apparaît peu, mais à point, justifiant l’investissement français dans la production. Dans l’expectative, le chagrin de la jeune femme et ses espérances se mélangent en un avenir incertain qui se manifeste par la brume de ces nuits blanches, au sens propre et figuré. Leur rencontre d’insomniaques se niche dans les rues gondolées d’un inoubliable studio de cinéma où la réalité, notamment celle du spectateur, s’estompe peu à peu.

Comme par rejet du néoréalisme qui le caractérisa, Visconti s’imprègne de poésie lunaire et réalise l’anti Senso, fresque historique colorée, déjà à contre-pied du cinéma réaliste de ses débuts, qui n’avait pas convaincu la critique et le public italien. Le futur réalisateur de Rocco et ses frères  troque la couleur flamboyante et le luxe du tournage pour un noir et blanc emblématique d’une recherche esthétique de poète ascétique.

Nuits Blanches de Visconti, avec Maria Schell et Marcello Mastroianni

©1957 CLAS – Vides Cinematografica. Tous droits réservés

Un miracle de beauté onirique magnifiquement photographié

Ce brouillon miraculeux de Mort à Venise a pourtant longtemps été considéré comme mineur dans l’œuvre de son auteur, faisant en France presque deux fois moins d’entrées que son effort précédent (environ 550.000 tickets en l’occurrence). Pourtant il en ressort une force créatrice de chaque instant, Visconti trouvant l’inspiration dans une nuit de cinéma sublimée par la magie des décors de Cinecittà et la photographie miraculeuse de Giuseppe Rotunno qui était au début de son impressionnante carrière.

L’histoire d’amour naissante entre le personnage de Mastroianni et celui de Maria Schell intrigue de par l’étrangeté du cadre. Cette impossible romance finit par émouvoir lors d’un ultime rebondissement puissant, qui laisse pourtant le pathos à l’écart. C’est là toute la force de Visconti qui ne privilégie guère la facilité, de rythme et d’action. La tragédie s’immisce parfois par la petite porte, notamment à travers le personnage très néoréaliste, a priori, d’une obscure prostituée, elle aussi figure récurrente de ces nuits d’errance. Sa tristesse inhérente à son statut l’écarte des filles de joie braillardes du cinéma italien contemporain, notamment chez Bolognini (Les garçons). Sa solitude exacerbe un peu plus les passions des protagonistes, leurs peurs, désirs. Dans cette beauté irréelle, les nuits blanches ne sont pas très loin du cauchemar.

Critique de Frédéric Mignard

Reprise : le 26 février 2020

Sortie originelle : le 8 mai 1958

Nuits Blanches de Luchino Visconti (reprise 2020)

Affiche : Dark Star L’Etoile Graphique ©1957 CLAS – Vides Cinematografica. Tous droits réservés

Le DVD

Retour sur l’édition 2010 de Nuits blanches, proposée en son temps par l’éditeur Carlotta. Alors une réussite intégrale, malgré l’absence de sortie HD, sur galette bleue.

Compléments : 3 / 5

Outre une généreuse bande-annonce, Carlotta gratifie cette sortie événement de deux modules d’environ 23mn chacun. Le premier donne la parole à Piero Tosi, le costumier de Visconti qui resitue l’œuvre et ses exigences artistiques dans un contexte d’informations.

Le second est tout aussi passionnant, analysant via l’intervention du critique Viera Razzini l’orientation de Visconti d’un cinéma réaliste vers un artefact onirique, dégageant une grande théâtralité.

L’image : 4 / 5

Dans cette œuvre qui est aux années 50 ce que La lune dans le caniveau de Beineix est aux années 80, l’image n’a pas vraiment pris une ride. La copie proposée par l’éditeur est imprégnée d’un noir et blanc immaculé, qui respire de ses profondeurs et de son voile de brume blanchâtre. Saisissant de beauté !

Le son : 3.5 / 5

On ne reprochera rien au mono proposé par l’éditeur. Les voix originales sont un bel écho à l’apparat lumineux de ces nuits blanches, sans entrave et nuisance sonores.

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Nuits Blanches de Luchino Visconti (reprise 2020)

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