Quentin Dupieux livre avec Mandibules sa comédie la plus abordable, sans pour autant abandonner son univers barré et son goût pour le surréalisme. Drôle et attachant.
Synopsis : Jean-Gab et Manu, deux amis simples d’esprit, trouvent une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture et se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent avec.
Des insectes et des hommes
Critique : Depuis une grosse quinzaine d’années et une petite dizaine de films, le cinéaste Quentin Dupieux a creusé un sillon qui lui est propre au cœur d’une œuvre étonnante et souvent surréaliste. Si l’artiste a développé un sens de l’humour bien à lui, il a parfois été tenté par des expérimentations qui pouvaient laisser pas mal de spectateurs sur le carreau. Des films comme Rubber (2010) et son pneu serial killer ou encore le peu compréhensible Réalité (2014) peuvent susciter aussi bien l’adhésion totale que le franc rejet.
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A chaque fois, en tout cas, se dégage un amour sincère du médium cinéma et une volonté de créer un univers barré et singulier qui ne ressemble qu’à lui. Cela s’est retrouvé récemment dans Au poste ! (2018) avec déjà Grégoire Ludig ou encore Le daim (2019) avec Jean Dujardin. Avec Mandibules (2020), Quentin Dupieux semble aborder une nouvelle phase dans son cinéma en ne cherchant plus l’expérimentation narrative et en se concentrant uniquement sur son duo d’acteurs.
Une comédie de duo attachante
Assurément plus accessible que ses précédentes réalisations, Mandibules pourrait constituer une porte d’entrée idéale dans son univers quelque peu déjanté. Si le long-métrage ne possède toujours pas de ligne narrative forte – une constante chez le cinéaste – il évite toutefois les scènes absurdes ou les fins précipitées qui étaient jusque-là sa marque de fabrique. De même, Dupieux ne cherche pas à déconstruire le duo comique formé par Ludig et Marsais (le Palmashow), mais au contraire tente de les valoriser et de faire ressortir l’amitié qui lie les deux potes.
Les deux compères incarnent ici deux crétins qui font nécessairement songer à Dumb and Dumber (Farrelly, 1994), mais sans l’aspect irritant de Jim Carrey, ou encore aux personnages cool de The Big Lebowski (Coen, 1998). Leur quête d’argent facile est rapidement interrompue par la présence inopinée d’une mouche géante cachée dans le coffre de leur voiture, fraîchement volée. Cet élément incongru, typique du cinéma de Dupieux, entraîne une série de décisions toutes plus absurdes les unes que les autres, de la part du duo.
Des gags qui font mouche
Prenant la forme d’un road movie qui n’aurait d’autre but que de revenir au point de départ, Mandibules multiplie les rencontres drolatiques, avec notamment un étrange nomade dans sa caravane (excellent Bruno Lochet), mais c’est surtout la deuxième partie dans la maison des jeunes bourgeois qui retient l’attention. Déjà passablement déjanté par la présence même du couple Ludig-Marsais, la comédie part en vrille avec le personnage très bis incarné avec beaucoup d’aplomb par Adèle Exarchopoulos. Il s’agit sans aucun doute de la protagoniste la plus drôle au sein d’une œuvre qui n’est jamais avare de gags et de situations absurdes. On apprécie également les interventions du rappeur Roméo Elvis qui s’en sort plutôt bien pour son tout premier rôle dans un long-métrage.
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Mais la grande force de Mandibules vient surtout de la complicité évidente entre les deux acteurs principaux qui forment un duo finalement attachant par-delà leur crétinerie. Effectivement, ce voyage n’aura d’autre but que de révéler l’amitié qui lie les deux hurluberlus. Dupieux se débarrasse donc de toute forme de cynisme pour valoriser un sentiment aussi noble que celui de l’amitié. Par le dernier plan, il s’en tire également par un pied-de-nez qui montre qu’il n’est jamais contre ses personnages, mais bien en empathie avec eux.
Mandibules déploie ses ailes lors de la reprise des cinémas
A l’arrivée, Dupieux signe avec Mandibules une comédie charmante qui manque sans doute de causticité, mais pas de mordant. Il livre une œuvre plus abordable sur le plan commercial, mais sans pour autant abandonner ses ambitions et son univers décalé. Prévu initialement pour une sortie en salles le 2 décembre 2020, puis repoussé au 16 décembre, avant d’être annulé à cause des mesures de confinement destinées à lutter contre la crise de la Covid-19, Mandibules a finalement pu sortir à la réouverture des salles le 19 mai 2021.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 19 mai 2021
La fiche du film sur le site du distributeur
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