Petit slasher ferroviaire, Le monstre du train constitue un spectacle sympathique de bout en bout, porté par l’interprétation de Jamie Lee Curtis et de Ben Johnson. Efficace.
Synopsis : Une fraternité d’étudiants universitaires décide de faire une soirée costumée pendant un voyage en train. Mais un tueur s’est infiltré dans le train, les tuant un par un et récupérant les costumes de ses victimes…
Le producteur a voulu prendre le train du slasher
Critique : Lorsque le producteur Daniel Grodnik découvre sur grand écran Halloween, la nuit des masques (Carpenter, 1978), il a immédiatement l’idée de transposer une intrigue similaire dans un train. Rapidement émerge même le titre Terror Train. Persuadé qu’il faut exploiter rapidement le triomphe du film de Carpenter, Grodnik met sur pied la production du long métrage alors qu’aucune ligne n’a encore été écrite.
Afin de profiter des avantages fiscaux fournis récemment par le gouvernement canadien, le producteur envisage un tournage à Montréal avec une équipe technique locale et des acteurs du cru. Ainsi, le monteur de Sam Peckinpah, Roger Spottiswoode, est approché pour réaliser ce qui serait son premier long-métrage en tant que réalisateur. L’avantage est que l’homme est de nationalité canadienne et qu’il arpente le milieu du cinéma depuis une dizaine d’années. On lui adjoint le directeur de la photographie John Alcott qui vient de travailler avec Stanley Kubrick sur Barry Lyndon (1975) et Shining (1980).
Spottiswoode s’impose sans crier gare !
Avec un budget assez confortable pour une petite série B, Le monstre du train peut se payer les services de Jamie Lee Curtis, nouvelle scream queen qui vient de triompher dans Halloween (1978) et Le bal de l’horreur (Lynch, 1980), mais aussi du vétéran Ben Johnson qui travailla autrefois pour John Ford. Hormis Jamie Lee Curtis, aucun membre de l’équipe n’est donc vraiment versé dans le film d’horreur. De son propre aveu, Spottiswoode n’a aucune appétence pour le genre et son acteur Ben Johnson n’a aucune idée de là où il met les pieds. Toutefois, cela n’a pas vraiment eu de fâcheuses conséquences sur le résultat final, si ce n’est une certaine timidité dans la description des meurtres, assez peu sanglants.
Tourné dans un vrai train au cœur de l’hiver canadien, Le monstre du train n’est certes qu’une petite série B exploitant sans vergogne une trame très classique, mais le huis clos est plutôt bien géré par un réalisateur qui sait optimiser les moyens mis à sa disposition. Par une bonne gestion de l’espace, il parvient à rendre l’espace clos du train anxiogène et mystérieux. Cela commence par une séquence inaugurale très efficace qui critique la violence des bizutages en faculté de médecine. Une réalité malheureusement bien glaçante qui pose les bases d’une intrigue qui sera ensuite très linéaire. Effectivement, si l’identité de l’assassin ne fait quasiment aucun doute dès cette scène inaugurale, il faudra une certaine dose de perspicacité au spectateur pour l’identifier au cœur du train.
Une intrigue basique qui ne déraille jamais
Finalement, l’idée de placer cette histoire pendant une fête déguisée est plutôt judicieuse car l’assassin, au lieu d’arborer un seul costume iconique comme dans les autres slashers, ne cesse de changer d’apparence. Tour à tour affublé du masque de Groucho Marx, d’un reptile ou d’une sorcière, il a un changement d’apparence qui n’est pas qu’un simple gimmick puisque cela se révèle central dans l’intrigue – nous ne pouvons toutefois rien en dire de plus sans déflorer la résolution finale. Toutefois, soyons honnête, avec la précision chirurgicale de la définition du blu-ray, nous avons pu comprendre le retournement de situation final une bonne demi-heure avant sa révélation, puisque le visage du coupable apparaît au détour d’un plan furtif, sans aucun doute moins identifiable avec une définition moins pointue.
Entre-temps, le spectateur suivra les aventures sentimentales d’une bande de jeunes gens appartenant à la bonne société. Ceux-ci se comportent assez mal envers leurs camarades et leur mort peut donc apparaître comme une sorte de revanche sociale prise par ceux qui n’entrent pas dans le cadre d’une société normée. Au cœur d’un casting largement constitué d’amateurs, la belle Jamie Lee Curtis s’impose par son charisme naturel. Elle est secondée par un Ben Johnson parfait en figure d’autorité, à la fois rassurant et protecteur. On sera plus réservé sur les capacités de comédien du prestidigitateur David Copperfield qui donne toutefois à voir certains tours de magie sympathiques.
Un slasher toujours sympathique
Doté d’une bonne ambiance, de quelques jolies trouvailles en matière de meurtres, Le monstre du train n’est certes pas un grand film, mais il constitue un petit slasher tout à fait recommandable. A sa sortie aux Etats-Unis, le long-métrage a déçu les attentes de ses producteurs et de son distributeur la Fox en ne glanant que 8,7 M$. En France également, le film fut une déception avec seulement 105 292 entrées dans tout l’Hexagone malgré une présentation au festival d’Avoriaz qui lui a donné de la visibilité. Toutefois, il faut rappeler que le slasher n’a jamais vraiment cartonné chez nous et que le film a été lourdement sanctionné par une interdiction aux moins de 18 ans assez peu compréhensible, à vrai dire.
Finalement, Le monstre du train a surtout acquis une petite réputation grâce à la VHS. Il est désormais disponible dans une très belle édition chez Rimini Editions, agrémenté d’une jolie copie et de suppléments où Roger Spottiswoode déclare aimer ce premier film, même « s’il ne casse pas trois pattes à un canard ». On est plutôt d’accord avec lui.
Critique de Virgile Dumez