Freedom est un film cru et réaliste qui aborde sans détour le phénomène rarement évoqué de l’esclavage sur les bateaux de pêche thaïlandais.
Synopsis : Dans la campagne cambodgienne, Chakra, garçon vif de 14 ans, travaille dans la rizière avec sa famille. Aspirant à plus d’indépendance, il sollicite un passeur pour trouver un emploi rémunéré dans une usine en Thaïlande. Sans rien dire à ses proches, il se rend à Bangkok dans l’espoir de mieux gagner sa vie.
En arrivant sur place, Chakra et son nouvel ami Kea, âgé d’une trentaine d’années, découvrent que l’intermédiaire leur a menti : comme d’autres Cambodgiens et Birmans, ils sont vendus comme esclaves à un capitaine de chalutier…
Freedom, récit sur l’esclavage moderne
Critique : Après avoir découvert, grâce à la lecture d’un document, l’horreur des conditions de vie réservées aux membres d’équipage, souvent des jeunes gens enrôlés de force, des chalutiers thaïlandais, le réalisateur Rodd Rathjen ressent le besoin impératif d’exposer aux yeux du grand public ces exactions tenues secrètes. D’origine australienne, il s’interroge néanmoins sur sa légitimité à appréhender une culture si éloignée de la sienne. Il rencontre alors quelques rescapés de ces prisons flottantes et s’inspire de leurs témoignages pour plonger son film dans un réalisme douloureux, gage d’une authenticité absolue.
© 2019 Causeway Films hq pty ltd, Screen Australia – Echo Studio – Feracious Entertainment – Melbourne International Film Festival Premiere Fund – Film Victoria – Charades
Un thriller social éprouvant
C’est à travers le parcours de Chakra (magnifique Sarm Heng dont c’est le premier rôle), un garçon à peine sorti de l’enfance, qui, comme tant d’autres jeunes gens issus de milieux défavorisés, émigre clandestinement du Cambodge vers la Thaïlande, que Rodd Rathjen décrit le traumatisme vécu par ceux qui, alors qu’ils n’avaient d’autre espoir que de gagner assez d’argent pour aider leur famille, se retrouvent finalement sans défense et privés d’identité.
Sans pathos ni moralisation, à mi-chemin entre reportage et thriller social se déroule sous les yeux du spectateur toute l’ampleur de cette tragédie où le suspense est distillé progressivement pour rendre compte du combat intérieur que doit livrer, pour conserver dignité et lucidité, cet adolescent qui cristallise toute la puissance émotionnelle du film. Sa jeunesse et la déshumanisation qu’il subit créent une empathie immédiate qui ne faiblira jamais, même quand lui-même s’adonne à la violence, grâce à la sensibilité que le jeune comédien Sarm Heng accorde à son personnage.
© 2019 Causeway Films hq pty ltd, Screen Australia – Echo Studio – Feracious Entertainment – Melbourne International Film Festival Premiere Fund – Film Victoria – Charades
Un récit âpre et bouleversant sur fond de chiffres choquants
Une mise en scène dépouillée et des dialogues restreints plongent ce récit âpre et bouleversant dans un enfermement mental, tout juste entrecoupé de quelques scènes dont les couleurs chaudes et la beauté naturelle époustouflante offrent un répit salvateur avant le retour de nouvelles confrontations sanglantes.’
L’exportation des produits de la pêche en Thaïlande a rapporté 5,5 milliards de dollars en 2017. 50% des 600 000 hommes qui travaillent dans ce secteur viennent du Myanmar ou du Cambodge, selon les Nations Unies. Ils sont victimes du trafic d’êtres humains et sont contraints de travailler sur des chalutiers dans toute la région pour vendre les produits de la pêche à des consommateurs du monde entier. Chaque jour, ce sont environ soixante jeunes garçons qui quittent le Cambodge pour la Thaïlande en pensant qu’ils vont travailler dans une usine et envoyer de l’argent à leurs parents. Moins de 8% d’entre eux reviennent un jour.
L’Occident coupable ?
Bien que le gouvernement se soit engagé à mettre fin à l’esclavage dans l’industrie de la pêche, le secteur reste gangrené par les violations des droits de l’homme, notamment le travail forcé et le trafic d’êtres humains. Le produit de la pêche thaïlandaise n’est pas uniquement destiné au marché local et se retrouve parfois dans les supermarchés occidentaux, notamment sous la forme de nourriture pour animaux. Voilà qui justifie pleinement l’existence de ce film militant qui fascine par sa capacité à nous interpeller sur ce sujet de l’esclavage que l’on croyait naïvement révolu.
Critique : Claudine Levanneur
Sorties de la semaine du 27 novembre 2019
© 2019 Causeway Films hq pty ltd, Screen Australia – Echo Studio – Feracious Entertainment – Melbourne International Film Festival Premiere Fund – Film Victoria – Charades
