Thriller d’action efficace, Enragé échoue à dépasser son statut de simple divertissement ultraviolent, mais reste globalement satisfaisant en tant que série B.
Synopsis : Mauvaise journée pour Rachel : en retard pour conduire son fils à l’école, elle se retrouve coincée au feu derrière une voiture qui ne redémarre pas. Perdant patience, elle klaxonne et passe devant. Quelques mètres plus loin, le même pick-up s’arrête à son niveau. Son conducteur la somme de s’excuser, mais elle refuse. Furieux, il commence à la suivre… La journée de Rachel se transforme en véritable cauchemar…
De Nicolas Cage à Russell Crowe
Critique : Alors que le cinéaste Derrick Borte a jusque-là rédigé la plupart des scripts de ses films (dont La famille Jones en 2009), il tombe sous le charme immédiat de celui de Carl Ellsworth intitulé Enragé. Pour mémoire, Ellsworth a déjà à son actif plusieurs scénarios de thrillers comme Red Eye (Craven, 2005), Paranoïak (Caruso, 2007) et ceux de deux remakes : La dernière maison sur la gauche (Iliadis, 2009) et L’aube rouge (Bradley, 2012). Pas nécessairement des références. Toutefois, Borte y voit l’opportunité de proposer un commentaire sur les dérives d’une société contemporaine de plus en plus violente.
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D’abord conçu comme un véhicule pour Nicolas Cage, effectivement parfaitement envisageable dans un énième rôle où il doit péter les plombs, Enragé est mis en attente quand la star de la série B refuse le projet. Contre toute attente, le scénario est alors proposé à Russell Crowe qui annonce dans le dossier de presse :
C’est hors de question ! Je ne tournerai jamais un film qui me fout autant la trouille ! Et ce personnage est abominable ! Mais en réfléchissant à ma réaction, je me suis dit “et pourquoi donc renoncer à un tel projet ? Au contraire, il correspond à ce que je recherche – me lancer de nouveaux défis”.
Crowe en Chute libre
Et de fait, le choix de cet acteur que l’on a rarement connu dans l’éructation s’avère plutôt pertinent puisque son comportement outrancier étonne fortement le spectateur, habitué à davantage de retenue de sa part. Il incarne ici un homme non identifié présenté dès la séquence pré-générique comme un psychopathe n’ayant plus rien à perdre. Sur le modèle du personnage joué par Michael Douglas dans le superbe Chute libre (1993) de Joel Schumacher, le protagoniste est un citoyen lambda qui a tout perdu et déchaîne sa violence froide sur les premiers individus croisant sa route.
Ce déferlement de haine s’abat sur une mère de famille dépassée par les événements et sur son fils de seize ans, à la suite d’un banal coup de klaxon sur la route. Débarrassé de l’aspect polémique et politique du long-métrage de Schumacher évoqué plus haut, Enragé s’inscrit en réalité davantage dans une économie de série B, cherchant l’efficacité à tout prix. On peut donc rapprocher le film du Tueur de l’autoroute (Crijns, 2019), thriller néerlandais qui, par un curieux hasard, dispose d’un scénario quasiment identique. Là aussi le drame intervient parce qu’un des personnages refuse de s’excuser à la suite d’un simple coup de klaxon sur la route. Manque de chance, la personne offensée n’est autre qu’un malade mental adepte de l’équarrissage de masse.
De l’efficacité brute et c’est tout…
Là où le long-métrage néerlandais jouait la carte de l’humour décalé, Enragé préfère chausser les gros sabots du thriller d’action avec séquences de poursuites en voiture trépidantes, mais aussi assassinats sadiques au cœur même d’un restaurant, devant un public médusé. Si l’ensemble du film repose donc sur une simple idée de départ déclinée pendant une heure et demie, il faut reconnaître à Derrick Borte la capacité à maintenir la tension durant l’intégralité de la projection. Pour cela, il a recours à une violence fréquente et qui fait souvent mal. Dans Enragé, les coups portés font souffrir et peuvent s’avérer létaux.
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Contrairement à ce que laisse entendre le réalisateur dans ses entretiens, le thriller n’approfondit aucunement la thématique de la violence quotidienne, et avouons qu’on ne va pas voir ce type de film pour cela. Il se contente ici d’illustrer un cas extrême, avec une belle efficacité qui renvoie aux belles heures de films classiques comme Duel (Spielberg, 1971).
Des acteurs de qualité pour un thriller saignant
Le tout est porté par une interprétation de bonne tenue. Russell Crowe assure en psychopathe complètement incontrôlable, mais Caren Pistorius fait une victime crédible aussi bien dans la peur que l’action. Enfin, le jeune Gabriel Bateman confirme son statut de jeune espoir après ses excellentes prestations dans les films d’horreur Dans le noir (Sandberg, 2017) et Child’s Play : La poupée du mal (Klevberg, 2019). Tourné pied au plancher, le film bénéficie également d’une musique efficace de David Buckley.
Sorti en salles au mois d’août 2020 en plein durant la période de pandémie de la Covid, Enragé a pu compter sur l’absence de concurrence en matière de blockbusters pour attirer quelques curieux. En Amérique du Nord, il a glané 20,8 millions de dollars dans un contexte difficile. En France, le long-métrage a suscité la curiosité d’un public en manque de spectacles venus des Etats-Unis durant la première semaine. Enragé a fédéré 341 995 amateurs de séries B musclées, ce qui est plutôt correct au vu des maigres entrées générées au cœur du mois d’août 2020 et du côté dispensable du divertissement.
Critique de Virgile Dumez
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