Thriller brillamment mené dans sa première partie, Conclave s’écroule petit à petit sous le poids de twists tous plus absurdes les uns que les autres, au point de ruiner sa crédibilité initiale. Un beau gâchis !
Synopsis : Quand le pape décède de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. Alors que les machinations politiques au sein du Vatican s’intensifient, il se rend compte que le défunt leur avait caché un secret qu’il doit découvrir avant qu’un nouveau Pape ne soit choisi. Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde.
Un tournage à Cinecittà
Critique : Le point de départ de Conclave est un roman éponyme écrit par Robert Harris, écrivain britannique habitué à créer des uchronies et autres fantaisies historiques. Publié en 2016, le bouquin a rapidement fait l’objet de tractations pour devenir une œuvre cinématographique. Coproduit par l’Angleterre et les Etats-Unis, le long métrage a été tourné en grande partie à Rome, notamment dans les studios Cinecittà où a été reproduite la chapelle Sixtine. Effectivement, la salle au plafond mythique est bien le lieu où se déroule traditionnellement le conclave qui mène à la désignation d’un nouveau pape.
©️ 2024 FilmNation Entertainment, House Productions, Access Entertainment, Indian Paintbrush. Tous droits réservés.
Car le film, tout comme le livre, entend décrire de manière minutieuse le lent processus de l’élection du pape parmi les cardinaux. Très précis dans son aspect documentaire, Conclave séduit très rapidement le spectateur par sa capacité à rendre crédible chaque geste des ecclésiastiques croisés. Mené de manière habile par le réalisateur allemand Edward Berger, à qui l’on doit déjà une excellente version d’A l’Ouest rien de nouveau (2022), le drame se mue très rapidement en un véritable thriller. A l’aide d’une musique diaboliquement efficace signée Volker Bertelmann, le cinéaste parvient à créer un authentique suspense autour de cette élection où se joue l’avenir de la Chrétienté.
Une opposition binaire entre obscurantistes et progressistes
Ainsi, les auteurs décrivent par le menu la lutte entre les forces réactionnaires qui soutiennent l’obscurantisme (autour du candidat interprété par le glaçant Sergio Castellitto) et les forces plus progressistes (incarnées par Stanley Tucci et Ralph Fiennes). Toutefois, là où le script s’avère particulièrement malin, c’est qu’il prend un malin plaisir à retourner la situation de manière adroite. Certes, le cardinal le plus raciste et réactionnaire est un réel danger pour la papauté, mais son élimination progressive du jeu se déroule de façon foncièrement malhonnête.
En cela, Conclave est autant un film politique que religieux puisqu’il ausculte la manière dont des hommes d’influence se débrouillent pour écarter du pouvoir ceux qui ne partagent pas leurs vues. On adore notamment le rôle très ambigu tenu par Ralph Fiennes qui ne cesse de proclamer son manque d’ambition, mais qui tire pourtant toutes les ficelles, au point de devenir un candidat sérieux pour le poste, là où il se déclare n’être qu’un simple exécutant.
Une enfilade de twists jusqu’à l’écœurement
Assez jubilatoire durant une heure et demie, Conclave s’appuie donc sur une histoire solide, une réalisation classique, mais efficace et surtout des acteurs tous plus chevronnés les uns que les autres. John Lithgow est ici d’une très belle sobriété, Stanley Tucci est parfaitement dirigé, tandis que Lucian Msamati interprète un cardinal africain aux failles intéressantes. L’ensemble est toutefois largement dominé par Ralph Fiennes qui mérite de belles louanges.
©️ 2024 FilmNation Entertainment, House Productions, Access Entertainment, Indian Paintbrush. Tous droits réservés.
Malheureusement, à force de multiplier les chausse-trapes et les retournements de situation, les auteurs finissent par se prendre les pieds dans le tapis en livrant un ultime twist d’une totale incongruité. On se demande bien ce qui a pu dicter une telle décision puisque cette révélation finale vient littéralement gâcher le reste du film, occasionnant une révision complète de l’œuvre et rendant caduque toutes les réflexions précédentes.
Conclave, un candidat sérieux pour les Oscars ?
Là où le script apparaissait comme brillamment alambiqué, il ne reste plus qu’un plaidoyer progressiste d’une lourdeur symbolique indigne d’un auteur éclairé. Catastrophique et totalement incohérente, cette fin ruine tous les espoirs placés en ce film à Oscars qui sacrifie in fine à la mode du moment. Conclave, thriller passionnant durant une heure et demie est donc finalement terriblement décevant lors de sa dernière ligne droite, parfaitement déplorable.
Visiblement, cela n’a pas empêché le long métrage de connaître un joli succès aux Etats-Unis, au point que le film semble être aujourd’hui en bonne position pour briller aux prochains Oscars. Et une fois de plus, nous ne serons pas en accord avec cette académie puisque Conclave ne mérite guère d’honneurs, si ce n’est pour ses comédiens, tous impeccables et irréprochables.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 4 décembre 2024
Copyright: FilmNation Entertainment, House Productions, Access Entertainment, Indian Paintbrush
Biographies +
Edward Berger, John Lithgow, Sergio Castellitto, Stanley Tucci, Isabella Rossellini, Ralph Fiennes, Merab Ninidze
